Ces gouvernements sociaux-démocrates européens qui désobéissent aux traités

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Désobéir aux traités ? C’est tellement impossible que les sociaux-démocrates européens le font déjà. À commencer par les socialistes français…

Alors que les partis de gauche s’apprêtent à sceller définitivement leur union – après les validations attendues par les instances du PS, ceux du PCF et d’EELV l’ayant déjà acté –, la question de la désobéissance aux traités européens continue de faire débat. C’est brandi comme un épouvantail chez de nombreux socialistes qui ne veulent pas d’un accord avec la France insoumise mais aussi chez les députés écologistes allemands qui voient dans cette nouvelle union à gauche une menace contre l’Europe. Pourtant, les États membres de l’Union européenne désobéissent déjà. Trois exemples récents.

 

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L’exemple espagnol

Le 27 janvier 2022, la Cour de Justice de l’Union européenne a épinglé l’Espagne pour l’obligation faite aux résidents fiscaux de déclarer les biens possédés en dehors du territoire espagnol. Cela contreviendrait aux principes de « libre circulation des capitaux ». À ce jour, le gouvernement espagnol n’est pas revenu sur cette loi.

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[Pedro Sanchez, Président du gouvernement espagnol]

L’exemple portugais

Depuis 2015, les gouvernements successifs du Parti socialiste portugais ont mené une politique anti-austéritaire de relance par la demande, en opposition avec les demandes de la Commission européenne. En juillet 2016, la Commission européenne entame une procédure pour déficit excessif, sans y donner finalement de suite. En désobéissant, le Portugal est parvenu à se redresser avec un déficit porté à 1,5% en 2017, alors que l’Union européenne en demandait 2,5%.

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[António Costa, Premier ministre portugais]

L’exemple français

Épinglé par l’Union européenne en 2013, le gouvernement socialiste de l’époque a refusé de récupérer les 220 millions d’euros d’aides d’État auprès de la Société nationale Corse-Méditerranée. Ces aides étaient jugées incompatibles avec le droit européen.

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En réalité, ces exemple illustrent la coutume des pays membres d’entrer régulièrement en conflit avec les instances européennes. Le fait est que conduire des politiques publiques, à l’échelle nationale et/ou européenne, relève à la fois de convictions fortes mais aussi de rapports de forces. Entre luttes sociales, institutions, médias, lobbys et syndicats, la gauche doit nécessairement se confronter à l’Union européenne si elle veut mettre en œuvre son programme. La question n’est donc pas tant celle de la désobéissance que de la capacité pour la France – deuxième pays en poids économique dans l’UE – de négocier avec ses partenaires européens. Après tout, les plus libéraux des libéraux européens ont bien réussi à abandonner la sacro-sainte règle d’or des 3% dans le cadre de la crise sanitaire. Et les sociaux-démocrates ne sont pas les seuls à désobéir. En mai 2020, la Cour constitutionnelle allemande a remis en cause la primauté du droit européen en accusant la BCE d’avoir outrepassé ses pouvoirs dans le rachat d’actifs. Et l’on peut difficilement en conclure que Merkel restera dans l’histoire contemporaine comme une dangereuse eurosceptique.

Mais le problème à gauche remonte aux crispations qu’a fait naître la campagne du référendum de 2005, relatif à l’établissement d’une constitution européenne. Ce fut un moment de rupture au Parti socialiste. Déjà à l’époque, Jean-Luc Mélenchon était des dissidents qui n’hésitaient pas à faire campagne pour le « Non » en compagnie de Marie-George Buffet, José Bové ou encore Olivier Besancenot. Un alter-européisme se construit alors, s’arguant de refuser systématiquement les traités libéraux de l’Union européenne. Et, par la suite, la gauche se retrouve polarisé dans le débat médiatique entre pro et anti-européens. La difficulté étant que les pactes budgétaires européens ne permettent pas de mener une politique de gauche. À tel point que même le programme d’Anne Hidalgo contenait des mesures qui aurait nécessité de désobéir à l’UE, comme l’a remarqué sur Twitter Quentin Parinello, responsable plaidoyer chez Oxfam France.

Finalement, la bataille sur le thème de la désobéissance européenne ne prend pas en compte la complexité qu’implique les relations internationales. Personne n’obéit ni de désobéit à l’Union européenne, le sujet est plutôt que le rapport de force est nécessaire dès lors que l’on gouverne et encore plus lorsque l’on veut sortir du sentier habituel. Il reste que la gauche s’accorde pour sortir des traités libéraux, tout en s’écharpant sur la méthode pour y parvenir. Ce conflit historique n’est pas réglé, preuve en est, seulement cette fois il n’est plus rédhibitoire dans les discussions.

 

Clément Gros

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