La lettre de Regards et Politis du 26 septembre 📨

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Sarkozy condamnĂ© : l’État de droit tient le coup

par Catherine Tricot

Quels seront les effets de la condamnation de Nicolas Sarkozy sur le dĂ©bat public et sur l’idĂ©e que nous nous faisons de notre pays et de sa dĂ©mocratie ? Attendu depuis 15 ans, ce procès, quand il sera achevĂ© après l’appel, produira des effets sur la durĂ©e.

À J+1, on peut déjà retenir que les informations qui ont conduit au jugement d’hier ont été révélées par Mediapart, un journal indépendant. Il y a motif à se réjouir de la possibilité de l’existence de ce journal dans notre pays. Ce que Mediapart a fait était donc faisable par eux (ou par d’autres qui ne l’ont pas fait, faute de moyens ou de volonté). La presse peut jouer son rôle d’enquête, d’information, d’alerte des citoyens. Que la leçon, une fois encore, soit retenue. La pluralité, l’indépendance de la presse et des médias est un pilier fragile, attaqué mais indispensable à la démocratie et à chacun de nous. Il faut la défendre.

Mais il y a aussi motifs à de lourds questionnements. Pourquoi les institutions n’ont pas décelé et enquêté plus tôt sur les dysfonctionnements nombreux produits par ce pacte de corruption ? Dans cette affaire s’entremêlent surfinancement de campagne et donc altération de la régularité du scrutin présidentiel ; liens inconcevables avec le régime de Mouammar Kadhafi, jusqu’à envisager de lui transférer les technologies du nucléaire ; sauf-conduit pour un terroriste coupable d’attentats contre des avions de lignes qui ont tué des dizaines de passagers ; assassinat du président Khadafi et guerre contre un État et sa population qui continuent de souffrir de cette déstabilisation, la Lybie. Tous ces indices d’une gravité extrême étaient là, décelables.

On se souvient de la solitude de la secrétaire d’État aux droits de l’homme auprès de Bernard Kouchner, Rama Yade, qui seule a dit non au tapis rouge déroulé pour Mouammar Kadhafi. Elle a dû en subir des pressions pour se taire. D’ailleurs, elle a quitté la France. L’enjeu devait être de taille pour que l’on s’abaisse à cela. Plus tard, la légende selon laquelle on a fait la guerre à la Libye parce qu’un philosophe à la chemise immaculée et épris de droits humains a convaincu le président Sarkozy d’intervenir ne tient pas une seconde. BHL fut « l’idiot utile » d’une histoire qui le dépassait. Cette intervention était politiquement illégitime et elle entache toujours notre pays. Cette guerre aussi devra bien, un jour, être éclairée.

L’autre enjeu de ce procès est celui du financement des campagnes Ă©lectorales. La France ne peut devenir un pays oĂą la prĂ©sidence du pays s’achète, a fortiori avec le concours de puissances Ă©trangères. Comme souvent dans les affaires de corruption, on n’a pas retrouvĂ© la preuve ultime, le lettre oĂą sont transcrits les termes du deal. En revanche, il y a bien des certitudes sur les sorties d’argent – 50 millions d’euros –, sur la concordance de flux, sur l’existence de ramifications. De fait, l’ensemble des co-accusĂ©s de Nicolas Sarkozy ont Ă©tĂ© condamnĂ©s, lourdement. L’argument selon lequel Nicolas Sarkozy aurait pu bĂ©nĂ©ficier de ces flux sans le savoir a formellement tenu : prĂ©sident Ă  l’insu de son plein grĂ©, en quelque sorte. Rappelons que Nicolas Sarkozy a Ă©tĂ© condamnĂ© de façon dĂ©finitive dans l’affaire Bygmalion : il lui Ă©tait reprochĂ© un dĂ©passement de 25 millions des dĂ©penses autorisĂ©es (seuls 20 millions sont lĂ©gaux). Lors du procès Bygmalion, Nicolas Sarkozy argumentait avoir reproduit en 2012 les dispositifs de 2007 ! C’est exact : en 2007, il dĂ©passait dĂ©jĂ , et de très loin, les plafonds. Cette triche devant le suffrage universel est dĂ©lĂ©tère. On se rĂ©confortera en constatant les flots d’argents, d’écrans gĂ©ants et de kermesses ne suffisent pas Ă  gagner… NĂ©anmoins cet enjeu d’égalitĂ© et d’accès au financement reste une condition de la dĂ©mocratie. On voit les ravages aux États-Unis oĂą il n’y a aucune limite pour le financement privĂ©. Davantage de contrĂ´le, une limitation des moyens et des mĂ©thodes de campagne, un financement public sont les conditions du maintien de la dĂ©mocratie.

Enfin, depuis hier, la droite et l’extrĂŞme droite s’associent pour mettre en cause la justice. Leurs discours la dĂ©crivent impartiale, de gauche. C’est une accusation gravissime contre une institution majeure et qui ne peut ĂŞtre portĂ©e sans fondement. Leurs preuves ? L’influence du Syndicat de la magistrature (1/3 des suffrages environ) et l’existence d’un « mur des cons » rĂ©vĂ©lĂ©s en 2013. Cela ne suffira pas Ă  convaincre. En vĂ©ritĂ©, pratiquement tous les partis ont des jugements pendants (RN, Modem, LFI, PCF, sans compter les 20 ministres et anciens ministres des mandats Macron…). La rĂ©cente crĂ©ation du PNF (parquet national financier) donne Ă  la justice les moyens de son action. Le fait que les jugements soient argumentĂ©s, rendus collĂ©gialement et qu’un second procès soit possible assurent les citoyens d’une justice respectueuse de leurs droits individuels et les prĂ©munit d’une justice discrĂ©tionnaire. Et c’est la justice qui, comme l’Ă©crit la prĂ©sidente d’Anticor, « a rĂ©ussi Ă  faire rendre des comptes Ă  l’État sur sa pratique du pouvoir ». Pour cela aussi, la sĂ©paration des pouvoirs est un pilier qui doit ĂŞtre respectĂ©. Cela ne signifie pas que la justice ne puisse ĂŞtre critiquĂ©e, amĂ©liorĂ©e. De fait, le sentiment de sa sĂ©vĂ©ritĂ© Ă  l’égard des humbles et de sa mansuĂ©tude Ă  l’égard des puissants est souvent fondĂ©.

Marine Le Pen se porte en avocate du droit au double procès, Ă  la prĂ©somption d’innocence, contestant l’exĂ©cution immĂ©diate des peines avant Ă©puisement des recours. Pourtant, elle ne s’Ă©meut guère du sort des 22 000 personnes emprisonnĂ©es bien qu’en attente de leur condamnation dĂ©finitive – plus du quart des prisonniers. Elle a repris son bâton de pèlerin hier au risque d’amalgamer sa propre peine Ă  celle de Nicolas Sarkozy, condamnĂ© pour des faits incommensurablement plus graves. Pourquoi le fait-elle ? Non par erreur mais parce qu’ici comme ailleurs, la mise en cause de la justice est devenue un des axes des droites radicalisĂ©es. Elles s’associent pour dĂ©stabiliser l’État de droit. L’ancien prĂ©sident Sarkozy y contribue, par ses actes, son comportement, ses dĂ©clarations. Après les États-Unis, c’est la grande bataille qui arrive en France.

Catherine Tricot

La droite contre la justice, la République en danger

par Pablo Pillaud-Vivien

Depuis la Première République, seuls trois chefs de l’État ont connu pareille infamie : Louis XVI, Napoléon III (mais avant d’avoir exercé le pouvoir) et Philippe Pétain. Nicolas Sarkozy se joint désormais à eux. Le symbole est immense. Il dit quelque chose d’essentiel sur la fragilité de notre démocratie et sur les secousses qu’elle traverse actuellement.

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Emmanuel Duplessy : « Notre système de financement est extrêmement opaque »

par Lucas Sarafian

Dans une proposition de loi, le député Génération⋅s s’oppose au financement des campagnes électorales par argent liquide et veut renforcer la commission nationale des comptes de campagne.

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« Affaire libyenne » : qu’impliquent vraiment les condamnations ?

par Salomé Dionisi

À l’image de huit autres accusés, Nicolas Sarkozy a été déclaré coupable de délits lui étant reprochés concernant le financement de sa campagne de 2007. Il est le premier président de la République être condamné à une peine de prison ferme. Explications.

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Sarkozy condamnĂ© : « Il y a eu une atteinte Ă  l’ordre public dĂ©mocratique »

Évelyne Sire-Marin, magistrate honoraire et vice-prĂ©sidente de la Ligue des droits de l’homme, est l’invitĂ©e de #LaMidinale.

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