Le bon sens et la raison : la fable de la Macronie
Chaque jour, retrouvez #LaMinutePolitique de Pierre Jacquemain.
Maitre Macron sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage…
Vous connaissez sans doute la fable de Jean de La Fontaine. Celle du Corbeau et du Renard. Celle d’une noblesse narguant le peuple. D’un Corbeau en position de force. D’un Corbeau dominant. Et celle d’un Renard n’ayant plus que ruse et séduction pour contourner l’arrogance du Corbeau. Pourtant – attention spoiler – à la fin des fins, c’est le Renard qui repart avec le fromage. Le Corbeau dupé assurant qu’on ne l’y reprendra plus. Cette histoire s’écrit, en ce moment, sous nos yeux. Macron se croyait fort et beau. Presque invincible. Il devait avoir sa majorité absolue. Il devait poursuivre sa politique en frappant plus fort encore. Sauf que patatras… c’est une opposition majoritaire qui s’est imposée à l’Assemblée nationale. C’est elle qui détient le très alléchant fromage. Macron dupé, ce sont ses opposants qui détiennent la clef de la sortie de crise. Macron fâché n’a pas dit son dernier mot. On ne l’y reprendra plus croit-il. Alors Macron inventa une fable. Celle du bon sens et de la raison. Une arme bien connue en politique et qui vise à cet instant à prendre les Français à témoin. Macron cherche incontestablement à gagner du temps. Il veut faire croire aux Français qu’il n’est responsable de rien et que tout repose sur ses oppositions. Et que si les bases d’un accord ou d’un compromis n’émergent pas pour assurer une forme de stabilité institutionnelle, c’est que les oppositions ne sont pas raisonnables, ni-même animées par ledit bon sens.
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Invoquer le bon sens en politique est sans doute l’une des choses les plus faciles qui soit. Une entourloupe. Une facilité de langage comme pour balayer d’un revers de main une décision politique, voire une promesse politique. Si vous n’êtes pas de mon côté, c’est que vous n’êtes pas de bon sens… comprendre que vous ne seriez pas du côté de l’intérêt collectif. L’intérêt du plus grand nombre. En vous renvoyant du côté de l’opposition stérile. Sauf que ça n’est pas ça la politique. Parce que la politique, c’est avant tout des idées, des convictions, un rêve, une utopie. Pas plus la gauche que la droite ou même l’extrême droite ne peuvent s’inventer du jour au lendemain des proximités d’idées avec le camp présidentiel. Surtout en l’absence de cap. Parce que la politique, c’est aussi un cap. Ça n’est pas un coup à gauche, un coup à droite. Ça ne marche pas. Le bon sens n’a rien à faire en politique. Il y a à peu près autant de bon sens qu’il y a d’individus sur cette terre. Autant de bon sens que d’habitants en France. Bref, le bon sens, ça n’a pas de sens…
À peu près autant que la raison. La raison n’a rien à faire en politique. Pourtant, cet élément de langage revient en force : « Je suis sûr qu’il y a des gens raisonnables sur les bancs de la gauche et de la droite », peut-on entendre parmi les députés macronistes, les ministres, jusqu’à la Première ministre. Comprendre des parlementaires qui, comme par enchantement, trouveraient des vertus aux réformes de Macron qu’ils ont pourtant combattues tout au long de la campagne présidentielle et des législatives. Pour en arriver là… pour en arriver au bon sens et à la raison c’est que Macron ne comprend décidément rien à la politique. Et méconnait parfaitement la vie parlementaire – qu’il méprise par ailleurs.
Dans la fable de Jean de La Fontaine, le Corbeau assure qu’on ne l’y reprendrait plus. Quelques fables plus tard, c’est pourtant bien Le Corbeau que l’on retrouve voulant imiter l’Aigle. Et où le Corbeau finit par perdre sa liberté. Macron pourrait bien subir le même sort. Il est peut-être enfin venu le temps pour le « Phénix des hôtes de ces bois » d’apprendre que « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ».