Guerre Israël-Iran : le rêve américain

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La lettre du 23 juin 📨

par Catherine Tricot

Derrière ses fausses hésitations et tergiversations, Donald Trump a un objectif bien précis en aidant Tel-Aviv à mater Téhéran : imposer au monde sa force et son autorité.

L’intervention américaine à la suite de l’attaque israélienne contre l’Iran donne à comprendre les enjeux du conflit : il s’agit en premier lieu de mettre le monde sous domination américaine. Contredisant ses propos de la veille, Donald Trump a saisi l‘occasion offerte par le coup de force de Benyamin Netanyahou.

Le président étatsunien s’était résolu à revenir à la table des négociations quittée en 2018. Un cycle de 60 jours venait de s’achever et un nouveau rendez-vous était pris entre Iraniens et Américains. Israël l’a bloqué en attaquant l’Iran. Donald Trump exige alors la reddition totale de l’Iran puis ordonne, trois jours plus tard, de bombarder les sites nucléaires. Depuis sa réélection, Donald Trump paraît conduire une politique erratique. Elle est en fait une stratégie : détruire toute confiance dans la parole et rendre improbable un monde qui se parle au travers d’une diplomatie internationale. Celui qui ne peut être vu comme le fou qu’il joue à être (madman theory) terrorise et impose sa loi. Le monde vit désormais sous cette menace. La politique de la négociation laisse la place à celle de la puissance ; les mercenaires se substituent aux diplomates. Cela ouvre une période de grands dangers, d’imprévisibilité totale. 

Cette stratégie est déployée tous azimuts à l’échelle internationale – menace d’annexion des pays voisins, menace sur les droits de douane, attaque militaire. Donald Trump entend restaurer la domination américaine sur le monde et secondairement celle des pays occidentaux – ils ne seront admis dans le club que s’ils sont serviles et dociles. Dans cette volonté de domination par la force, les questions militaires sont cardinales. C’est le sens de l’intervention américaine : démontrer la suprématie militaire et empêcher l’Iran d’avoir l’arme nucléaire. Non par refus de la prolifération nucléaire mais par volonté qu’elle reste dans les mains des puissances et des Occidentaux. Qui prétendra qu’Israël est moins inquiétant que l’Iran ? Que l’arme de destruction massive est rassurante dans les mains de la Russie et des États-Unis ? 

Pour restaurer la puissance et imposer sa loi, attaquer l’Iran est une aubaine. Il ne s’agit pas d’un petit pays rebelle. L’Iran pèse par la profondeur de son histoire et de sa culture, l’étendue de son territoire, son nombre d’habitants. Le faire tomber sera un symbole fort. Mais ce ne sera pas forcément si difficile. Son crédit moral et politique est nul. L’Iran n’a cessé de menacer de destruction totale Israël. Ce régime est honni par son peuple ; détesté par l’opinion publique mondiale ; en rivalité avec les pays arabes sunnites en particulier l’Arabie saoudite. Face à la guerre que lui mène Israël avec l’appui des États-Unis, il n’engrange que peu de soutien. 

Au-delà du symbole, faire plier l’Iran est un objectif important. Tout d’abord pour Benyamin Netanyahou. Le choix de bombarder des lieux du pouvoir politique, des hôpitaux et des civils ne laisse aucun doute sur les objectifs du gouvernement israélien. La question de la bombe n’est pas l’objectif fondamental. Depuis longtemps, le but poursuivi par le pouvoir de Tel-Aviv est de reconfigurer le Moyen-Orient, de construire le grand Israël dans une région délibérément plongée dans le chaos.

Ensuite, pour Donald Trump. C’est une menace adressée aux pays du « Sud global ». Depuis 2024, l’Iran fait partie des Brics+, ce groupe de dix pays du Sud1 qui entend se coordonner et faire contrepoint au G7. Ces impudents prétendent casser la domination américaine et contourner le dollar dans les changes internationaux. Parmi eux, ils sont nombreux à ne pas accepter le « deux poids deux mesures » qui affecte les relations internationales, jusque dans le régime de sanctions et les procès de la cour pénale internationale. Loin de constituer un groupe homogène, les Brics+ représentent néanmoins une contestation puissante de l’hégémonie étasunienne. Donald Trump veut l’enrayer.

Il a d’ailleurs été élu pour renforcer la suprématie américaine. Les chemins sont parfois sinueux, mais le but est clair et établi. C’est l’enjeu ultime de la confrontation qui s’annonce avec la Chine sur tous les terrains. Mais la Chine, comme les autres pays des Brics+, ne passent pas le cap de la condamnation de principe de la guerre contre l’Iran. Aucun n’entend sacrifier ses objectifs propres pour défendre un régime si faible et si exécrable. Les jours du régime iranien sont peut-être comptés. Pas ceux de la confrontation voulue par Donald Trump et l’extrême droite internationale. 

L’immense danger impose de réagir avec clairvoyance. Qui peut croire que c’est par la violence et le mensonge que nous allons éviter le pire ? Nous sommes devant un ballet de somnambules qui se rassurent en se disant que la raison empêchera in extremis la marche vers la folie. Or il n’y a pas de raison triomphante si les raisonnables sont tenus au bord du chemin ou choisissent d’y rester.

Les forces de paix peinent à se faire entendre. Elles sont dispersées, dépourvues de projets, sidérées par la détermination des bellicistes, des cyniques, des fascistes et des proto-fascistes. Il faut pourtant faire émerger un autre possible que celui du choc des puissances, des rapports des forces et du mensonge. Pour l’heure, les femmes, la vie, les libertés sont sous les bombes.

Catherine Tricot

  1. le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Iran, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Indonésie et l’Éthiopie ↩︎

🔴 CONCERT DU JOUR

Beyoncé au Stade de France : une autre Amérique est possible

Plus de 60 000 personnes pendant trois soirs de jeudi à dimanche : « Queen B » a fait carton plein à Paris. Tout en rouge et bleu, habillée de l’Union Jack, chantant l’hymne américain, la chanteuse l’a affirmé avec force : les États-Unis, c’est elle. À cheval sur un taureau doré ou assise dans une Cadillac, Beyoncé explore les racines noires de la musique country – que l’on associe plutôt aux Blancs. Mieux : là voilà qui, géante, traverse en vidéo les espaces américains, de Las Vegas à la Maison Blanche, et utilise la Statue de la liberté comme un briquet. À l’heure où l’on s’interroge sur la puissance du soft power américain avec Trump à Washington, Beyoncé tente de rappeler les raisons qui ont fait de son pays un des centres culturels du monde… avec tout ce que cela charrie d’impasses, de contradictions et de rejet.

P.P.-V.

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« Dora Maar, Picasso et la naissance de Guernica », sur France Inter. Au travers d’une fiction et d’une interview de spécialiste, le podcast fait découvrir une des femmes qui a vécu dans l’ombre opaque du peintre espagnol. Photographe surréaliste au talent immense, Dora Maar a partagé la vie de Picasso pendant sept ans, à Paris, à partir de 1936. Une émission qui fait droit à son apport dans la création du célèbre Guernica. Et qui verra « mourir » l’artiste Dora Maar, totalement brisée psychologiquement par la violence de son amant.

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