Sachez-le, on peut dire que Le Pen est fasciste, mais pas que le RN est xénophobe (selon la Macronie)
La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet vient d’inventer le concept de « xénophobie selon le contexte ». Alors gare à vous si vous qualifiez l’extrême droite de la sorte !
« Je me vois contrainte de prononcer un rappel à l’ordre, parce que vous avez utilisé à la tribune le mot « xénophobe » à l’égard d’un parti politique. Je venais de rappeler qu’il fallait avoir une attitude respectueuse les uns envers les autres. »
Voilà comment Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, a sanctionné la députée du parti présidentiel Astrid Panosyan-Bouvet, ce mardi 11 octobre.
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.@YaelBRAUNPIVET sanctionne @AstridPanosyan d'un rappel à l'ordre : "Vous avez utilisé à la tribune le mot 'xénophobe' à l'égard d'un parti politique. Je venais de rappeler qu'il fallait avoir une attitude respectueuse les uns envers les autres". #DirectAN pic.twitter.com/xIFEXBx6Wk
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Mais qu’avait donc dit la bougre pour mériter un rappel à l’ordre ? Évoquant le projet de loi sur l’assurance-chômage, Astrid Panosyan-Bouvet s’est plaint de l’opposition des oppositions – elle ne sera pas la seule parlementaire ce jour-là à découvrir que l’eau mouille et que le feu brûle. Se faisant, elle déplore que les députés du Rassemblement national se place en « pourfendeurs d’une préférence nationale, nauséabonde et indigne », ce qui lui vaudra ce commentaire : « Difficile de masquer un ADN xénophobe vieux de 50 ans, fêté encore tout récemment dans cet hémicycle ».
Après une séance de #QAG mouvementée et alors que le vote sur le projet de loi lié à l'assurance-chômage est attendu, les débats restent vifs. >> "Difficile de masquer un ADN xénophobe vieux de 50 ans" lance @AstridPanosyan à l'adresse des bancs du @RNational_off. #DirectAN pic.twitter.com/4DsXEP8Wje
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Xénophobe, non, fasciste, oui !
Il est audacieux de la part de la présidente du Palais Bourbon de sanctionner l’emploi de ce qualificatif au prétexte qu’il ne serait pas « respectueux ». Le RN vient de fêter ses 50 ans, assumant de fait sa filiation au FN, parti fondé, entre autres, par des Waffen SS et des collabos. Au-delà de ce « détail de l’histoire », le parti des Le Pen a toujours fait de la haine de l’étranger l’essence de son moteur politique : haine des juifs, haine des arabes, haine des noirs, haine des migrants, haine des musulmans, etc., etc.
Si l’on s’en tient à la définition donnée par le Larousse, la xénophobie est une « hostilité systématique à l’égard des étrangers, de ce qui vient de l’étranger ». Il semble donc purement factuel de qualifier ainsi le RN. On imagine, comme le rappelle non sans ironie Éric Mandonnet, rédacteur en chef politique à L’Express, que Yaël Braun-Pivet aurait sanctionné de la même façon Jacques Chirac qui, en 1998, parlait du FN comme d’un « parti de nature raciste et xénophobe ».
Plus tard, lors de cette séance parlementaire, la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, s’est inquiétée à l’occasion d’un rappel au règlement, de la « dérive » de l’Assemblée nationale : « Il serait dangereux pour la liberté d’expression de notre Assemblée que nous ne puissions pas utiliser des caractéristiques politiques ». Et Yaël Braun-Pivet de lui répondre : « Il y a les mots, mais il y a aussi le contexte ». Vous serez donc ravis de savoir que l’extrême droite n’est xénophobe que selon le contexte.
"Il y a les mots, mais il y a aussi le contexte. Et le contexte des débats de cet après-midi justifiait le prononcé de ces rappels à l'ordre", répond @YaelBRAUNPIVET.#DirectAN pic.twitter.com/1Z2Cp9BIAP
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Ce mercredi, c’est Jordan Bardella qui réagissait sur le sujet : « Je combattrai politiquement de toutes mes forces les caricatures qui sont faites du Rassemblement national et les accusations de xénophobie qui nous sont faites […] Mais je considère que des critiques, dans l’enceinte de la démocratie française, ont le droit d’être prononcées ». Le candidat à la présidence du RN nous dessine ici sa conception du débat parlementaire, basée sur la « liberté d’expression » et opposée à toute forme de censure.
Peut-être qu’in fine, Astrid Panosyan-Bouvet aurait mieux fait d’employer le terme « fasciste », la justice ayant donné raison à Jean-Luc Mélenchon en 2017 pour parler ainsi de Marine Le Pen. Mais la justice française n’a pas besoin, elle, de ménager de potentiels partenariats avec l’extrême droite.
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