Dans l’ombre de la guerre
Derrière le culte de la mémoire de la Grande Guerre, un présent belliqueux s’installe. La guerre est redevenue la langue du pouvoir.
Il y a cent sept ans, l’Europe célébrait l’armistice de la « der des ders ». Aujourd’hui, dans les discours officiels, la même solennité résonne : hommage aux morts, leçon d’histoire, promesse de paix. Mais sous les drapeaux et les trompettes, l’air a changé. Le silence des monuments ne couvre plus le grondement du monde. Partout, la guerre rôde, déjà présente, déjà future.
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Dans l’avant-guerre, le dossier du dernier numéro de la revue, nous montrons comment l’idée même de guerre ne s’est jamais aussi bien portée. La guerre, aujourd’hui, est devenue la forme générale du pouvoir : elle s’infiltre dans nos mots, nos budgets, nos imaginaires. Guerre contre la dette, contre le terrorisme, contre le virus, contre les pauvres. Guerre économique, climatique, culturelle. Guerre à distance, par drones, par sanctions, par algorithmes.
Pendant que les présidents déposent des gerbes, d’autres s’arment. Le Pentagone a retrouvé son vrai nom : « ministère de la guerre ». L’Europe promet d’y consacrer 5% de son PIB. La France vend ses Rafale comme d’autres exportaient du blé. En 2022, elle est devenue le deuxième marchand d’armes au monde. Et pendant que les profits explosent, Gaza continue de brûler, l’Ukraine continue de saigner, le Soudan s’effondre. Plus de cent millions d’humains ont du fuir leur foyer… et nous, en Europe, feignons d’être encore en paix.
Quoique… La paix n’est plus l’horizon de nos politiques. Emmanuel Macron l’a dit : il faut « assumer la guerre ». La formule, glaçante, dit tout : le militarisme est redevenu la grammaire de la puissance. La gauche cherche encore les mots pour s’y opposer. Comment nommer la guerre sans la reproduire ? Comment refuser la logique de la force sans passer pour naïf ? Comment, surtout, redonner un sens politique à la paix, non pas comme une absence de conflit, mais comme un projet de justice et d’égalité ?
« La guerre n’est plus ce qu’elle était », rappelle Bertrand Badie dans notre dossier : elle ne se joue plus seulement entre États, mais entre sociétés. Elle traverse les peuples, les réseaux, les consciences. Elle s’invite chez nous, dans nos villes, sur nos écrans, au tréfond de nos peurs. Et c’est peut-être cela, le plus dangereux : que la guerre ne soit plus un événement mais un climat. Un état du monde, et de l’esprit.
Alors, en ce 11 novembre, souvenons-nous non seulement des morts de 14-18 mais de ceux qui meurent aujourd’hui, dans les guerres que l’on ne veut pas voir. Ou celles que l’on voit sans rien y faire. Et souvenons-nous surtout de ce que voulait dire « plus jamais ça ». Non pas un serment passé mais une tâche présente. Car si l’avant-guerre est déjà là, il nous revient d’en écrire l’après.
Pour ne pas perdre la vigilance à un moment où tout est devenu confus. Merci à ceux et celles qui veillent.
Bonjour,
Oui, bien que son texte soit assez ambigüe et abscons, je suis un peu d’accord avec Pablo.
Il faut avoir une vision claire du monde actuel, de l’Europe actuelle et avoir une réflexion sur les enjeux de la guerre en Ukraine : l’enjeu ukrainien du début est dépassé. L’enjeu est devenu une guerre non seulement impérialiste de la part de Poutine (auquel répond maintenant une guerre impérialiste de Trump) qui veut absolument récupérer, d’une manière ou d’une autre, les anciens territoires de l’ex URSS mais a également déclaré une guerre contre ce qu’il appelle »l’occident décadent ».
Donc, pourquoi fermer les yeux sur ces problématiques.
Oui ou non, faut-il préparer la France à une éventuelle future confrontation ? Ben, oui.
La gauche ne va pas se fermer les yeux face aux menaces qui se développent contre l’Europe.
Les menaces sont multiples : Poutine, Trump, la Chine, les fanatiques islamistes…Ne pas fermer les yeux est indispensable….Verser de l’huile sur le feu par des coups de menton et des provocations ne saurait être une solution. Vouloir faire de la France, comme le fait Macron, un supplétif militaire des ambitions de Trump et de sa caste de milliardaires est vraiment une lourde faute politique. La France n’a plus les moyens d’imposer militairement des choix politiques de puissance en Europe, en Afrique et dans d’autres régions du monde. La France aurait tout intérêt à s’armer ou se ré-armer sur ce qui a fait d’elle, un modèle envié dans le monde : les valeurs et les principes républicains, la démocratie sociale, la culture, l’éducation, la liberté d’expression, la laïcité, un certain art de vivre. C’est tout le contraire des idéologies totalitaires, de fanatismes religieux, des impérialismes économiques.
Le fond, du fond de la question : est-ce que l’occident (1492) est en train de perdre ou non son hégémonie planétaire ? Le bloc ex-soviétique n’existe plus que dans les angoisses du petit matin des WASP. Il faut dire que les contre-exemples concrets du « plus jamais ça » et « la der des der » ne placent pas ce « camp du bien » dans une situation morale très vertueuse non plus. En fait, on peut dire que le bon business ici, c’est de faire la guerre (beaucoup d’investissement en armes, munitions et innovations meurtrières) et ensuite toujours du business pour la reconstruction (des bâtiments, des infrastructures, et de la soumission impériale), les US nous avaient déjà fait le coup avec le plan marshall, ils nous referont le coup avec l’Ukraine et Gaza … On peut critiquer les russes, les chinois, le reste du monde, mais mon pire ennemi quand je me retourne, c’est mon miroir. La question de l’hégémonie planétaire de l’occident, en fait, ce n’est pas de perdre, mais dans combien de temps ? Difficile de se résoudre à l’envisager, j’en conviens. Perdre la face dans son miroir, c’est ballot.
Cette manipulation incessante et cette proclamation incessante de la « menace russe » (si souvent alimentée par Macron, entre autres), alors que ce pays a si souvent aidé et sauvé la France… la menace russe, qui manipule qui ?
Impossible d’avoir une carte recensant 50 bases et sites de l’OTAN en Europe, ainsi que de nombreuses bases américaines encerclant la Russie ! 🙄 Mais voici la situation : le blocus russe est indéniable. La Moldavie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan restent sous pression.