LA LETTRE DE REGARDS ET POLITIS DU 24 JANVIER
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Auschwitz : se souvenir du mal radical
Lundi, seront commémorés les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz. Dans le confusion actuelle, le mal est-il en train de redevenir banal ?
Le concept fut forgé par Emmanuel Kant (1724-1804) et repris par Hannah Arendt (1906-1975) : le mal absolu est devenu concret quand, le 27 janvier 1945, fut libéré le camp d’extermination nazi d’Auschwitz. Ce jour-là, le monde commença à découvrir les exactions abominables qui y furent commises. Au fur et à mesure fut révélée la violence barbare de la haine des Juifs, l’antisémitisme, érigée en mission civilisatrice par le Troisième Reich. Que reste-t-il, aujourd’hui, de cette sidération ?
Elle s’éloigne et la plus grande confusion règne. Les héritiers de cette idéologie affreuse vont commémorer la libération des camps, aux côtés des derniers survivants et de leurs enfants. L’homme le plus riche de la planète, Elon Musk, zélote du président d’extrême droite étasunien, vient de faire un salut nazi à la foule présente pour l’investiture de ce dernier : on pinaille sur le sens du geste et finalement cela ne suscite pas tant de remous que cela. Une autre partie de l’édifice construit au sortir de la guerre est en train de s’écrouler : cette fois, c’est la mémoire et la morale qui deviennent poussière.
Ce n’est pourtant pas la connaissance qui manque. De nombreux films, documentaires et programmes scolaires s’attachent à en transmettre souvenirs et significations. En 2022, 86% des moins de 25 ans affirmaient en avoir entendu parler. Mais savoir n’est pas toujours comprendre quand les vents du confusionnisme soufflent fort. Même un éminent éditorialiste politique de gauche écrivait il y a quelques jours sur la libération des camps par les Américains. Il les crédite eux et eux seuls de ce temps historique et libératoire. Cet événement n’est plus un moment de l’humanité triomphante mais l’enjeu d’une victoire d’un camp, celui des Américains et de leurs alliés. Et on glisse…
La banalité du mal est mise à toutes les sauces, comparant des maux qui n’ont absolument rien à voir pour ne retenir que la veulerie et le banal. De plus en plus, on ose comparer le nazisme à l’islam ; les plus hautes institutions françaises invitent à faire place au Rassemblement national dans une marche contre l’antisémitisme ; on compare les génocides, non pour les considérer dans leur réalité cruelle sur la base de fondements juridiques établis par l’histoire, mais pour établir des hiérarchies du pire dans un relativisme désolant.
Les mécaniques ignobles qui ont abouti à l’extermination systématique des Juifs ainsi que l’acceptation voire la validation des peuples, doivent demeurer une source de réflexion et marquer notre façon d’envisager le monde. L’antisémitisme n’est pas l’apanage de l’Europe ; le crime génocidaire à l’encontre des Juifs dans l’ampleur que l’on sait, si. Souvenons-nous en – ou périssons comme des tristes sires.
Pablo Pillaud-Vivien
« Faire ressentir l’horreur sans la montrer »
À l’occasion des 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz, France 2 diffuse un film en 5 parties de Catherine Bernstein faisant entendre le récit de 44 rescapés. Une œuvre exemplaire de transmission.
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L’antisémitisme, entre réalité et manipulation
80 ans après la libération d’Auschwitz, l’antisémitisme répand toujours son venin et n’est jamais excusable. Ce qui n’empêche pas de souligner la confusion criminelle que certains ont semée entre antisémitisme et antisionisme.
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« Les opinions publiques sont aujourd’hui moins sidérées quand on leur parle des chambres à gaz qu’il y a 40 ans »
Alors que lundi seront commémorés les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz par les troupes soviétiques, le sociologue Michel Wieviorka, auteur de “L’antisémitisme expliqué aux jeunes” aux éditions du Seuil, est l’invité de #LaMidinale.