Bayrou : des plumes, du goudron et la porte

Le premier ministre veut faire passer son plan d’austérité par voie de référendum. Aussi crédible que son espérance de vie à Matignon est longue.
François Bayrou, premier ministre de la France, a donné un long entretien au JDD. Ce n’est pas la première fois que des ministres de la Macronie donnent des interviews à cet hebdo. Pourtant, chaque jour apporte la preuve que les médias de Vincent Bolloré sont au service d’un projet d’extrême droite. Pourquoi persistent-ils à cautionner ce journal, par ailleurs en perte accélérée de lecteurs ?1
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Cette opération de charme en direction du RN s’inscrit dans une liste qui commence à faire sens : relance du projet de proportionnelle pour complaire au RN ; expression d’un trouble après la condamnation de Marine le Pen ; reprise du vocabulaire d’extrême droite comme la « submersion migratoire » ; nature de ses arguments contre le projet de loi sur la fin de vie, etc. En effet, dans le JDD, il se déclare être « du côté du soin et de la vie ». Les partisans du projet seraient-ils « du côté de la mort et de la maltraitance » ?
François Bayrou parle la langue de l’intégrisme. Ces faux pas et ces petits calculs pour amadouer l’ogre menaçant sont infamants et dérisoires. L’extrême droite se combat et ne s’achète pas avec des miettes et des risettes. Le déshonneur menace le premier ministre à plusieurs titres.
François Bayrou prend les chaussons de ses prédécesseurs macroniens : aucun respect pour les corps intermédiaires et la démocratie sociale, ni pour le parlement qu’il veut dessaisir d’une de ses principales prérogatives.
Mais venons-en au fond du problème : le locataire de Matignon a exprimé son souhait de vouloir soumettre à référendum son plan de redressement des comptes publics. Deux semaines après avoir réuni le Comité d’alerte sur les finances publiques, François Bayrou continue de disserter sur le mauvais état des comptes du pays, sur la nécessité de revenir aux 3% d’ici quatre ans. Il entend compenser son absence de majorité au parlement non par un surcroît de travail et de concertation avec les élus de la nation mais par un appel au peuple au travers d’un référendum qu’il n’a par ailleurs pas les moyens de convoquer : seul le président le peut.
Empêtré dans les divisions politiques de son propre camp, l’affaire Betharram et une cote de popularité particulièrement catastrophique (14% de soutien, -3% en un mois et le plus faible soutien de la Cinquième République2), François Bayrou prend les chaussons de ses prédécesseurs macroniens : aucun respect pour les corps intermédiaires et la démocratie sociale, ni pour le parlement qu’il veut dessaisir d’une de ses principales prérogatives.
Le plan d’économies de 40 milliards qu’envisage François Bayrou est encore dans les limbes – comme beaucoup de ses projets. « Cela passera par une baisse déterminée des dépenses, nous dit-il. Par la simplification. Par une meilleure efficacité de l’État et de l’action publique en général » mais « la solution n’est pas dans de nouveaux impôts ». Ni précis, ni original. On relèvera que l’argumentaire déployé est alarmiste… mais qu’il contourne toujours l’exigence d’égalité. Le premier ministre ne propose aucune vision de long terme : son seul engagement stratégique concerne l’armement tandis que la lutte contre le réchauffement climatique n’est même pas évoquée.
Fou qui peut croire faire voter un tel projet, proposé par un tel attelage. Emmanuel Macron le sait. Et c’est pour cela que ce référendum n’aura pas lieu. Et que François Bayrou va endurer une nouvelle déconvenue. Il ne bougeait pas beaucoup, il ne bougera plus du tout. La suite est inéluctable : il partira.