Centres-villes : un enjeu immédiatement politique

La lettre du 8 juillet 📨
Le drame d’Aubagne révèle l’ampleur du logement indigne et des centres-villes dégradés. Comment faire face ? Par Catherine Tricot, urbaniste.
Le procès contre les bailleurs et les syndics responsables des effondrements mortels de la rue d’Aubagne à Marseille vient de s’achever. Le jugement est sévère et c’est tant mieux. Ce dramatique mais prévisible accident met en lumière l’ampleur du logements dégradés, parfois indignes des centres-villes anciens.
À travers ce sujet, c’est la question des centres-villes qui est reposée. Leur dégradation sous le coup de nombreuses difficultés a un effet politique puissant. L’histoire urbaine de notre pays est celle de centres villageois qui ont grossi pour devenir des bourgs et parfois des villes. Nos identités et nos sociabilités s’y fabriquent. La perte de qualité, de plaisirs partagés, dans des centres-villes qui se meurent, nourrit grandement le ressentiment, le déclassement et le sentiment d’abandon. Faire revivre ou constituer – dans les banlieues plus récentes – des centres-villes qui permettent de se retrouver, de faire son marché, d’acheter un bon gâteau ou de partager une glace, fait partie des moments où se fabrique convivialité, vivre-ensemble et solidarité au-delà du quartier.
Le communisme municipal, le socialisme municipal, ont longtemps privilégié les investissements sur les équipements municipaux oubliant l’importance symbolique des centres-villes. Par souci d’égalité, ces équipements ont souvent été répartis sur le territoire communal. Les zones commerciales avec leurs multiplexes, leurs restaurants de chaînes et leurs grands parkings se sont développés dans les périphéries. Pratiques, ces non-lieux sans espace public ont vampirisé les commerces, affaiblit le cinéma, anémié les centres anciens.
Le diagnostic est posé depuis longtemps mais les effets se poursuivent. Jamais la vacance commerciale n’a été si grande. Les logements indignes se maintiennent en profitant de la grave crise du logement. Les moyens considérables, qui sont là aussi nécessaires, sont difficiles à mobiliser par les villes. Pourtant loin d’être un enjeu à marge, il revêt une dimension politique désormais évidente.
Comment faire face ?
D’abord stopper la désertification et la paupérisation des centres-villes grâce, en premier lieu, à l’action de bailleurs sociaux publics pour acheter, réhabiliter, transformer le bâti ancien. Nécessaire non seulement pour rendre accessible le logement pour tous mais aussi afin d’éviter que les catastrophes de la rue d’Aubagne ne se reproduisent. Les aides et subventions doivent intégrer les surcoûts des lourds travaux de réhabilitation et de restructuration. Action logement, collecteur des cotisations pour le logement, devrait davantage s’y investir. Pour des raisons écologiques et culturels, le confortement du bâti ancien devrait être priorisé.
Ensuite, il faut une nouvelle pensée de l’espace public. Les centres anciens sont rarement compatibles avec la voiture ; la desserte par petits bus doit se développer. Mais surtout, il faut imaginer un espace public qui ne vit pas essentiellement par le commerce. Avant le 19ème siècle, c’était le cas. Il faut préparer une ville avec davantage de services à la personne, d’artisanat, de locaux associatifs…
Enfin, il faut investir sur l’espace public. Enfouir les réseaux, paver les rues et ruelles, planter. Les villes françaises sont souvent très minérales en dehors des belles allées arborées ; cela aussi peut changer et cet embellissement par les plantations doit, peut, associer les habitants. Last but not least, il faut chercher les occasions pour constituer des places et des placettes qui apportent du soleil et créent l’ambiance. Refusant toute démagogie, les intercommunalités qui couvrent le territoire sont les premières à devoir contribuer à la refabrication de ces centralités vivantes, attirantes, partagées.
Partout commencent à s’élaborer les programmes pour le prochain mandat. Espérons que des projets et propositions qui permettent le bonheur quotidien et qui structurent notre place dans la communauté y trouveront leur place, parmi les premières.
🔴 DISPARITION DU JOUR
Olivier Marleix, la droite qu’on regrette

Olivier Marleix s’est donné la mort. Et avec lui, c’est un certain style de droite qui meurt. C’est ce que pleure, avec sincérité, une partie de la gauche. Pas comme un héros perdu – il fut sarkozyste zélé, héritier assumé, conservateur bon teint – mais le député LR incarnait cette droite parlementaire, républicaine, attachée aux institutions, avec laquelle on débattait, qu’on aimait combattre. Une droite de mots plus que de meutes, de commissions plus que de confusion. À l’heure où Les Républicains, d’Éric Ciotti à Bruno Retailleau, se vendent corps et âme à l’extrême droite, Olivier Marleix faisait office de dernier vestige : pas un rempart, non, mais un rappel. Rappel que la droite avait encore un visage, une voix, une forme d’éthique, refusant de pactiser avec l’extrême droite. Son suicide ne change pas l’histoire mais il souligne son effacement. Désormais, il n’y a plus que les droites qui s’additionnent, à l’Assemblée comme dans la rue, pour faire nombre avec l’extrême.
P.P.-V.
ON VOUS RECOMMANDE…

Le débat « Gardiens de la révolution. Les maîtres de l’Iran », sur Arte, et le documentaire « Y a-t-il une alternative crédible à la République islamique iranienne ? », sur France Culture. Pour comprendre l’ascension du régime iranien, notamment par le biais de son armée idéologique – les gardiens de la révolution – au pouvoir absolu. Et pour penser un après. La guerre que viennent de mener les États-Unis et Israël a nettement affaibli l’Iran. D’aucuns évoquent le retour du shah. Un autocrate moderne pour contrer une théocratie rétrograde ?
C’EST CADEAU 🎁🎁🎁
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