Jean Brafman, « Les expulsions de Saint-Denis sont une provocation »
Dimanche dernier, alors qu’ils étaient accueillis dans la Basilique de Saint-Denis, 27 Sans-abri ont été expulsés par les CRS. Une première depuis les expulsions de l’église Saint-Bernard en 1996, au détail près que le gouvernement de l’époque était …de droite. Entretien avec Jean Brafman, militant d’Ensemble (Front de gauche) et ancien conseiller régional d’Ile-de-France.
Regards.fr. Dimanche, sur ordre du préfet, les CRS sont intervenus dans la Basilique de Saint-Denis pour expulser des Sans-abri qui y avaient trouvés refuge. Pourquoi étaient-ils à la rue ?
Jean Brafman. Ces personnes ont été expulsées de deux immeubles, le 50 et le 103 de la rue Gabriel Péri, dans le cadre de la rénovation urbaine de Saint-Denis. Ce sont des célibataires qui étaient hors des clous des dispositifs prévus par les textes régissant les expulsions liées aux rénovations, qui privilégient les familles ou les détenteurs d’un contrat de location. Cependant, l’État a instauré une obligation d’hébergement d’urgence, et la demande a été faite depuis longtemps, par les intéressés, par leurs soutiens, par les associations et les organisations syndicales, les partis politiques et les élus pour qu’il prenne ses responsabilités dans cette affaire. Lors de l’incendie de la rue Gabriel Péri en septembre 2012, Cécile Duflot avait déclaré « les services de mon ministère feront en sorte que personne ne se retrouve à la rue ».
Avez-vous sollicité Cécile Duflot ?
Bien sûr. Plusieurs délégations ont été reçues au ministère mais ça n’a rien changé sur le fond. La position du préfet, le représentant de l’État qui agit au nom du ministère concerné, est de dire « allez au 115 ». On tourne en rond depuis des mois, parce que le 115 n’est pas une réponse concrète pour les gens qui sont à la rue. Il est impossible de les joindre et lorsqu’on y parvient, il n’y a généralement pas de place. Pour exemple, il y a quelques jours, le service nous a proposé cinq places à l’ancien hôpital de Neuilly-sur-Marne, un lieu qui ferme à 18 h, n’est pas ouvert le week-end et mal desservi par les transports en commun. Ces conditions ne sont pas acceptables pour ces personnes qui travaillent pour la plupart, même si ce sont des petits boulots. Le préfet joue au poker menteur car il ne propose aucune solution hormis d’appeler le 115. Il y a une semaine la sous-préfète a reçu une délégation d’habitants. Au cours de cet entretien, elle semblait trouver naturel que les expulsés de la rue Gabriel Péri trouvent refuge dans le nouveau centre d’hébergement situé à proximité. Nous étions tous très contents. Deux jours après elle a demandé à revoir la délégation pour annoncer que le préfet s’y opposait. C’est une véritable provocation. Faire intervenir les CRS est d’autant plus inconséquent que les habitants n’occupaient pas la Basilique mais étaient accueillis par les curés.
Selon vous, quelles raisons ont motivé ce refus ?
Le préfet n’a pas argumenté son refus. On peut imaginer que les motivations sont essentiellement liées au fait que la majorité des expulsés sont des sans-papiers. On peut aussi imaginer qu’en période électorale Saint-Denis est un enjeu majeur et même avec un bon esprit on ne peut pas écarter l’idée que semer le trouble dans la ville relève d’une stratégie. C’est la première fois depuis les événements de l’église Saint-Bernard que la police intervient dans une église sans avoir été sollicitée par les religieux. Le préfet, un ancien du staff de campagne de Hollande, n’a pas pu opérer cette intervention sans ordre du ministère de l’Intérieur. On peut y voir la volonté d’affirmer une autorité et de faire passer un message politique, qui n’est pas un message de gauche. Aujourd’hui, les Sans-papiers expulsés sont installés place du Caquet à Saint-Denis, sous des tentes, dans des conditions extrêmement précaires.
Quelles actions envisagez-vous dans les jours qui viennent ?
Nous travaillons actuellement avec les élus de la ville pour que les 27 expulsés puissent bénéficier d’une mise en protection pendant la durée des vacances de noël, et être hébergés dans un lieu type gymnase ou autre. Par ailleurs, nous allons interpeler de manière plus ferme Cécile Duflot, qui est aussi responsable du logement d’urgence. Ce soir, nous organisons une manif à 17h30 devant le ministère du Logement et samedi à 14 heures nous défilerons dans les rues de Saint-Denis pour dénoncer l’intervention policière.