Génocide, affairisme, lâcheté : trois visages de l’horreur

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Alors que l’isolement d’Israël grandit, rien ne garantit à la Palestine un avenir sans mobilisation internationale. Le crime doit être nommé, contraint, sanctionné, jusqu’à ce que cesse le massacre.

Au cinéma, en ce moment, on peut voir « OUI », le film de Nadav Lapid. Œuvre d’un Israélien qui ose regarder son pays en face, il nous dit une chose terrible : Israël est en plein effondrement moral. Non pas parce que le régime aurait soudainement perdu la boussole – mais parce que c’est toute une société qui l’a perdue. Ce que Nadav Lapid met en lumière, c’est cette inconscience abyssale, cet aveuglement d’un peuple qui ne sait pas – ou plutôt ne veut pas savoir – ce qu’il commet en Palestine.

Il faut donc tendre un miroir aux Israéliens. Car l’État s’emploie à ce que rien ne soit documenté : interdiction faite aux journalistes étrangers de pénétrer Gaza, assassinat de ceux qui, sur place, tentent de témoigner dans des conditions atroces. L’objectif est clair : détruire toute trace, effacer tout récit, empêcher que le crime soit nommé. Mais il l’est désormais : génocide. Avec sa compagne, l’épuration ethnique.

Autour, les charognards capitalistes se frottent les mains. Le nettoyage, pour eux, est une opportunité. Le ministre israélien des finances vient de le dire clairement, ce mercredi, au sommet de la rénovation urbaine à Tel Aviv : « Israël et les États-unis ont dépensé beaucoup d’argent pour la guerre, nous devons donc partager les pourcentages sur les ventes de terrain à Gaza ». Tous voient déjà dans la Riviera gazaouie une terre à bétonner, un avenir désirable pour ceux qui ont choisi d’abandonner leur humanité. Ainsi le capitalisme se fait toujours complice : il transforme la mort en marché.

Mais l’effondrement politique et moral d’Israël, son isolement croissant sur la scène internationale, ne suffiront pas à garantir un avenir pour la Palestine et son peuple. La semaine prochaine, la France rejoindra les quelque 150 pays qui reconnaissent l’État de Palestine. Ce ne sera pas l’aboutissement d’une lutte ici mais une étape.

Les pays des mondes arabes et islamiques, après qu’Israël a attaqué le Qatar, sixième pays depuis le 7 octobre 2023, cherchent à faire front commun. Leurs opinions publiques sont mobilisées. Faut-il trop attendre des rencontres entre ces Etats qui, jusqu’à ce jour, n’ont guère agi, tout au plus suspendu leur projet de rallier les accords d’Abraham avec Israël. On n’aura pas une confiance totale dans les monarchies pétrolières du Golf, alliées des États-Unis, ni dans le régime du sanguinaire Sissi en Égypte, ni dans celui des mollahs liberticides en Iran.

La clef reste encore du côté la communauté internationale, si elle recouvre une capacité de dire et surtout de faire. Si cette communauté veut survivre à son propre naufrage moral, alors elle doit cesser de se contenter de mots. Elle doit agir, contraindre, sanctionner, isoler, jusqu’à ce que cesse le massacre. Le film de Lapid nous le rappelle : ce qui manque aux Israéliens, c’est un miroir. Et une volonté politique qui les oblige à revenir au réel.

Relisons les mots du poète Mahmoud Darwich : 

« Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : l’hésitation d’avril, l’odeur du pain à l’aube, les opinions d’une femme sur les hommes, les écrits d’Eschyle, le commencement de l’amour, l’herbe sur une pierre, des mères debout sur un filet de flûte et la peur qu’inspire le souvenir aux conquérants.

Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : la fin de septembre, une femme qui sort de la quarantaine, mûre de tous ses abricots, l’heure de soleil en prison, des nuages qui imitent une volée de créatures, les acclamations d’un peuple pour ceux qui montent, souriants, vers leur mort et la peur qu’inspirent les chansons aux tyrans.

Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : sur cette terre, se tient la maîtresse de la terre, mère des préludes et des épilogues. On l’appelait Palestine. On l’appelle désormais Palestine. Ma Dame, je mérite la vie, car tu es ma Dame. »

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