« La stratégie des travaillistes britanniques consiste à laminer les composantes de gauche du parti »

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Élections parlementaires en Irlande du Nord et victoire du Sinn Fein (parti de gauche militant pour la réunification de l’Irlande), élections locales en Grande-Bretagne qui a vu un recul des conservateurs sans triomphe des travaillistes : où en est le Royaume-Uni de Boris Johnson ? On en parle dans #LaMidinale, avec Thierry Labica, maître de conférence en études britanniques à l’université de Paris-Nanterre.

UNE MIDINALE À VOIR…

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ET À LIRE…

Sur la situation historique en Irlande du Nord
« Sous le premier gouvernement Blair, il y a eu un processus d’autonomisation politique concernant les trois petites nations du Royaume-Uni : l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. Il y a eu des referendums chez les deux premiers pour cette autonomie politique : ce sont des pays qui ont des gouvernements autonomes, sans l’intégralité des portefeuilles. En Irlande du Nord, le processus a été le même mais plus long, compte-tenu des tensions existantes. »
« Avec la création d’un parlement autonome en Irlande du Nord, le principe est le partage du pouvoir. Depuis, il y a un partage du pouvoir entre la formation républicaine indépendantiste et la majorité unioniste. »

Sur la victoire du Sinn Fein
« Le Sinn Fein a été en progression dans les deux Irlande. Il y a une dynamique de ce parti de gauche qui a franchi la frontière. »
« Pour les unionistes et les royalistes, il y a eu un sentiment d’être mis hors du cadre du Royaume-Uni. Quand Theresa May a perdu en 2017, elle a été obligée “d’acheter” les dix députés nord-irlandais pour maintenir une majorité. Ils étaient donc en position de force pour négocier. Mais, à l’issue de la large victoire de Boris Johnson en 2019, les conservateurs n’étaient plus dépendants de ces quelques députés : il y a eu alors une sorte d’abandon politique. »
« Les partis nord-irlandais se sentent donc en partie largués par le pouvoir britannique depuis 2019. Et cela s’institutionnalise dans le protocole sur l’Irlande du Nord. Depuis février dernier, les royalistes se sont trouvés incapables de gouverner en Irlande du Nord, refusant de participer au pouvoir tant que le protocole existait. »
« La position de force dans laquelle se trouve le Sinn Fein est qu’il peut intervenir en faveur de politiques sociales, sans pour autant devoir spécifier qu’ils sont pour la réunification de l’Irlande. Ils annoncent un horizon de 5 ou 10 ans pour aller vers la réunification, en voulant inclure tout le monde et cela leur est favorable. »

Sur la possibilité d’un rebasculement dans une lutte armée en Irlande
« Ces deux dernières années, les menaces [de basculement dans une lutte armée] sont surtout venues du côté unioniste. Cela a été un peu émeutier. Cette ambiance émeutière peut annoncer des choses beaucoup plus sérieuses. Mais il y a toute une génération de jeunes qui n’ont pas connus la guerre, donc le risque n’est pas aussi fort car ce phénomène générationnel pèse. »
« En 2016, lors du référendum sur le Brexit, 56% de la population nord-irlandaise a voté pour rester dans l’Union européenne. Et la question européenne a tendance à modifier les questions communautaires en Irlande du Nord. »

Sur le rôle des clivages avec le gouvernement du Royaume-Uni
« Les élections récentes tendent à consolider quelque chose en cours depuis un moment. Le parti nationaliste écossais a consolidé son hégémonie en Ecosse. En Irlande, le Sinn Fein est pro-européen et veut donc la réintégrer. Au Pays de Galles, le parti nationaliste est aussi assez important, même s’ils ont plutôt voté pour sortir de l’UE. Dans ces trois nations ont voit se consolider ces dynamiques nationalistes qui sont à l’œuvre depuis des années maintenant. »

Sur le Parti travailliste
« Il faudrait que le Parti travailliste commence par se poser la question sociale. »
« Les régions urbaines sont généralement plus favorables aux travaillistes et ce sont elles qui ont voté majoritairement aux élections locales de la semaine dernière. Le résultat très mitigé des travaillistes l’est encore plus si l’ont regarde la géographie du vote… »
« Les travaillistes ont progressé en Ecosse, en Irlande du Nord, au Pays de Galles mais ils ont fait un résultat très mauvais en Angleterre. »
« Ca fait 12 ans que les conservateurs sont au pouvoir : ils ont mis en place une austérité qui ont tué des gens (les démographes ont mesuré les effets en termes de surmortalité), le COVID a tué des dizaines de milliers de gens alors que cela aurait pu être évité, la situation du cout de la vie et notamment de l’énergie est dramatique, il y a 14 millions de gens qui vivent sous le seuil de pauvreté, les conflits d’intérêts les plus grossiers pendant le COVID… »
« Sur tous les sujets sur lesquels les travaillistes pourraient avoir un discours clairs et audibles, il n’y a rien. Même les commentateurs les plus bienveillants sont incapables de dire quelles sont les lignes programmatiques défendues par les travaillistes. »

Sur la reine Elisabeth II et la monarchie britannique
« Je pense que la monarchie a encore de beaux jours devant elle parce que je crois que le pouvoir britannique en a besoin au niveau domestique, notamment dans sa dimension cérémoniale. On ne discute pas avec le cérémonial. »
« La monarchie britannique est aussi une composante politique et communicationnelle dans les affaires étrangères : historiquement, la Grande Bretagne, contre les nationalismes de gauche et populaires pendant toute la période de la colonisation, n’a pas cessé, par les moyens souvent les plus abominables, soit de soutenir des dictatures militaires, soit des monarchies autoritaires : si des monarchies sont en place aujourd’hui à Oman ou en Arabie Saoudite, c’est qu’ils le doivent à la couronne. »
« Dans les relations stratégiques de l’Arabie Saoudite, la monarchie britannique n’est pas une anecdote : la dimension protocolaire de liens et de reconnaissance mutuelle avec ces pouvoirs monarchiques, archaïques et brutaux, est primordiale. »

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