LA LETTRE DU 26 MAI

La gauche a-t-elle le luxe de la division ?
par Catherine Tricot
La gauche est divisée… Merci, on est au courant. Pourtant elle n’a pas le choix que de s’unir pour gouverner. Assumer ces désaccords, trancher les lignes et définir un projet commun, c’est l’objet d’une primaire sincère.
L’élection haut la main de Bruno Retailleau nous informe que désormais, le danger est double : LR et RN. Au soir de son élection, le nouveau président des LR déclarait que son ennemi, c’était la gauche et qu’il voulait revenir au clivage gauche/droite après avoir affirmé son accord avec le RN sur l’immigration et la sécurité. Les Etats-Unis nous montrent qu’un président peut venir d’un parti qui s’appelle « républicain » et mettre en cause gravement la République. La gauche ne peut être tranquille et doit préparer une alternative solide au RN et à la droite radicalisée.
Dans ces circonstances, la gauche peut-elle envisager de se passer d’une partie d’elle-même ? Certainement pas. Depuis des années, la gauche au grand complet peine à dépasser les 30% d’électeurs. Elle est très affaiblie dans certains territoires et catégories sociales. Comment imaginer changer la vie sans le monde populaire, seulement avec les habitants des grandes métropoles ? La gauche a besoin d’élargir ses bases, sociales et politiques, sûrement pas de dresser des murs en son sein.
La gauche est-elle divisée ? Oui. L’est-elle plus qu’en 1936 ou en 1981 ? Pas certain. Les résultats de Jean-Luc Mélenchon en 2017 comme en 2022 montrent que les électeurs de gauche sont largement d’accord pour tirer un trait sur le social-libéralisme et sur la politique de l’offre. Dans le même temps, certaines divisions se sont estompées, comme sur l’Europe, sur l’Otan. Il en reste de nombreuses. Elles relèvent de désaccords sur la société, le changement, la politique. Un exemple : l’égalité est au cœur des valeurs de toute la gauche. Pour les uns, cela donne des ambitions de redistribution ; pour les autres, des raisons de changement structurel. Ces différences n’empêchent pas de lutter ensemble pour des mesures qui font progresser l’égalité. On peut être d’accord sur un programme de législature et conserver des désaccords d’orientation politique. Sinon, les gauches ne formeraient qu’un seul et même parti. Ceux qui pointent l’existence de différences de visions ont raison. Ils se trompent s’ils pensent que cela interdit de s’allier.
Quel avenir aurait-elle si elle ne surmontait pas ses divisions ? Raphaël Glucksmann a tort de penser qu’avoir un candidat commun à la présidentielle serait une feinte. Ce serait le cas si les désaccords n’étaient pas assumés et circonscrits. Le 2 juillet, Lucie Castets a invité toute la gauche à discuter. Ces rencontres ne peuvent déboucher sur un programme commun, quand bien même existe le programme du NFP. La proposition d’une primaire ne peut se réduire à choisir un.e candidat.e parmi ceux qui sont d’accord avec « le programme ». Elle doit permettre de trancher entre les priorités et les logiques de fond. Il est indéniable que de choisir pour représenter la gauche Glucksmann ou Ruffin, Mélenchon ou Autain ne découlera pas sur la même proposition politique. Celui ou celle qui sera désigné aura toute légitimité pour arbitrer et travailler à rassembler toute les gauches et les écolos.
D’ici 2027, il reste suffisamment de temps pour que les candidat.es exposent leur projet, qu’ils soient soumis au vote de nous tous qui avons voté NFP. Un tel processus de choix politique, sincère et rassembleur, est le seul à même de faire face à la menace.
APPEL DU JOUR
Mobilisation générale pour le peuple palestinien

La conférence internationale de l’ONU « relative à la question de Palestine » se tiendra à New-York le 18 juin prochain. Emmanuel Macron pourrait y reconnaître cet Etat, dont la population est actuellement victime d’un génocide. Trois semaines avant cette conférence, près de 300 personnalités dont Xavier Dolan, Ken Loach, Adèle Haenel, Reda Kateb et Annie Ernaux, ont lancé solennellement un appel depuis l’Institut du monde arabe à Paris, convaincues que c’est l’application du droit international qui garantira la protection du peuple palestinien. Une conférence à retrouver dans son intégralité ici. Les sociétés continuent de s’organiser et de plaider pour la paix et la fin de la cruelle colonisation. En témoigne aussi la mobilisation de dimanche 25 mai, à Paris à l’appel des organisations de jeunesse, où quelques milliers de personnes ont défilé pour dénoncer la situation humanitaire à Gaza. Les organisations juives progressistes ont, elles, manifesté à la Bastille.
P.P.-V.
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Peut-on interdire le mariage aux personnes en situation irrégulière ? La question mise en lumière par le maire d’extrême droite de Bézier Robert Ménard est reprise par un sénateur en LR qui en a fait une proposition de loi. Sur France Culture, Lisa Carayon, maîtresse de conférences en droit à l’université Paris 13, la déconstruit avec brio en rappelant les fondements de ce qu’est le mariage mais aussi du rôle de maire, officier d’état civil.
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