La CGT et le Tour de France : quand sport et luttes se marient bien

Si le Tour de France est avant tout un événement sportif, il permet aussi à des luttes sociales et politiques de mettre en avant leur combat. Comme lundi dernier, à Dunkerque pour sauver les emplois d’ArcelorMittal.
Pendant l’espace de quelques dizaines de minutes, l’arrivée du Tour de France s’est transformée en terrain de manifestations. Le maillot jaune a laissé sa place aux maillots rouges. Lundi 7 juillet, à Dunkerque. Ceux qui portent ces tuniques inhabituelles pour une ligne d’arrivée du Tour, ce sont des salariés d’ArcelorMittal, des familles de ceux-ci, ou des syndicalistes venus en soutien.
Profitant de l’arrivée de la Grande boucle à Dunkerque, la CGT d’ArcelorMittal a souhaité mettre en avant, et en visibilité, leur lutte qui dure désormais depuis des mois. Pour rappel, ArcelorMittal a annoncé en avril la suppression de plus de 600 postes en France, dont près de la moitié dans cette ville du Nord, où se trouve le plus grand haut-fourneau d’Europe.
Pis, l’entreprise a également signifié fin 2024 la suspension de ses investissements de modernisation et de décarbonation sur ce site. Des annonces faisant craindre la fermeture totale, à terme, du site nordiste. « Nous avons l’obligation de décarboner notre production à l’horizon 2030, donc si on ne décarbone pas, on va crever, tout simplement », expliquait, dans nos colonnes, Gaëtan Lecocq, secrétaire général de la CGT ArcelorMittal Dunkerque, premier syndicat du site.
Ce lundi, Sophie Binet, la numéro 1 de la centrale rouge, a également fait le déplacement pour l’occasion. Elle termine même la manifestation, micro en main, sur le podium habituellement réservé aux coureurs. « Il n’y a pas une seule étape du Tour de France où il n’y a pas de licenciements », s’inquiète la secrétaire générale de la CGT. Une référence à la carte des plans de licenciements, récemment mise à jour par la deuxième centrale syndicale du pays, qui recense 400 plans de suppressions d’emplois partout dans le pays pour près de 90 000 emplois directs menacés.
Si la CGT a pu organiser une telle manifestation, avec l’autorisation des organisateurs et de la préfecture, c’est notamment dû au fait qu’elle est un partenaire historique du Tour. « Depuis 1947, sont invités à participer au Tour de France les titres de presse qui ont contribué à la Libération, dont La Vie Ouvrière, le journal de la CGT », explique le syndicat dans un communiqué, « Depuis ce rendez-vous est devenu incontournable pour la CGT. L’occasion d’aller à la rencontre de celles et ceux pour qui le Tour est une fête. Une fête qui passe devant chez eux et qui coïncide avec les congés payés. Un public qui n’imagine pas le mois de juillet sans le Tour de France. »
Malgré tout, alors que le sport professionnel devient de plus en plus policé, et que toute tentative de politisation est bannie, ce partenariat est notable. Il témoigne du caractère éminemment populaire et historique du Tour. Un événement gratuit, aussi, que ce soit pour y assister ou pour le regarder en direct à la télévision – une rareté, une nouvelle fois, dans l’univers du sport professionnel.
En plus de cette manifestation un brin spéciale à Dunkerque, la CGT a décidé d’investir pleinement cet événement sportif, notamment pour fêter ses 130 ans. Chaque jour, le Youtubeur Bolchegeek réalise une courte vidéo racontant une lutte sociale d’aujourd’hui ou d’hier, en lien avec l’étape du jour. Pour le grand départ à Lille, un retour sur la grève du textile à Roubaix au début des années 30, ou, pour l’étape de ce mercredi à Caen, une explication de la lutte des DOMIDOM, cette filiale d’Orpéa, dont plusieurs salariées, auxiliaires de vie, se sont mises en grève fin 2022.
C’est aussi à Caen, à l’occasion du contre-la-montre, que la CGT a investi pleinement un rond-point sur le parcours pour le jalonner de pancartes et de drapeaux. Lors du passage des coureurs à Pau, dont ils partiront en fin de semaine prochaine, les unions locales ont d’ores et déjà préparé un départ fictif de cyclistes aux couleurs de la CGT, et un stand militant toute la matinée. Parce que le sport aussi, est un terrain de luttes.