La tentation du deal
Des socialistes et des écologistes imaginent ouvertement un compromis avec le bloc central. À quel prix ? Celui d’un renoncement stratégique majeur et d’un brouillage politique assumé.
Il y a des moments où la politique cesse d’être un combat pour devenir un exercice de contorsion. Face au blocage budgétaire qui s’annonce et à l’épouvantail brandi de la loi spéciale, voilà qu’une partie de la gauche parlementaire s’improvise VRP du compromis avec le bloc central. Un deal. Un arrangement pour doter la France d’un budget.
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Pour faire passer cette pilule macroniste, plusieurs chemins sont imaginés : loi spéciale, ordonnances, etc. Mais, en toute hypothèse, cela suppose un accord entre socialistes et bloc central (sympa, les socialistes espèrent embarquer communistes et écologistes). Ce serait un chemin ouvert vers la grande confusion. Et ceux qui s’y préparent le savent. Le sénateur socialiste Patrick Kanner en appelle au retour du 49.3 sur un texte négocié. Les socialistes pourraient alors s’abstenir de voter la motion de censure consécutive. Il n’est pas le seul. Les députés socialistes Philippe Brun et Laurent Baumel sont sur la même longueur d’onde : mieux vaut un mauvais compromis qu’un conflit clair suivi d’une dissolution.
La social-démocratie, sous ses diverses histoires, n’est pas en train d’inventer une autre façon d’être de gauche ; elle se concentre sur la – vaine – réhabilitation du bilan Hollande, préalable à la légitimation de leur candidature. On leur souhaite bien du plaisir.
Même mouvement du côté de l’écologiste Yannick Jadot. Il plaide désormais pour un « accord global » avec le bloc central. Cette évolution s’inscrit dans une crise plus profonde qui traverse les Écologistes. Plusieurs figures historiques travaillent à la « normalisation » de l’écologie politique. L’ancien candidat à la présidentielle assume son côté « réalo » et théorise une écologie dite responsable. Quant à Cécile Duflot, dans Gagner, son dernier livre, elle revient avec autocritique sur son départ du gouvernement Valls-Hollande. Elle va jusqu’à mettre en cause « la vieille tradition anarcho-syndicaliste associant trop facilement la répression à l’usage légitime de la violence d’État ». On se souvient de son émotion après la mort de Rémi Fraisse. Mais ça, c’était avant. Son refus d’appartenir à l’équipe de Manuel Valls faisait écho aux frondeurs socialistes. Il aurait, selon l’ancienne ministre, gâché les chances d’un bon gouvernement de gauche. La social-démocratie, sous ses diverses histoires, n’est pas en train d’inventer une autre façon d’être de gauche ; elle se concentre sur la – vaine – réhabilitation du bilan Hollande, préalable à la légitimation de leur candidature. On leur souhaite bien du plaisir.
Dans le désordre politique actuel, ça s’agite donc à gauche. Car enfin, de quelle culture politique se prévalent-ils ? De que compromis parlent-ils ? Tout part de leur panne politique. La stabilité devient leur bouée de sauvetage et leur horizon. Et, aujourd’hui, celle-ci passe par le vote du budget qui, rappelons-le, a été construit par le bloc central selon ses logiques de compétitivité et de réduction de tous les investissements d’avenir. Et certains voudraient que la gauche signe au bas de la page, quitte à maintenir le chaos social et écologique, bien plus dangereux, selon eux, que le bazar politique ?
La gauche n’en sortirait pas grandie : elle n’en serait que plus floue, illisible, disqualifiée.