À quoi Emmanuel Macron fait-il barrage ?
Parce que, visiblement, ça n’est pas pour empêcher l’extrême droite.
« Je sais aussi que nombre de compatriotes ont voté pour moi, pour faire barrage aux idées de l’extrême droite. Je veux les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir. »
Emmanuel Macron, le 24 avril 2022
Combien sommes-nous à avoir voté pour lui, au printemps 2027, puis au printemps 2022 ? Non pas par adhésion à un programme ou à une idée, non, simplement pour avoir à lutter contre le choléra pour un mandat plutôt que contre la peste. Simplement pour « faire barrage » à l’extrême droite. Si l’on avait pu, on aurait élu une chèvre.
Selon le sondage Ipsos-Sopra Steria publié au lendemain du second tour de la dernière présidentielle, 42% des électeurs d’Emmanuel Macron n’ont été que des « castors ». Soit près de 8 millions de votants. Un an après sa réélection, cette donnée n’« oblige » visiblement pas du tout Emmanuel Macron. Florilège… rien que pour ces dernières semaines.
26 février. Olivier Dussopt, ministre du Travail, dans Le Monde, au sujet de la séquence sur la réforme des retraites: « Marine Le Pen a été bien plus républicaine que beaucoup d’autres », comprenez « une partie de la gauche ».
12 mars. François Bayrou : « Quand vous mettez, dans un village, une famille venue d’une autre culture, ça se passe très bien. Mais pas quand vous en mettez des centaines. C’est une question de proportion. »
29 mars. Dans un entretien à RTL, Gérald Darmanin a multiplié les déclarations chocs : « Madame Le Pen est incontestablement plus intelligente politiquement que Monsieur Mélenchon » ; « Je veux tout faire pour que ça ne soit pas le choix entre la peste et le choléra », au sujet d’un duel Le Pen-Mélenchon à la prochaine présidentielle ; « L’ultra-gauche et l’ultra-droite, le RN et LFI, ce ne sont pas mes valeurs ».
4 avril. Jean-François Carenco, ministre délégué des outre-mer, est interrogé par les députés sur une affaire de militaires arborant des signes nazis. Réponse du ministre : « Virer des militaires qui ont exprimé une opinion n’est pas la position du gouvernement ». Le nazisme serait donc une simple opinion ?
6 avril. Gérald Darmanin met la pression sur la LDH, menaçant d’aller regarder la subvention donnée par l’État. la LDH dénonçait les violences policières lors des manifestations contre la réforme des retraites…
4 mai. Gérald Darmanin juge que la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, « gouvernement d’extrême droite choisi par les amis de madame Le Pen, est incapable de régler les problèmes migratoires » de son pays. Le ministre de l’Intérieur précise sa pensée : « Meloni, c’est comme Le Pen, elle se fait élire sur « Vous allez voir ce que vous allez voir » et puis ce qu’on voit, c’est que ça [l’immigration, ndlr] ne s’arrête pas et que ça s’amplifie ». Une sortie qui n’est pas sans rappeler ce débat de 2021 où Gérald Darmanin trouvait Marine Le Pen « trop molle » avec les musulmans. Des responsables LREM, comme l’eurodéputée Nathalie Loiseau, ont apporté leur soutien sans faille au premier flic de France. Il est donc de bon ton d’être plus dur que l’extrême droite…
5 mai. Olivier Véran est en voyage au Danemark. Il réalise une vidéo pour vanter la stratégie des sociaux-démocrates pour lutter contre l’extrême droite : reprendre ses idées à son compte.
11 mai. Réagissant à la démission du maire de Saint-Brévin – il a même quitté sa commune après l’incendie de son domicile par l’extrême droite –, Élisabeth Borne fustige « une montée de l’extrémisme dans notre pays », précisant dans la foulée que « l’extrémisme, il vaut des deux côtés. » Un déclaration dans le plus pur style trumpiste, qui veut que lorsque l’extrême droite sévit, ses opposants ont leur part de responsabilité.
23 mai. La secrétaire d’État à la Jeunesse Sarah El Haïry explique sur le plateau de franceinfo que « dans notre pays, nous avons deux extrêmes en ce moment : une partie qui essaie d’opposer les Français et de jeter l’opprobre sur une pratique religieuse [l’extrême droite, ndlr] ; une autre partie de notre pays essaye de créer une fausse polémique sur quelque chose qui est, dans le fond, une photographie du fonctionnement de nos services publics à un moment donné [SOS Racisme, ndlr] ». Pourquoi mettre sur un pied d’égalité l’extrême droite et une association telle que SOS Racisme ? Parce que le ministère de l’Intérieur a demandé un recensement des écoliers absents le jour de l’Aïd. Un fichage comme à la belle époque qui inquiète les assos antiracistes. Sarah El Haïry s’était déjà faite remarquée en septembre 2021, lorsqu’elle s’inquiétait plus des « discours intersectionnels » que de la candidature d’Éric Zemmour à la présidentielle.
24 mai. Dans Le Parisien, on lit qu’« Emmanuel Macron alerte contre une « décivilisation » de la société ». Un terme cher à Renaud Camus, théoricien du grand remplacement…
28 mai. Sur Radio J, Élisabeth Borne est interrogée sur le RN. La question est simple : le parti de Marine Le Pen est-il républicain ou est-il le parti héritier de Pétain. Réponse de la Première ministre : « Je ne crois pas du tout à la normalisation du Rassemblement national. Je pense qu’il ne faut pas banaliser ses idées, ses idées sont toujours les mêmes. Alors maintenant, le Rassemblement national y met les formes, mais je continue à penser que c’est une idéologie dangereuse. […] Également héritier de Pétain. »
Une position qui lui vaudra un recadrage de la part du président de la République, lui reprochant ses « jugements moraux », d’utiliser des « mots des années 1990 qui ne fonctionnent plus ». « Vous n’arriverez pas à faire croire à des millions de Français qui ont voté pour l’extrême droite que ce sont des fascistes », a également asséné Emmanuel Macron. Est-ce si étonnant de la part du chef de l’État qui a rendu, en 2018, hommage au « grand soldat » Pétain ? Fait rare (unique ?) sous le règne d’Emmanuel Macron, Bruno Le Maire a, par la suite, recadré le chef de l’État, prenant la défense de la Première ministre qui serait « parfaitement fondée à rappeler cette histoire […] l’histoire du RN tout en combattant le RN sur ses propositions et sur ses idées. » Une séquence qui n’est pas sans rappeler le rappel à l’ordre dont avait écopé la députée macroniste Astrid Panosyan-Bouvet, de la part de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, pour avoir qualifié le RN de parti « xénophobe ».
Dans cette même interview, Élisabeth Borne détonnait en assurant ne pas mettre de signe égal entre le RN et LFI. En effet, le 14 mai, elle déclarait au JDD : « Rien dans ma vie, dans mes valeurs, ne m’amène à avoir quelque complaisance que ce soit pour le RN. Mais je suis très attachée aux institutions de mon pays et ce que je constate, c’est que, depuis le début de la législature, LFI fait de l’antiparlementarisme au sein du Parlement […] Si je suis extrêmement vigilante face à la menace du RN, je note que Marine Le Pen et son groupe respectent les formes. »
1er juin. Yaël Braun-Pivet, au Figaro : « Sébastien Chenu (RN) n’est pas un bon mais un très bon vice-président de l’Assemblée. »
Depuis 2014, année où Emmanuel Macron est entré au gouvernement sous la présidence Hollande, Marine Le Pen est passée de 6,4 millions de voix au premier tour de la présidentielle 2012, à 7,6 millions en 2017 puis 8,1 millions en 2022. « Le barrage par Emmanuel Macron, c’est « faisons de l’extrême droite un adversaire respectable ». Moi j’appelle plutôt ça « faire la très courte échelle » », tweetait Pablo Pillaud-Vivien fin mai. Tout est dit.
BONUS. Gabriel Attal, sa vie, son oeuvre
8 mars : « Je réfléchis à augmenter la durée de résidence sur le sol français pour l’ensemble des minima sociaux et des allocations sociales. »
29 mai : « Je veux aller progressivement vers une fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité. »
30 mai : « On va lancer un programme de contrôle sur les retraités qui résident dans des pays étrangers avec lesquels on n’a pas d’échange automatique d’état civil et qui ont plus de 85 ans car c’est l’âge à partir duquel on estime qu’il peut y avoir des cas non-conformes. »