Fin du conclave : le PS à l’heure du choix

Les socialistes avaient évité d’en parler lors de leur congrès : l’hypothèse de la censure suite à la trahison de la parole de Bayrou sur les retraites les remet au pied du mur.
Trois mois de conclave, de palabres feutrées, de portes qui se claquent (notamment celles la CGT et FO) et de synthèses impossibles. Le conclave entre syndicats sur la question des retraites touche à sa fin (une ultime réunion est prévue in extremis lundi prochain). Selon le Parti socialiste, l’engagement du premier ministre (dans une lettre rédigée en janvier) était que la question revienne au Parlement. C’était une condition majeure pour ne pas voter la censure tout en affichant leur volonté de ne pas perdre l’objectif de remise en cause des 64 ans, clef dans leur rapport à la gauche et aux Français. Ils ont voulu croire qu’après que Michel Barnier avait donné des gages à l’extrême droite, François Bayrou faisait le pari du PS. Mais l’illusion n’a pas duré.
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Aujourd’hui, la messe semble être dite : l’accord attendu entre syndicats et patronat n’arrivera pas. Pas d’unanimité entre les syndicats patronaux et les syndicats de salariés qui ont choisi de rester autour de la table. Pas même d’amorce de compromis global. Pire encore : François Bayrou a fixé mardi une nouvelle ligne rouge : pas de retour devant le Parlement sans accord total. Une condition quasi impossible à remplir et qui revient à faire du désaccord un prétexte pour garder les députés à distance. Le PS se sent légitimement trahi. Et maintenant ? Encore une réunion lundi. Ultime, se murmure-t-il. Mais cela ressemble à une manœuvre dilatoire pour enterrer discrètement le Parlement sous des promesses de dialogue creuses. Le pouvoir gagne du temps. La démocratie en perd.
Reste la politique. Le Parti socialiste, malgré sa posture offensive, est dans une impasse stratégique. Censurer serait cohérent avec ses prises de position — mais si la motion allait jusqu’au bout, elle provoquerait une dissolution quasi assurée. Et cette dissolution, aujourd’hui, serait tout sauf une assurance-vie. Le Nouveau Front populaire est moribond, les forces de gauche se regardent en chiens de faïence et la recomposition patine.
Le vote de la censure du gouvernement par le PS avec tout le reste de la gauche pourrait aussi mettre le RN devant ses responsabilités : car ce serait dès lors aux députés d’extrême droite de décider du sort de la motion.
Dans ces conditions, le PS hésite : tenir sa ligne pour continuer de s’affirmer à gauche en ne lâchant pas sur leur opposition à l’augmentation de l’âge de départ à la retraite (leurs adhérents, leurs sympathisants comme une majorité de Français demeurent contre) ou redouter une crise institutionnelle et un revers électoral dans des législatives ? Abandonner les 64 ans pour de trop petites avancées sur les carrières des femmes ou la pénibilité (comme le souhaite la CFDT) pourrait être considéré comme un reniement de l’engagement des socialistes, construit dans leur opposition à la réforme des retraites de 2022, réaffirmé dans leur participation au NFP en juillet dernier et rappelé lors de leur non-censure en janvier.
Le vote de la censure du gouvernement par le PS avec tout le reste de la gauche pourrait aussi mettre le RN devant ses responsabilités : car ce serait dès lors aux députés d’extrême droite de décider du sort de la motion. S’ils ne la votaient pas, ils pourraient légitimement être tenus comptables d’un reniement : pour rappel, ils s’étaient aussi inscrit dans l’opposition à la réforme des retraites. L’enjeu est donc aussi pour eux de taille car ils cherchent toujours à apparaître comme les garants de la stabilité politique, eux qui sont toujours en quête de respectabilité. Mais il y a aussi une nouvelle donne, pas marginale dans un parti aussi caporaliste : l’inéligibilité de Marine Le Pen la priverait de siège à l’Assemblée nationale, elle qui a déjà quasiment dû faire une croix sur les perspectives de sa candidature en 2027.
Ce que dit la situation actuelle – qui est la même depuis des mois –, c’est la confusion. Et la responsabilité entière en revient à l’exécutif. Dès lors, il n’y a pas d’autre choix que d’abandonner les positions tacticiennes et de faire des choix de principe et de fond.