Retraites : une réforme « hypocrite », « pas juste »… même Macron était contre !

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On n’est jamais mieux servi que par eux-mêmes !

« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. » Cette célèbre citation d’Edgar Faure, lancée à ses détracteurs qui le qualifiaient de girouette et d’opportuniste, va comme un gant à Emmanuel Macron. Président du conseil à deux reprises sous la IVème République, Edgar Faure se voulait « ni de droite ni de gauche », comme on peu lire dans le portrait qui lui est fait sur le site homonyme.

Et pourtant, il tourne. Même en 2023.

 

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Nous l’avons écrit sur Regards à de multiples reprises : à la question « Pourquoi faut-il réformer les retraites », la Macronie a bien du mal à donner une réponse.

Mais en cherchant bien, on trouve, de la bouche du président de la République en personne, de nombreuses déclarations arguant l’inverse : rien ne sert de repousser l’âge de départ à la retraite.

Compilation :

  • 2017, pendant la campagne présidentielle : « Dans les cinq ans à venir, je ne propose pas de décaler l’âge de départ à la retraite. Ça n’est pas juste et les sacrifiés, ce sont aujourd’hui ceux qui ont autour de 60 ans. »
  • 25 avril 2019 : « Est-ce qu’il faut reculer l’âge légal qui est aujourd’hui à 62 ans ? Je ne crois pas. Je ne crois pas pour deux raisons : la première, c’est que je me suis engagé à ne pas le faire. C’est quand même mieux, sur un sujet aussi important, de faire ce qu’on a dit […] ; la deuxième raison, c’est que, tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal. Quand aujourd’hui, on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans. C’est ça, la réalité de notre pays. Alors on va dire « Non, non, faut maintenant aller jusqu’à 64 ans ». Vous savez déjà plus comment faire après 55 ans, les gens vous disent : « Les emplois, c’est plus bon pour vous ». C’est ça la réalité. C’est le combat qu’on mène. On doit d’abord gagner ce combat avant d’aller expliquer aux gens : « Mes bons amis, travaillez plus longtemps. C’est le délai légal. » Ce serait hypocrite. »
  • 26 août 2019 : « Si on fait une réforme comme d’habitude, comme on fait depuis 20 ans, on dit : « On va décaler l’âge de départ à la retraite. J’ai dit, il y a quelques mois, je ne ferai pas ça. Pourquoi c’est pas juste de faire ça ? Parce que quand vous avez commencé à travailler à 16 ans, si je vous décale votre âge de départ à la retraite – alors même que, généralement, quand vous avez commencé à 16 ans, vous avez moins de diplômes, vous êtes dans des métiers plus pénibles –, c’est profondément injuste. Deuxième chose : on est dans une économie où il y a encore beaucoup de chômage, il y a beaucoup de chômage des seniors, des plus âgés, si on décale l’âge légal, on dit aux gens « Restez plus longtemps au chômage ». C’est pas correct. »

Et le Macron nouveau est arrivé…

  • juillet 2022 : « On doit progressivement décaler l’âge de départ légal, obligatoire, jusqu’à 65 ans. »

Dans le genre trouble dissociatif de l’identité, Emmanuel Macron n’a rien à envier avec tous les « gauchistes » de la Macronie – on pense notamment à Marlène Schiappa et Olivier Véran –, Olivier Dussopt étant le plus atteint : preuve en est ce moment de grâce parlementaire où le ministre du Travail se trouve piégé, ce 7 février, par le député socialiste Iñaki Echaniz, lequel lui a posé la même question que celui-ci avait posée à Éric Woerth en 2010. À moins qu’il ne s’agisse tout bêtement que de traîtrise, à son camp politique, à ses idées, à soi-même

Autres temps, autres moeurs

Heureusement pour le chef de l’État, les temps changent – quitte à tordre le réel pour qu’il entre dans les cases des tableurs élyséens. Macron 2017 n’est pas Macron 2022. Et, à force de réformer l’assurance-chômage, de maltraiter les chômeurs et de chasser les plus récalcitrants au turbin d’entre eux, la sainte courbe s’est inversée. Le chômage n’est (presque) plus – bien joué les radiations massives ! On peut donc repousser l’âge légal de départ à la retraite… Un peu trop facile, non ?

Et si Élisabeth Borne n’ose pas commenter ce retournement de veste présidentielle, Olivier Dussopt, lui, assume sans complexe : « La maturité politique fait qu’on évite parfois les solutions simplistes. Il faut assumer parfois de mûrir et de mesurer les contraintes et la complexité des choses. […] Nous sommes aussi à un moment très différent avec un taux de chômage qui est sans commune mesure ».

Assez hypocrite, en effet.

 

Loïc Le Clerc

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