Affaire Abad : Macron ne croit toujours pas les femmes
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Ça ne va pas. Ça ne va toujours pas. Les jours passent, se suivent et se ressemblent. Les hommes sortent de l’ombre. Ils se voient en haut de l’affiche. Qu’importe le bagage. Qu’importe les trahisons. En Macronie, le symbole politique pèse plus lourd que n’importe quelle accusation. Souvenez-vous. Le poids écologique d’un Nicolas Hulot était plus fort que toutes les accusations de violences sexuelles dont il était l’objet. Le coup politique, la prise à droite d’un Gérald Darmanin, était infiniment plus opportune que ne l’étaient les déclarations et autres dénonciations pour harcèlement sexuel et abus de pouvoir dont il était l’objet. Ministre de l’Intérieur. Même scénario aujourd’hui avec Damien Abad. Tout le monde savait, nous dit-on. Parce qu’en Macronie l’opportunisme vaut plus que n’importe quelle révolution. Qu’importe si #MeToo est passée par là, Macron règle le problème « d’homme à homme ».
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Ça ne va pas. Ça ne va toujours pas. La nouvelle Première ministre, Elisabeth Borne, avait pourtant une occasion de marquer sa différence. On y a presque cru hier quand elle déclarait, face caméra, ne pas être informée des accusations faites à l’endroit de son ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. « Il ne peut y avoir d’impunité », a-t-elle répondu aux journalistes avant d’ajouter : « L’affaire a été classée sans suite. Je peux vous assurer que s’il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie. On tirera toutes les conséquences ». Une position qui tranchait de celle de ses prédécesseurs, Philippe et Castex. On s’attendait à une mise à l’écart. Tout laisse à penser que la Première ministre était disposée à agir vite. Et en même temps, tout laisse à croire que le président de la République l’en a empêchée.
Ça ne va pas. Ça ne va toujours pas. Les femmes victimes de harcèlement, de violences sexuelles et de viol ne supportent plus de voir leurs agresseurs toujours plus présents dans les médias et dans les plus hautes fonctions de l’État. Ça leur est insupportable. Ça nous est insupportable. On les entend. On les comprend. Et surtout, on les croit. Mais que valent nos croyances face au déni de nos dirigeants ? Une révolution est passée par là mais elle semble ne jamais les voir touchés. Pire. En Macronie, on fait justice soi-même. Pour défendre Jérome Peyrat, feu le candidat Ensemble ! pour les législatives qui avait été condamné pour violences conjugales, le patron du parti présidentiel, Stanislas GuErini avait sorti l’artillerie lourde : « C’est un honnête homme », avait-il déclaré au micro de France Info. Du lourd, disais-je ! Pire, en Macronie, un ministre de l’Intérieur garant de notre sécurité et un ministre de la Justice garant de nos droits, n’ont pas de commentaire à faire sur cette affaire Abad – comme ils l’ont assuré hier. Ah bon ? Et garantir le droit des victimes ? Les protéger ? Leur assurer que la justice est à leur disposition ? Non. Rien. Sans commentaire.
Ça ne va pas. Ça ne va toujours pas. En France, seule une femme sur dix victimes d’agression sexuelle ou de viol décide de franchir le seuil du commissariat et de la gendarmerie. Et quand elles parlent 80% de leurs plaintes sont classées sans suite. Et c’est pourtant bien en s’en remettant à la justice que le gouvernement balaie l’affaire Abad d’un revers de main. « Seule la justice a le pouvoir ou le devoir de trancher », assure la nouvelle porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire. Peu importe la parole des femmes. La détresse qui est la leur. La violence qui s’abat sur elle. Peu importe l’exemplarité. Et finalement peu importe le signal envoyé aux petites filles à qui Elisabeth Borne a pourtant dédié sa nomination. Parce que le message envoyé est aussi glaçant que révoltant : mesdames, soyez tranquilles, rien ne change, on ne vous écoute pas.