La lettre de Regards et Politis du 27 juin 📨

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USA-Iran-Israël : sous les bombes, les peuples
Au-delà des discours officiels, ce sont les sociétés qui façonnent — et subissent — l’escalade en cours au Moyen-Orient. Ce dossier leur redonne la parole.
Il y a une illusion tenace à laquelle s’abreuvent certains stratèges du monde : celle d’une « géopolitique » qui fonctionnerait comme un échiquier froid, rationnel et désincarné. Des États y seraient des entités homogènes, mues par leurs intérêts nationaux, définis par une élite militaire ou diplomatique, les peuples relégués au rang de décor. La guerre deviendrait ainsi une mécanique répondant à des logiques de puissance.
Le politiste Bertrand Badie s’emploie depuis des années à dynamiter cette fiction. Non, la géopolitique n’existe pas. Ce sont les sociétés qui font l’histoire. Ce sont elles qui donnent sens ou non à la guerre, qui y résistent ou l’enclenchent, qui peuvent, dans leur pluralité, leurs contradictions, leurs espoirs, faire surgir des brèches dans les logiques de destruction.
Entre Téhéran et Tel-Aviv, cette vérité s’impose avec éclat. Et effroi.
Car dans l’escalade en cours entre Israël et l’Iran, ce ne sont pas seulement deux États qui s’opposent, ce sont deux sociétés fracturées, habitées par des contradictions profondes. En Iran, la théocratie repose sur la répression, la peur, les prisons politiques. Et pourtant, depuis les grandes mobilisations de 2009 jusqu’aux révoltes féministes de 2022, une société civile tente, à pas lents mais tenaces, d’arracher un avenir à la nuit islamiste. Les femmes émancipées, les grèves ouvrières, les étudiants contestataires sont les visages d’un peuple qui, malgré tout, refuse de se résigner.
Mais face à cette lente érosion du pouvoir des mollahs, que produira le fracas des bombes israéliennes ? À quoi ressemblera une société iranienne réveillée non plus par le désir d’émancipation, mais par le réflexe nationaliste, la peur, la colère ? Ce que l’aviation israélienne détruit aujourd’hui en infrastructures pourrait bien enterrer demain les possibilités politiques.
Et en Israël, la société n’est pas épargnée non plus. Si des voix s’élèvent, courageuses, pour dénoncer la politique coloniale, l’apartheid, le génocide et la guerre — des journalistes, des ONG, des jeunes qui refusent l’enrôlement —, elles restent très minoritaires. D’après des études d’opinions et des sondages analysés par Haaretz ces derniers mois, la part des Israéliens soutenant les opérations militaires à Gaza est très importante, malgré l’ampleur des massacres, malgré les images, malgré le droit. La société, ici, ne fait pas que subir : elle choisit… ou laisse faire.
Alors, que reste-t-il de politique dans ce champ de ruines ? Justement : les sociétés. Pas comme totems, pas comme excuses, mais comme terrains de lutte, de contradictions, de possibles. C’est ce que Regards et Politis ont voulu mettre au centre de ce dossier : ni la carte, ni le drone, ni le tweet d’un chef d’État, mais ce que veulent (ou pourraient vouloir) les peuples.
Parce que la paix ne naîtra ni à Riyad, ni à Washington, ni dans le cockpit d’un F-35. Elle se construira, si elle doit advenir, dans les failles de l’Iran autoritaire et de l’Israël colonial, par celles et ceux qui refusent de haïr, de tuer, d’obéir. Ce sont eux, les vrais acteurs du monde à venir. Et c’est à eux qu’il faut prêter l’oreille, tant qu’il est encore temps.

Manifestation contre l’attaque américaine en Iran : « Nous ne voulons plus de morts et de victimes »
par Edward Maille
Des rassemblements sont organisés depuis une semaine aux États-Unis contre l’attaque américaine en Iran. Si la taille des manifestations reste minime, l’opposition à l’intervention américaine est forte dans la population, y compris chez certains soutiens de Donald Trump.
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« Il venait de finir sa première année d’école et savait lire le mot terrible : guerre »
Depuis Téhéran, une voix sous silence. En Iran, où la parole peut coûter cher, Tara nous écrit dans l’ombre. Sous le couvert de l’anonymat, elle raconte les premières heures des bombardements israéliens, l’écho lointain mais terriblement présent de la guerre qui gronde. Elle dit l’effroi, l’attente, et cette peur presque indicible : devoir expliquer l’inexplicable à son enfant. Témoignage.
Un article à lire juste 👉 ici

« Je ne vois aucune lumière pour le futur d’Israël »
par Ziva Sternhell, journaliste Ă Haaretz
Ziva Sternhell habite à Jérusalem et écrit régulièrement pour le quotidien Haaretz. Figure de la gauche, elle était également mariée à l’historien Zeev Sternhell mort il y a quelques années. Elle tente de raconter comment la société civile israélienne voit cette nouvelle escalade militaire.
Un article à lire juste 👉 ici
« Le fracas des bombes ne réduira jamais au silence les sociétés »
Aghiad Ghanem, docteur en relations internationales Ă Sciences Po, co-auteur de « Espace mondial » aux Presses de Sciences Po, est l’invitĂ© de #LaMidinale.
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