États généraux de l’information : c’est quoi cette nouvelle arnaque macroniste ?

macron

Depuis ce mardi 3 octobre, le gouvernement organise les « États généraux de l’information ». Mais kézako ? Et que peut-on honnêtement attendre de l’exécutif en matière de droit de la presse ?

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »

Article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789

« Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité. »

Emmanuel Macron, juillet 2018

Après l’avoir repoussé trois fois, Emmanuel Macron entend donc tenir sa promesse de campagne et mettre sur pieds ses États généraux de l’information, débutés ce 3 octobre et qui s’achèveront à l’été 2024. Un comité indépendant vient d’être nommé, piloté par Bruno Lasserre, ancien vice-président du Conseil d’État, et Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, et composé de Nathalie Collin, directrice adjointe de La Poste, Camille François, chercheuse à la Columbia University, Anne Perrot, inspectrice générale des finances, et Maria Ressa, Prix Nobel de la paix en 2021, journaliste philippino-américaine.

Pas de journaliste français, aucun représentant de syndicats. Voilà la première surprise.

Concentration des médias, bollorisation, protection du secret des sources, précarisation du métier de journaliste et intelligence artificielle… les sujets urgents sont sur la table mais rien ne dit que ces États généraux vont les prendre à bras le corps – pour mémoire, selon Reporters sans frontières, la France est 24ème au classement de la liberté de la presse, juste derrière la Namibie et le Costa Rica. Mais depuis le « Grand débat » et la « Convention citoyenne pour le climat », on commence à connaître la méthode Macron : parler beaucoup et longtemps, faire peu, très peu.

Le secret des sources, sans lequel il n’y a pas de presse libre, est inscrit dans la loi fondatrice du 29 juillet 1881. Mais depuis la loi Dati de 2010, cette liberté s’effrite, au nom du secret-défense et du secret des affaires, et par le truchement des lois antiterroristes – et ce n’est pas faute d’avoir alerté sur les dérives potentielles à l’époque ! Dernier exemple en date, le 19 septembre, la journaliste de Disclose Ariane Lavrilleux était surveillée par la DGSI, avant d’être placée en garde à vue pendant 39 heures, présentée à un juge et, comble des libertés, les pièces perquisitionnées ont été validées par la justice et versées au dossier. Pour rappel, elle avait publié une enquête révélant la vente d’armes à la dictature égyptienne. « La même semaine, trois journalistes de Libération ont été convoqués par la police judiciaire pour une série d’articles sur les violences policières », lit-on dans L’Huma.

Le problème n’est pas tant la bonne tenue de ces États généraux que leur concrétisation politique. À l’heure où ils débutent, la France joue une toute autre partition au niveau européen, étant cheffe de file du Media Freedom Act. Sous couvert de liberté de la presse, la France entend élargir les failles permettant d’espionner les journalistes au nom de la « sécurité nationale ». Ou, comme l’explique Disclose, « au nom de la sécurité nationale, les États pourraient placer des logiciels espions sur les appareils électroniques des journalistes. Le pays à l’origine de cette proposition  ? La France. » Cocorico !

À vrai dire, tout ceci intervient dans une continuité politique logique, résumée comme suit par Télérama : « Depuis 2017 et l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, les services de renseignement ont convoqué pas moins de seize fois des journalistes. »

Emmanuel Macron, lors de sa campagne en 2022, avait promis de « protéger l’information libre face aux ingérences ». Mais qui protège les journalistes d’Emmanuel Macron ?

Le débat étant ouvert, nous reproduisons ici les huit propositions d’Acrimed. À bon entendeur.

  • 1/ Lutter contre la concentration et la financiarisation des médias, en interdisant aux groupes dépendant des commandes publiques de posséder un média et en interdisant à une personne de posséder plus d’un média ;
  • 2/ Soutenir les médias indépendants et à but non lucratif, en leur réservant les aides publiques à la presse ;
  • 3/ Renforcer l’audiovisuel public, en le libérant des contraintes commerciales et de sa tutelle politique, en lui garantissant un financement pérenne, en déprivatisant TF1 ;
  • 4/ Protéger l’indépendance des rédactions, en créant un statut juridique des rédactions qui donnerait aux journalistes un pouvoir sur le choix du directeur de la rédaction ;
  • 5/ Garantir le droit d’informer, en empêchant les procès-bâillon et les entraves policières ;
  • 6/ Mettre en place des instances de régulation démocratiques, avec de vrais pouvoirs ;
  • 7/ Assurer un pluralisme effectif de l’information ;
  • 8/ Développer une éducation critique aux médias.

2 commentaires

  1. Berthelot Jacques le 6 octobre 2023 à 11:39

    Tout est dit dans les huit propositions d’Acrimed.
    Si elles ne sont pas clairement abordées et traitées au cours de ces états généraux de l’information, il s’agira d’un nouvel écran de fumée, de la communication stérile , mais nous commençons à être habitués.
    Cordialement.

  2. Justice4ALL le 8 octobre 2023 à 11:06

    C’est comme une « faille tectonique » ou la démocratie s’oppose à la _république ou vice versa !La démocratie ,c’est la transparence ou tout doit être dit et, débattu et, la _république ,c’est l’ ordre selon la formule latine déjà citée (caveant consules! »Que les consuls prennent garde!) ET, qui se complète par « ne quid detrimenti republica capiat ! »# -(Afin que la république n’éprouve aucun dommage !)# -et, par laquelle le « sénat romain » ,dans les moments de _crises accordait aux consuls les_ »pleins pouvoirs » !#_En somme ,l’état en voyant des « ennemis » partout risque de sombrer dans une « forme de paranoïa » qui l’obligerait à réagir « bon gré,mal gré » …C’est un phénomène qu’on peut voir dans les pays de type « dictatoriaux » !#_

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