« Les conditions d’enfermement en centre de rétention administrative sont absolument indignes »
La situation dans les centres de rétention administrative (CRA) continue de se dégrader. Dans #LaMidinale, Louise Lecaudey, intervenante de la Cimade au CRA du Mesnil-Amelot, tire la sonnette d’alarme.
UNE MIDINALE À VOIR…
ET À LIRE…
Sur ce qu’est un centre de rétention administrative (CRA)
« Les CRA sont des lieux de privation de liberté dans lesquels sont enfermés des gens qui sont en situation irrégulière sur le territoire français. Cela regroupe plein de personnes : des demandeurs d’asiles, c’est-à-dire des gens qui craignent d’être renvoyés dans leur pays pour différents motifs mais principalement parce qu’ils sont persécutés, des parents d’enfants français, notamment parce que nés sur le territoire français, des conjoints et conjointes de Français et de Françaises, des enfants (au CRA du Mesnil Camelot, il y a une zone femmes et familles), des gens très malades, notamment qui ont des pathologies psychiatriques importantes, des gens qui sortent de prison et qui ont purgé leur peine… »
Sur la situation au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot
« Au CRA du Mesnil-Amelot, il y a une situation explosive : il y a eu plusieurs jours d’émeutes, des incendies, des gens qui tentent de s’évader, des gens qui protestent contre les conditions de rétention qu’ils jugent indignes – parce qu’elles le sont. »
« La période de Covid a bouleversé toute la procédure de rétention : avec la fermeture des frontières, les gens sont devenus inexpulsables parce que les avions ne partaient plus ou que les pays demandaient un test PCR négatif et que les gens refusaient ces tests. Mais la rétention existe quand même, malgré le fait que les gens soient inexpulsables. »
« L’Etat est dans une logique de criminalisation des personnes étrangères et du tout-enfermement (enfermer plus et plus longtemps) parce qu’il ne devrait plus y avoir de CRA dans le cadre d’un monde où les frontières sont fermées. »
« On a donc des gens qui sont placés 3 mois, 6 mois, qui partent faire un peu de détention et qui reviennent. »
« Depuis deux ans, on voit donc tout le temps les mêmes personnes ici, des gens qui, je le rappelle, sont entrées en détention à la base alors qu’il n’avait pas de condamnation pénale, ils avaient juste une situation administrative. »
« On a une personne entrée en France quand elle avait 2 ans et demi, aujourd’hui, elle en a plus de 40, elle a deux enfants nés et scolarisés en France. »
« On a une personne sous curatelle parce que pathologie psychiatrique très lourde et qui devrait être prise en charge pour des soins. Cela fait trois fois qu’elle est placée au CRA… On a réussi à la faire libérer par le Conseil d’État qui s’est prononcé sur son état de santé en disant que c’était incompatible avec une procédure d’expulsion et un placement en rétention. Mais trois semaines après la décision du Conseil d’Etat, elle s’est refait interpeler par la préfecture, elle s’est refait placer en détention… »
« Il y a un cocktail de situations toute plus injustes les unes que les autres. »
« Les conditions de rétention s’aggravent : on constate la présence de souris, de cafards, des problèmes d’accès aux sanitaires avec des toilettes et des douches bouchées, des problèmes d’accès à la nourriture… »
Sur les leviers pour améliorer la situation dans les CRA
« C’est de plus en plus compliqué de lutter contre les conditions indignes de rétention notamment parce que l’on est dans un contexte où l’opinion publique n’est pas très favorable au sort des étrangers en France. »
« A La Cimade, on donne une assistance juridique c’est-à-dire que l’on est là pour exercer le droit des retenus à faire des recours devant les juridictions. Mais même les juridictions vont de moins en moins dans notre sens : on a très peu de libérations. »
« On est face à un Etat et un gouvernement sourds à nos revendications. »
« La Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Etat 9 fois sur l’enfermement des enfants et l’Etat n’en fait rien puisqu’il continue d’enfermer des enfants. »
« On alerte les autorités administratives indépendantes comme la Défenseure des droits, la Contrôleure générale des lieux de privation de libertés… Mais même elles ne sont pas entendues par le ministère de l’Intérieur qui, de toutes les façons, a bien signifié récemment que la priorité était donnée à des expulsions massives. »
Sur l’interdiction des CRA
« Oui, il faut fermer les centres de rétention administrative. »
« L’Etat aurait plus à gagner de mettre l’argent qu’il dépense dans l’expulsion des étrangers plutôt à l’intégration et à accueillir les étrangers dans des conditions dignes qui leur permettent de travailler et de participer à la vie collective de la nation. »
« On est pour la liberté de circulation et d’installation des gens et la fin de l’enfermement des gens qui devraient être, au contraire, protégés – et qui le sont pourtant par le Code de séjour des étrangers en France. »
« Rien que le respect de la loi, ce serait pas mal. »