LA LETTRE DU 27 SEPTEMBRE
L’ONU à l’épreuve du Proche-Orient : le résistible naufrage
Alors qu’Israël continue de bombarder sans relâche Gaza, le Liban et maintenant la Syrie, quelles sont les issues qui s’offrent encore à la communauté internationale – si tant est que l’on croit encore à une solution de paix entre tous ?
Les États-Unis et la France proposent un cessez-le-feu au Liban, pour redonner du souffle à l’espoir d’une solution négociée. Benyamin Netanyahou n’en a cure. On ne négocie pas avec le Hezbollah : on l’éradique, comme on entend éradiquer le Hamas à Gaza. Tant pis pour les dizaines de milliers de civils massacrés à Gaza, les enfants et les femmes tués au Liban, les destructions massives de bâtiments publics et d’habitats civils, sans c compter les 90 000 réfugiés libanais et les centaines de milliers de Gazaouis jetés sur les routes par les bombes.
Si le gouvernement français au début des années 1960 et le gouvernement sud-africain en 1990 avaient suivi la même logique, il n’y aurait eu ni libération du terroriste Nelson Mandela à Pretoria ni indépendance négociée avec le tout aussi terroriste FLN à Évian. Mais Netanyahou n’a que faire des leçons de l’histoire. Il préfère le droit de la force à la force du droit. Du coup, il entraîne son pays dans un engrenage qui le conduit à violer chaque jour au Liban l’intégrité territoriale d’un autre État souverain, à ignorer à Gaza les inquiétudes déjà anciennes (janvier 2024 !) de la Cour internationale de justice devant un processus à risque génocidaire de plus en plus patent. Il ne tient aucun compte des mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale contre les responsables israéliens et les chefs du Hamas et, qui plus est, il traite par le mépris les manifestations massives qui, en Israël même, se dressent contre ses choix.
Il est une victime collatérale de l’aveuglement de l’extrême droite israélienne : l’Organisation des nations unies… Au moment où le besoin d’une gestion pleinement mondiale se fait plus fort que jamais, l’institution qui pourrait seule la mettre en œuvre apparaît de plus en plus comme une coquille vide. La déchéance de l’ONU ne date certes pas d’aujourd’hui, mais elle atteint désormais un point où son existence est en question, sur une planète où le multilatéralisme est moribond, où la realpolitik du déséquilibre des puissances a repris le dessus et où l’on s’accommode peu à peu à l’idée que, désormais, la lutte de « l’Occident » contre le « Sud global » est l’axe autour duquel la Terre doit tourner.
Il est déraisonnable de s’ancrer dans de telles convictions. Pour sauver les populations palestiniennes, il faut cesser les massacres qui les vouent à la disparition et reconnaître l’État palestinien dans la plénitude de sers droits. Pour préserver l’existence de l’État d’Israël, il faut mettre au ban des nations l’extrême droite qui la précipite dans un chaos proche-oriental sans issue. Il ne faut pas, comme les États-Unis, appeler à une trêve des combats et accorder en même temps une aide militaire supplémentaire de 8,5 milliards de dollars à Israël.
Bien au-delà mais sans tarder, doit s’engager la réforme du fonctionnement de l’ONU elle-même. Celle du Conseil de sécurité, bloqué par le droit de veto des « Grands », en est la plus évidente. Mais elle ne prendra tous ses effets que si elle s’articule à d’autres : le pouvoir de décision réelle de l’Assemblée générale, l’impulsion citoyenne des sociétés civiles, la réflexion approfondie sur les finalités mêmes du dispositif onusien. Il n’est plus temps d’attendre.
Antoine Chatelain
DÉMISSION DU JOUR
L’entente du gouvernement LR-Ensemble avec le RN passe moyen chez les macronistes
Le barrage républicain qui avait permis de ne pas laisser de majorité même relative à l’extrême droite en juillet dernier a fait long feu. Le nouveau ministre de l’économie Antoine Armand rétropédale et veut croire « le sujet clos » : après avoir fermé la porte au RN, il la lui ouvre, sur ordre de son Premier ministre – et de fait, de Marine Le Pen. L’eurodéputé Renaissance Pascal Canfin, lui, claque la porte du bureau politique du parti présidentiel. Mais ça s’agite en interne : l’ancien ministre Clément Beaune ou le sénateur Xavier Iacovelli ont clairement soutenu leur camarade de Bercy. D’aucuns comme Gabriel Attal pourraient saisir cette opportunité (c’est sa spécialité) pour se construire une stature politique d’opposant farouche à l’extrême droite en vue de 2027. A suivre.
P.P.-V.
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La rétrospective Chantal Ackerman au Jeu de Paume à Paris : cette cinéaste géniale chez qui le banal et l’insignifiant deviennent politiques car ils renversent la hiérarchie en faisant de l’invisible le centre du monde mérite d’être vue et revue, son Jeanne Dielman faisant figure de manifeste et d’acmé de son art.
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