« Incarner le désir de justice, de dignité et de décence pour faire société tous ensemble et penser les lendemains »

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François Ruffin se veut social et démocrate. Social-démocrate ? On a proposé à six personnalités de gauche de prolonger la réflexion. Damien Maudet est député LFI-NUPES de Haute-Vienne.

Regards me demande si je pense qu’il faut être « social-démocrate », si jamais cela avait du sens pour moi, quel sens donner au concept. Wow ! À quel moment aurais-je pu croire que l’on me poserait cette question ? J’ai commencé à militer en 2014. À l’époque, notre adversaire, c’était la finance, mais c’était aussi François Hollande et son gouvernement. C’était notamment sa loi Travail et la morgue de certains de ses ministres. Tous, ils se définissaient « sociaux-démocrates ». Nous tous, on se définissait en opposition à cela. « Communistes », « éco-socialistes », mais pas « soc’ dem ».

 

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Le problème venait peut-être surtout du fait que ceux qui se disaient « sociaux-démocrates » n’étaient ni « sociaux » (loi Travail, Macron à Bercy, notamment), ni « démocrates » (le 49.3, les répressions contre les militants de gauche durant la loi Travail, notamment).

Mais au-delà des mots, ce qui m’importe vraiment, c’est ce qu’on fait sur le fond, et je crois surtout qu’on doit proposer une transformation en profondeur de la société sans négliger les victoires concrètes à court terme. Faire de la politique, c’est avoir un projet pour les gens : de sa circonscription, de sa ville, de son département, de son pays. Ce sont aussi les petites victoires qui changent (un peu) la vie des gens. Surtout, ce sont aussi ces petites victoires qui donnent espoir.

Pas de grand soir mais de petites victoires pour retrouver l’espoir

Militants politiques, nous devons nous appliquer, je crois, une sorte de double besogne, à l’instar de celle de la charte d’Amiens. Cette dernière nous dit : « Dans l’œuvre revendicative quotidienne, le syndicat poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc. » Mais cette besogne n’est qu’un des aspects du syndicalisme : il prépare l’émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale.

Nous devons accroître le « mieux-être » des gens. Nicolas, militant de Royères dans le 87, me dit souvent : « Tu sais, on gueule sur Mitterrand, mais ma mère en 1981, elle avait 59 ans, la retraite c’était à 65 ans. Ben en 1983, elle est partie en retraite. Elle a gagné cinq ans de temps de repos, ma mère. C’est aussi pour ça qu’on se bat. » Il a raison. Accroître le mieux-être, c’est faire baisser l’âge de départ en retraite, c’est augmenter un peu les salaires. Bref, mettre les gens sur un autre chemin, qu’ils puissent souffler. Démontrer qu’il est possible de changer les choses, de partager. Ce sont aussi ces victoires concrètes qui peuvent rattacher les plus éloignés à la politique.

Nous ne passerons pas le « grand soir » du jour au lendemain. Il faut que notre pays reprenne confiance, reprenne espoir. C’est l’espoir qui guide nos luttes, comme ce fut le cas pour les gilets jaunes – avant qu’Emmanuel Macron ne soit ni social, ni démocrate et réprime les Français.

Agissons maintenant, trouvons-nous un nom plus tard

Il y a une colère profonde dans la société. Mais il y aussi beaucoup de résignation. Une croyance populaire – ou juste de mon foyer familial – dit qu’il faut que les gens soient au fond du trou pour que ça pète. Personnellement, je pense que lorsque l’on est au fond du trou, on est au fond du trou, un point c’est trou. Et la pente est encore plus raide à remonter. J’ai vu des potes au fond du trou, ils n’ont pas cherché à se révolter, ils ont fait en parallèle, sans l’État, sans les syndicats, sans les politiques. Ils ont été ou se sont désocialisés. Alors, c’est à nous de faire en sorte que chacun lève la tête.

Cela étant, certains évènements critiques peuvent donner espoir, paradoxalement. Cet été, j’ai fait le tour de plein d’hôpitaux. À chaque fois, la même résignation. Personne n’y croyait. À l’automne, la bronchiolite est revenue frapper les services de pédiatrie. Des pédiatres se sont levés. Certes à coup de tribune, certes en ne faisant que mettre en lumière le fait que des gosses étaient intubés dans des couloirs. Il n’empêche, que c’était bien au-delà ce que j’ai pu voir durant l’été. Et ces quelques pédiatres, avec l’écho rendu par journalistes et politiques, ont pu être entendus et ça a réveillé un peu les autres professionnels de ces services. J’ai rapidement vu la différence dans le discours. De là à repartir dans la rue, peut-être pas. Mais c’est la route à prendre.

En bref, je crois que les gens sont en partie résignés. Et nous devons tout faire pour rallumer la flamme.

Plus j’en dis, moins j’en fait. Je crois qu’il n’y a pas de nécessité à se définir, que les étiquettes viennent parfois combler l’absence d’action. Faisons l’action, faisons le changement et donnons-lui un nom, mais plus tard. Il faut surtout qu’on incarne : le désir de justice, de dignité, de décence. Il faut surtout qu’on se batte pour changer un peu le quotidien, puis faire société tous ensemble et différemment, où les gros partagent et où les petits, les moyens, puissent penser les lendemains.

 

Damien Maudet

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