Gaza : de la reconnaissance aux sanctions

Reconnaître officiellement l’État palestinien pourrait relever du symbole. Il n’en est rien. Mais ce geste ne sera pas suffisant pour stopper le génocide.
Combien ? C’est la question qui obsède les diplomaties comme les opinions : combien d’États emboiteront le pas à la France et à l’Arabie saoudite, en reconnaissant l’État de Palestine, ce lundi, à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies ? Le 19 septembre dernier, l’Élysée estimait que dix pays, dont la France, reconnaîtraient la Palestine le 22 septembre1. Depuis, seul le Japon, cédant aux pressions américano-israéliennes, est revenu sur cet engagement… Emmanuel Macron avait annoncé cette démarche en avril, au terme d’un voyage en Égypte. Auparavant, 148 des 193 membres de l’ONU l’avaient déjà reconnue. Dimanche, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont porté ce nombre à 151.
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L’outrance de ces pressions – Israël menace par exemple d’étendre sa souveraineté aux lieux saints confiés depuis des siècles à la France – bat en brèche l’idée reçue selon laquelle la reconnaissance ne serait qu’un geste symbolique. Elle constitue au contraire un basculement qui donne corps à la « solution à deux États ».
Certains observateurs attribuent les avancées de l’été à la vigueur retrouvée de la diplomatie française. Sans nier la qualité de la campagne menée par Paris, la mobilisation croissante de la « communauté internationale » s’explique surtout par la barbarie dont fait preuve aux yeux du monde l’armée israélienne. Pour la première fois, une commission d’enquête de l’ONU vient d’ailleurs de conclure à la commission d’un génocide. Dont les évaluations chiffrées ne cessent de croître : comptabilisant les morts identifiés, le ministère de la santé de Gaza annonce un bilan de 65 000 cadavres. D’autres sources parlent non de dizaines, mais de centaines de milliers de morts et de disparus, estimés par l’armée israélienne à 83% de civils. L’assassinat systématique des journalistes et du personnel de santé comme des travailleurs humanitaires horrifie tous les témoins. Sans oublier la généralisation de la torture dans les prisons, y compris, selon les ONG israéliennes, le recours à des chiens dressés à mordre et à violer les détenus.
C’est dire que le génocide infligé par Israël aux Palestiniens appelle d’urgence une autre réponse : des sanctions majeures, à même d’arrêter le bras des assassins. Des États en ont annoncées, parmi les « reconnaissants » comme chez les autres : l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont ainsi prévu un embargo sur les ventes et les achats d’armes ; plus surprenante, l’Italie de Giorgia Meloni évoque l’arrestation de Benyamin Netanyahou s’il s’y rendait ; même Ursula Von der Leyen évoque une suspension partielle de l’accord d’association avec Israël ; plusieurs capitales envisagent un boycott du concours de l’Eurovision si un artiste israélien y participe ; idem pour la Coupe du monde de football…
Au cœur du remarquable film de Nadav Lapid, « Oui », le personnage principal, entre un récit du 7-Octobre et un hymne à l’horreur de Gaza, s’écrie : « J’espère que Dieu n’existe pas ».