Présidentielle : il n’y a pas trois façons responsables de voter au second tour

befunky-collage-468.jpg

Dimanche 24, lors du second tour de l’élection présidentielle, nous n’aurons pas le luxe d’avoir un choix : il faut voter Macron, quoi qu’il en coûte, nous dit Bernard Marx.

Lettre à Éric Berr, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux. Il est l’un des économistes du parlement de l’union populaire, l’un des chiffreurs du programme de Jean-Luc Mélenchon et l’un des 160 enseignants et chercheurs en économie signataires d’une tribune de soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon.

 

* * *

 

Cher Éric Berr,

Vous avez publié le 16 avril une série de tweets dans laquelle vous en appelez à l’esprit de responsabilité face aux enjeux du second tour de l’élection présidentielle, dimanche prochain. Contrairement à ce que vous laissez malgré tout supposer, il n’y a pas trois façons de le faire. Dimanche prochain, être responsable c’est voter contre Marine Le Pen en votant Emmanuel Macron.

 

LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>>
TRIBUNE. Un si long dimanche de présidentielle…

 

Voici ce vous écrivez :

« Le vote des électeurs de gauche au premier tour de l’élection présidentielle a répondu à deux logiques différentes : le vote de conviction et le vote de responsabilité. Quelles leçons en tirer pour le second tour ?

Les électeurs qui ont voté J.L. Mélenchon l’ont fait principalement par conviction et responsabilité, mais une partie d’entre eux, qui ne vote pas Mélenchon d’habitude, l’a fait seulement par responsabilité, et il convient de les remercier sincèrement pour cela.

Les électeurs PS, EELV et PCF ont effectué un vote de conviction, défendu ardemment par leurs candidats respectifs. C’est tout à fait leur droit de préférer la conviction à la responsabilité.

Pourtant, dès dimanche soir, ils ont appelé à faire preuve de responsabilité et ont appelé à voter Macron afin de faire barrage à Marine Le Pen. La responsabilité ne comptait pas au premier tour mais devient indispensable au second. On peut y voir a minima une petite contradiction.

Les électeurs de Mélenchon ont, de leur côté, fait largement preuve de responsabilité au premier tour. Il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même au second. Il n’y a pour eux plus de vote conviction possible puisque le choix se réduit à la peste Le Pen ou au choléra Macron.

Mais n’oublions pas que la peste est toujours plus dangereuse que le choléra. Dès lors, ceux qui, peu nombreux parmi les électeurs de Mélenchon (entre 7 et 11% en 2017), s’égareraient à voter Marine Le Pen au second tour, renieraient leur vote de responsabilité du premier tour.

Répétons-le alors sans relâche : aucune voix ne doit aller à Le Pen au second tour, aucune ! À ce stade de l’élection, notre responsabilité est d’empêcher l’extrême droite d’éteindre totalement les lumières de notre pays ».

Personnellement je fais partie des électeurs responsables mais pas entièrement convaincus. J’ai voté contre Marine Le Pen en votant Jean-Luc Mélenchon. Je l’ai fait, bien que je ne partage pas tout son programme, ni même tous ses choix stratégiques sur la souveraineté et sur l’Europe. Je l’ai fait cependant d’autant plus aisément qu’un vote pour un autre candidat de gauche ou écologiste n’aurait pas non plus été un vote d’entière conviction. Je ne mérite donc aucun remerciement particulier pour cela.

Voter Macron, quoi qu’il en coûte…

Vous constatez que les électeurs PS, EELV et PCF dès le dimanche soir du premier tour ont appelé à faire preuve de responsabilité et à voter Macron afin de faire barrage à Marine Le Pen. Vous soulignez que cet esprit de responsabilité aurait pu s’exercer plus tôt en appelant à voter et en votant au premier tour pour Jean-Luc Mélenchon. Certes. Mais je voudrais vous faire observer que le dimanche soir du premier tour, ce ne sont pas les électeurs PS, EELV et PCF qui ont appelé à voter Macron pour faire barrage à Marine Le Pen, mais les candidats de ces partis.

Et je ne peux que constater que le candidat Jean-Luc Mélenchon – qui a obtenu mon vote responsable – ne l’a pas fait. Ni non plus du reste les 160 économistes qui ont apporté le 1er avril leur soutien au programme économique et à sa candidature. Ils ne l’ont fait, ni ce soir-là, ni depuis. J’ai entendu le candidat Jean-Luc Mélenchon affirmer par quatre fois « Pas une seule voix pour Marine Le Pen », mais pas dire ce qu’il ferait lui-même. J’ai également appris que les 300.000 personnes qui l’ont parrainé allaient être sondés pour savoir ce qu’ils allaient faire au deuxième tour entre vote blanc, abstention et vote Macron. J’ai appris que les militants de la France insoumise optaient massivement pour le vote blanc ou l’abstention (66,4% des 215.292 voix exprimées). Et que le vote Emmanuel Macron, ne recueillait que 33,4% des votants.

Vous-même, vous considérez que seuls les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui voteraient pour Marine Le Pen renieraient leur vote de responsabilité du premier tour. Selon moi, ils renieraient aussi et surtout leur vote de convictions. Car elles sont contraires à celles du vote Le Pen. N’est-ce pas ?

Mais l’esprit de responsabilité du candidat et de ses soutiens ne devraient pas s’arrêter là. Il devrait être d’expliquer sans relâche que, quoi qu’il en coûte, il faut déposer un bulletin Macron dans l’urne au deuxième tour. Parce que, si tous celles et ceux qui ont voté Mélenchon au premier tour s’abstiennent, votent blanc ou nul, cela laisse à Marine Le Pen beaucoup plus qu’un trou de souris pour être élue.

… pour voter contre Le Pen

Vous avez retweeté une tribune de vos collègues Anne-Laure Delatte et Stefano Palombarini, parue dans Libération, qui préconise de soutenir le président sortant seulement s’il s’engage, dès maintenant, à renoncer à sa réforme des retraites, à sa mise sous condition du RSA, ainsi qu’à l’augmentation des enseignants en fonction des heures supplémentaires. Mais qu’est-ce que c’est que ces tergiversations irresponsables ?

Bien sûr, tous les pas en arrière par rapport aux projets antisociaux qu’il a annoncés avant le premier tour seront bons à prendre. Mais les promesses resteront vagues et les paroles verbales. Emmanuel Macron l’a dit et redit : il ne veut pas d’un front républicain. Comme il l’a fait il y a cinq ans, Il veut de nouveau s’asseoir sur les électeurs du deuxième tour venus de la gauche. Il veut mettre en œuvre son programme qui consiste à poursuivre et, dans certains domaines, à amplifier la politique du premier quinquennat.

Je ne compte pas sur mon vote le 24 avril pour qu’il change de politique. Je ne vote pas pour lui. Je vote contre Le Pen. Le président-candidat prétend que voter pour lui, c’est voter pour sa politique. J’espère pouvoir lui montrer le plus vite et le plus puissamment possible qu’il se trompe et qu’il n’y a pas dans ce pays de majorité sociale et politique pour l’appliquer. Mais je suis convaincu d’une chose. Les luttes sociales, économiques et politiques seront extrêmement plus difficiles si Marine Le Pen est élue. On restera dans le néolibéralisme, mais on changera de système.

Je ne doute pas que Jean-Luc Mélenchon, vous-même et les autres membres du parlement de l’union populaire connaissez le programme de Marine Le Pen. Vous parlez de choix entre la peste Le Pen et le choléra Macron. Et du fait que la peste soit plus dangereuse que le choléra. C’est vrai. Le projet de Marine Le Pen est structuré autour de la préférence nationale et des discriminations ethniques et religieuses. Il est en rupture avec l’égalité des droits, en mettant au ban de la société les personnes étrangères et au départ, celles de confession musulmane.

Le programme de Marine Le Pen c’est :

  • un coup d’état pour faire adopter par référendum un projet de loi révisant la Constitution pour y inscrire la « maîtrise » de l’immigration, la « priorité nationale » et la primauté du droit national sur le droit international et européen
  • rétablir le délit de séjour irrégulier, qui obligera les fonctionnaires, en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale, de « dénoncer » la présence de clandestins
  • réserver les aides sociales aux Français, conditionner les prestations de solidarité à cinq ans de travail
  • la priorité nationale pour l’accès au logement social et à l’emploi
  • la fin du regroupement familial
  • supprimer l’autorisation de séjour pour tout étranger n’ayant pas travaillé depuis un an
  • expulser clandestins, délinquants et criminels étrangers
  • supprimer le droit du sol, naturaliser sur des critères de mérite et d’assimilation
  • effectuer les demandes de droit d’asile dans les consulats ou ambassades à l’étranger
  • interdire la « pratique, la manifestation ainsi que la diffusion publique », au cinéma, dans la presse comme à l’école, des « idéologies islamistes »
  • interdire le port du voile dans l’espace public (mais pas de la kippa ou des signes catholiques)

Il y a bien, comme l’a dit la CGT, et comme l’ont redit ensemble Philippe Martinez et Laurent Berger, une différence de nature entre les partis républicains qui accèdent au pouvoir et le cèdent et l’extrême droite qui, une fois arrivée au pouvoir, le confisque.

S’il en est ainsi, et il en est ainsi, l’abstention ou le vote nul ne sont pas des choix responsables.

Cher Éric Berr, il est, me semble-t-il, aussi de votre responsabilité de le dire et de l’expliquer.

Bien sincèrement,

 

Bernard Marx

Partager cet article

Actus récentes

Abonnez-vous
à notre NEWSLETTER
quotidienne et gratuite

Laissez un commentaire