Gilets jaunes, réforme des retraites : l’Observatoire des Street-médics estime à 25.000 les victimes de violences policières

L’Observatoire des Street-médics vient de publier un rapport où il documente les violences qui ont eu lieu lors des manifestations entre février 2019 et mars 2020. Un rapport tant prévisible qu’accablant.

Vincent Victor est membre de l’Observatoire des Street-médics.

 

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Regards. Avant toute chose, c’est quoi l’Observatoire des Street-médics ?

Vincent Victor. Notre boulot, en tant qu’observatoire, c’est d’enquêter sur les victimes de violences policières lors des manifestations, en coordination avec les équipes de street-médics sur le terrain. Notre travail d’enquête remonte à février 2019, au moment du mouvement des gilets jaunes, des marches pour le climat, puis des manifestations contre la réforme des retraites.

 

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« On met le doigt sur les anormalités des actions policières. Il est temps de s’interroger sur le fait que, lors de manifestations, le taux de victimes sévères (celles qui doivent être évacuées à l’hôpital) est de 10%. »

Le 31 mars, vous avez publié un rapport « sur les victimes de violences prises en charge par les secours inofficiels durant les manifestations Gilets Jaunes et Retraites en France ». Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Ça a pris beaucoup de temps, rien que pour le recueil des données. Les mesures vont de février 2019 au premier confinement de mars 2020. Ensuite, il a fallu plus d’un an pour traiter ces données, pour tout classifier : 2841 victimes ayant été prises en charge, c’est donc autant de fiches, ça prend du temps. Enfin, après huit mois consacrés à l’analyse et l’écriture du rapport, deux choses majeures ressortent : nous avons désormais une bien meilleure compréhension de la nature des victimes blessées par les forces de l’ordre, la cause des blessures – 92,9% sont victimes du fait des forces de l’ordre et il y a un pourcentage impressionnant de passants, d’enfants, de personnes âgés, ce qui contredit le discours sur les casseurs –, leur localisation – 40% des victimes de matraques et de tirs de LBD ont été blessés à la tête –, etc. On met le doigt sur les anormalités des actions policières. Il est temps de s’interroger sur le fait que, lors de manifestations, le taux de victimes sévères (celles qui doivent être évacuées à l’hôpital) est de 10%. Tout ceci, on le savait par intuition. Avec ce rapport, on vient lui donner un fond, une mesure fiable. Mais même si c’est extrêmement parlant, on n’en parle pas, alors que ça devrait faire l’objet d’un débat sur la façon dont est fait le maintien de l’ordre en France. Le deuxième enseignement, c’est notre estimation quantitative du nombre de victimes de violences policières. Nos mesures ne portent que sur une période précise et, surtout, elles ne couvrent pas la fin de l’année 2018, où ont eu lieu la plupart des violences à l’encontre des gilets jaunes. Nous ne sommes pas omnipotents, mais nous avons pu faire une estimation du nombre de victimes lors des manifestations des gilets jaunes et du mouvement contre la réforme des retraites : 27.800 victimes, dont 25.000 de violences policières. Pour ce qui est des blessés graves, nous, on ne peut pas entrer dans une analyse médicale, on ne dispose que des informations des premiers secours. On considère qu’il y a eu 3000 « victimes sévères », soit des personnes qui ont été évacué à l’hôpital. Mais ce chiffre est nécessairement sous-évalué, car bon nombre de blessés ne passent pas par les street-medics.

Avec le recul, quel est votre bilan de ces manifestations et de la violente répression qu’elles ont subie ?

On a été en contact avec les équipes pendant plus d’un an. Ce qui a énormément remonté, dès le début du mouvement, c’est qu’ils passaient la journée à en prendre plein la gueule, tout en prenant en charge des victimes sans arrêt. Tout ça pour, une fois rentrés chez eux, voir au 20h qu’il n’y a même pas eu une dizaine de blessés. Ce décalage entre le terrain et les échos médiatiques, on le connaissait déjà, donc les chiffres à la fin ne nous ont pas tellement surpris. Ce que l’on peut conclure, c’est qu’on retrouve dans nos chiffres et estimations une forme de violence forte et inédite par son ampleur. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a eu une sur-exposition médiatique au moment des gilets jaunes mais que les violences policières ne sont pas apparues en 2019, elles ont toujours existé, en particulier dans les quartiers populaires.

 

Propos recueillis par Loïc Le Clerc

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