LA LETTRE DU 31 MAI

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Netanyahou et la vérité alternative

Jeudi soir, Benjamin Netanyahou a donné un entretien à la chaine LCI. Cette invitation au cœur de la guerre à Gaza et des attaques contre des camps de réfugiés du Premier ministre israélien a suscité émotion, condamnations et manifestations.

Conduit par le journaliste Darius Rochebin, cet entretien du chef du gouvernement de droite et d’extrême droite a révélé sa culture du mensonge abominable. Ainsi, Netanyahou a prétendu mener une guerre précautionneuse à l’égard des civils et affirmé que pas plus d’un civil pour un militant du Hamas a été tué. Son cynisme était estomaquant lorsqu’il assura livrer l’équivalent de 3200 calories par Palestinien quand 2200 suffirait. Contre les manifestations dans son pays, il a asséné que sa justice était « la plus indépendante de toute la galaxie » (sic) et que toutes les erreurs de guerre faisaient l’objet d’enquête et de sanctions le cas échéant. Dans la foulée, il affirma que la Cour pénale internationale était destinée aux États sans système judiciaire solide. Israël n’est donc pas, par principe, concerné. Et lui par la même occasion. Bref, Netanyahou nous a parlé d’un autre monde, celui de la vérité alternative.


Interrogé sur les issues de cette guerre, il a récusé par principe la création d’un État palestinien et assuré que les installations en Cisjordanie n’étaient pas des colonies et qu’elles occupaient tout au plus 3 % du territoire de Cisjordanie. Destiné au public français et, à travers LCI au monde occidental, il s’est présenté comme le rempart contre le terrorisme. Faisant un parallèle avec l’Ukraine, il s’est dit être aux avant-postes du combat pour la sécurité et la démocratie : « Notre combat c’est votre combat ».

C’était l’un de ses plus gros mensonges. La politique d’Israël est fondée, depuis longtemps, sur l’illusion que circonscrire les Palestiniens et les Arabes est la clé de leur sécurité. L’histoire jusqu’au 7 octobre montre qu’il n’en est rien. Cette politique nourrit les réactions violentes, légitimes ou non. Et cela engendre une insécurité considérable pour le monde entier. 

Cette prestation, découpée en petites séquences et diffusée sur les réseaux sociaux, alimente la propagande de son État. Il s’agit bien d’une offensive pour tenter de contrer le mouvement de condamnation qui s’installe, pour peser sur le gouvernement français et le contraindre à ne pas franchir le pas de la reconnaissance de l’État palestinien.

La France n’a sûrement pas été choisie par hasard pour cette offensive idéologique. On sait qu’ici les tensions politiques sont vives sur le sujet, des deux côtés. L’opinion publique occidentale hésite ; elle est proche de basculer et la demande de sanctions contre l’État israélien, l’embargo sur les armes devient un enjeu tangible, en Europe et aux États-Unis ou Joe Biden joue son élection. Israël n’est plus hors du regard, lucide et critique. Il lui est demandé de respecter le droit international.

L’offensive de Benjamin Netanyahou avait un objectif idéologique, celui d’inscrire la guerre de Gaza dans le continuum des guerres, de destruction des régulations internationales initiées après le 11 septembre 2001. Il a présenté ce combat non comme un affrontement de territoire et de souveraineté mais comme une nouvelle guerre de religion, celle du bien contre le mal. L’Iran a été longuement décrit comme le cœur du réacteur qui va nous détruire. Benjamin Netanyahou a illustré l’enjeu de la désignation du Hamas comme terroriste : justifier toutes les exactions et abominations contre les populations. Ce discours espère une écoute bienveillante dans un pays toujours meurtri par le souvenir des attentats de 2015 et où l’extrême droite est si haute.

Benjamin Netanyahou est le chef de guerre d’un État et celui d’un camp du nationalisme, du suprématisme, du fascisme. La France, où l’extrême droite espère des scores mirifiques, devient un enjeu dans cet affrontement planétaire. Elle devient le maillon faible à faire sauter.

Catherine Tricot

PAYS DU JOUR

Catalogne, Palestine : le baroud d’honneur de Pedro Sanchez ?

Pedro Sanchez, c’est l’histoire d’un socialiste qui gouverne à gauche toute malgré lui. Ou plutôt malgré la réalité du paysage politique espagnol. Lui qu’on aurait facilement assimilé à un soc-dem bon chic bon genre a été tiré sur sa jambe gauche. Et il l’assume. Faire une coalition avec la gauche radicale ? Ce n’était pas son plan initial, mais pas le choix. Passer un accord avec les indépendantistes catalans ? Pareil. Comme le résumait Antoine de Laporte, de la Fondation Jean Jaurès, auprès de Regards : « Pedro Sanchez est habile : il revendique très clairement des concessions qui ne sont pas ses positions politiques, mais il endosse la responsabilité de celles-ci. »

Ces derniers temps, Pedro Sanchez a cru voir la fin de sa carrière politique advenir. Fin avril, l’ouverture d’un enquête à l’encontre de Begoña Gomez, sa compagne, pour « des délits présumés de trafic d’influence et de corruption », a poussé le chef du gouvernement à mettre sa démission dans la balance. Un coup de théâtre qui surgit de l’extrême droite espagnole, poussée par la droite. Mais Pedro Sanchez restera.

Depuis, il ajoute de nouvelles médailles à son plastron. L’Espagne a reconnu officiellement l’État palestinien et, derechef, inauguré son ambassade à Madrid. Et ce 30 mai, c’est un autre dossier, très important pour la suite des événements du pays, qui s’est tenu au Congrès des députés : l’adoption de la loi d’amnistie.

Depuis 2017, la plupart des dirigeants catalans sont emprisonnés à Madrid – sauf Carles Puigdemont, député européen depuis, en exil à Bruxelles. À l’époque, la droite gouvernait l’Espagne et la répression des Catalans a été féroce. « En politique comme dans la vie, le pardon est plus puissant que la rancœur », a lancé, solennel, Pedro Sanchez. La droite et l’extrême droite, encore elles, sont seules face au reste du pays. À rebours de l’histoire.

La suite est entre les mains des juges. Pour les Catalans comme pour le Premier ministre. L’enquête visant son épouse n’a pas été classée.

L.L.C.

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  • L’album « GRASA », de la chanteuse argentine Nathy Peluso. Juste parce que Loïc Le Clerc l’adore.

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3 commentaires

  1. Berthelot Jacques le 31 mai 2024 à 11:42

    Ci dessous le message que j’ai transmis hier à LCI-TF1, j’éspère que des milliers de personnes ont fait la même chose.

    Bonsoir,
    LCI fait le choix d’inviter en grande pompe Mr Netanyahu, chef d’un gouvernement
    d’extrème droite comptant dans ses rangs des suprémacistes considérant que les
    Palestiniens sont des animaux qu’il faut chasser, alors que la CPI a demandé un mandat d’arrêt à son encontre pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
    On peut s’étonner de tant d’honneur pour un tel bourreau , quel mépris pour les dizaines de milliers de ses victimes.
    Cordialement.

  2. ZEMZARI le 31 mai 2024 à 16:22

    tout considération médiatique ou autre à un assassin de peuples et chef d’ un état terroriste par ses soldats, ses policiers et ses hordes de colons enragés ,quitte le bon sens de l’information pour tomber dans la complicité d’ Apartheid avec arme au oing -pire que celui sinistre jadis en Afrique du Sud- , d’ épuration ethnique et de haine religieuse contre musulmans & chrétiens….pourvu qu’ils soient voisins

  3. Cyrano 78 le 1 juin 2024 à 22:26

    TF1 c’est Bouygues !!!
    Donc beaucoup de monde résilie son abonnement chez Bouygues !

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