Un meeting immersif pour quoi faire ?
Ça promet d’être une expérience totale : dimanche, à Nantes, Jean-Luc Mélenchon réunit ses militants. Mais de quoi, en politique, l’immersion est-elle le nom ?
C’est quoi un meeting politique aujourd’hui ? Covid ou pas covid, le sujet est brûlant en période électorale. Alors que l’habitude est prise de regarder à toute heure les vidéos YouTube, de se brancher sur les chaînes d’info et de commenter sur Facebook la moindre actualité en temps réel, comment donner envie de venir écouter un candidat exposer ses idées, ses propositions ? Un meeting politique se doit aujourd’hui de se réinventer, faute de quoi, il reste sous les radars, ne fait pas événement, n’est guère suivi.
Une tradition de l’immersion en politique
Cette première question se double d’une autre qui la rejoint : comment recréer du commun, réinventer des espaces de rencontre collective ? C’est à cela que Jean-Luc Melenchon s’attèle. Il avait déjà créé l’événement en 2017 avec le meeting à hologramme. Il franchira ce week-end un nouveau pas : il donne rendez-vous à Nantes ce dimanche, pour un meeting « immersif », une expérience totale, olfactif compris.
On peut se dire que les meetings ont toujours été des moments d’immersion. Les individus sont plongés dans un bain de sons, de chants, de drapeaux, de cris, d’applaudissements… Chacun y participe avec plus ou moins d’entrain et d’intensité. La priorité n’est pas donnée, à ce moment-là, à la réflexion. Dans un même endroit, sont réunis les supporters d’une même équipe et l’objectif est de ressentir la force du collectif : c’est cette ferveur partagée qui va créer le groupe.
La ferveur d’un groupe homogène
Aujourd’hui, comment se crée ce sentiment de force et de groupe ? Les techniques de l’image géante et décuplée et du son dirigé sont massivement utilisées. Les premiers à s’en être servis furent les candidats américains dans les grandes conventions d’investiture démocrates ou républicaines. Sarkozy l’a importé en 2007 et, 15 ans après, ceux qui l’ont vu se souviennent de cette immensité et de son impact. De façon évidente, l’objectif n’est pas d’utiliser les techniques d’immersion à la manière de certains artistes comme le collectif Rimini Protokoll, dans une recherche d’interactivité maximale avec le public.
Quel sera le choix de La France insoumise pour ce meeting immersif ? On connait déjà le dispositif retenu : un cube de 50 mètres par 50 mètres, de 6 mètres de haut avec une scène au centre sur laquelle se tiendront les orateurs et le candidat. Des images, des sons et des odeurs seront diffusés à 360 degrés : on va en prendre plein le vue, les oreilles et les narines. Un massage est-il prévu ? Surprise… Quant aux participants, seront-ils réduits au rôle de sujets-récepteurs ou pourront-ils être des sujets-acteurs ? Auront-ils mieux à faire que de siffler et applaudir ?
Un rapport biaisé au réel ?
On peut l’espérer… ou en douter. Ce qui est certain, c’est que cela aura du sens : Jean-Luc Mélenchon est obsédé par la question de la mobilisation contemporaine. Quelle sera l’idée qu’il s’en fait, qu’il va proposer, qu’il va initier ? On va le savoir. Comment va-t-il surmonter le piège d’une réalité virtuelle qui ne soit pas le fantasme d’une vision du monde enfermée à l’intérieur d’un espace clos ? Saura-t-il faire rêver sans s’affranchir du réel ? Sera-t-il question d’affronter le réel ou de le représenter tel qu’on voudrait qu’il soit ?
Pour Jean-Luc Mélenchon, le meeting n’est sûrement pas une incongruité nécessaire, malgré la pandémie, malgré les sondages. À l’heure des chaînes d’information en continu et des réseaux sociaux, le meeting sera exalté pour sa démonstration de force. Pour estimer s’il est réussi, s’il est susceptible de dynamiser la campagne, les commentateurs jugeront le degré d’enthousiasme. Mais ce n’est peut-être pas la seule grille de lecture par laquelle il faudra le regarder.
Et depuis cet espace clos et conquis à sa cause, Jean-Luc Mélenchon s’adressera à toute la France. Les interfaces seront multiples pour faire caisse de résonance. Cela pourra-t-il faire vibrer les affects des militants présents et, de ceux qui sont plus dubitatifs ? L’immersion parviendra-t-il à englober la totalité des Français et des Françaises ? De l’immersion à la submersion, il n’y a qu’un pas.