LA LETTRE DU 17 AVRIL

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Partis, syndicats, associations : la gauche se perd en concurrence

par Roger Martelli

La gauche, du social au politique, est diverse et ses organisations ont des fonctions distinctes. Or, la politique ne saurait se mener sans jeu collectif.

Depuis le mouvement contre la réforme des retraites et avant la manifestation du 1er mai, en passant par les récentes manifestations en défense de l’État de droit, les tensions entre La France insoumise et le reste de la gauche se répètent. Jean-Luc Mélenchon et les insoumis, pressés d’agir, jouent volontiers les donneurs d’ordres, annonçant quand il faut manifester, sur quoi et avec qui. Du coup, jaloux de leur indépendance, syndicats et associations sont tentés de faire bande à part. Les autres partis de gauche hésitent : se tenir en retrait ou défiler au côté des syndicats et associations. À l’arrivée, citoyens et militants sont dans le désarroi.

Les tensions deviennent récurrentes, mais elles ne sont pas neuves. Voilà une bonne trentaine d’années que les relations du social et du politique demandent à être redéfinies. Les sphères du politique et du social se recomposent, la démocratie flirte avec « l’illibéralisme » : tout se recompose et l’urgence grandit… tout autant que l’incertitude. 

Ainsi, la retraite n’est plus seulement une question d’âge ; la bataille pour l’égalité, la lutte contre les discriminations et la conquête des droits se confondent ; la gestion de la ville devient tout autant cardinale que le devenir de l’industrie… Le national et l’international ne peuvent se penser séparément, pas plus que le naturel et l’humain. Ce qui hier encore était clairement distinct ne l’est plus. Pourtant, on continue à raisonner en domaines séparés.

C’est un immense problème pour la gauche. La société n’est ni une juxtaposition de domaines, ni une succession d’enjeux que l’on traite séparément les uns des autres. Elle constitue un tout et, surtout quand les problèmes s’accumulent, il convient de dire en même temps les choix concrets que l’on souhaite et la logique générale qui les ordonne. Or cette logique ne peut pas être du seul ressort des organisations politiques, des partis. 

On a pourtant pris l’habitude de segmenter les responsabilités : à la société civile et à ses organisations de formuler les demandes et de peser pour se faire entendre ; à l’État et aux partis de proposer leurs réponses. Mais quand l’État-providence se défait, quand les frontières du privé et du public se recomposent, quand les choix doivent intégrer la finitude de la planète, alors on ne peut plus séparer le problème et la solution. En bref, les partis, les syndicats et les associations ont des fonctions distinctes, mais « la » politique ne peut pas être déléguée aux seuls partis.

L’histoire nous a légué trois grands modèles d’articulation du social et du politique : le modèle travailliste (le parti est le prolongement politique du syndicat), le modèle socialiste-communiste (le parti dirige le syndicat et les associations) et le modèle syndicaliste révolutionnaire (le syndicat est lui-même l’expression politique du monde ouvrier). Ces trois modèles ont vieilli et aucun nouveau modèle n’a émergé. Nous nous contentons donc d’osciller entre la tentation de la subordination du syndicat au parti et celle de leur totale séparation. Ni l’une ni l’autre ne sont à la hauteur des enjeux. Il faut sortir de ce balancier.

Cela suppose de s’entendre sur la part respective du commun et du spécifique. Les syndicats et les associations sont bien au cœur de la définition de la demande et des luttes pour les faire prévaloir ; les organisations politiques sont bien au cœur de la compétition pour dire ce qui doit orienter l’action publique ; mais c’est à l’ensemble qu’il revient d’énoncer le projet global de société qui nous permet de vivre ensemble et la logique qui doit l’animer.

Sur cette base, les organisations peuvent, quand il le faut, se retrouver, dès l’instant où il est acquis qu’aucune force n’a vocation à être chef de file ou avant-garde. Ensemble et différents. Respecter le « et » est la condition d’une alchimie moderne adaptée. On a su l’activer dans les grands moments populaires, en 1936 et à la Libération. Nous avons à la réinventer, pas à la répéter… Si le Nouveau Front populaire est en panne, peut-être est-ce aussi pour n’être pas allé au bout de la novation nécessaire.

Roger Martelli

DÉCEPTION NÉOLIBÉRALE DU JOUR

Louis Vuitton aux États-Unis : l’affaire est loin d’être dans le sac

Elle avait été inaugurée en grandes pompes en 2019, en présence de Donald Trump et Bernard Arnault : l’usine de production de Louis Vuitton à Rochambeau au Texas devait faire travailler un millier de salariés. Mais, en 6 ans, le nouveau site de l’enseigne de luxe n’a pas réussi à faire des miracles et figure parmi les moins performants de la marque au niveau mondial, selon Reuters. En sus des problèmes de management toxique et de pratiques douteuses, c’est la difficulté à recruter des ouvriers qualifiés pour tenir les standards élevés de l’entreprise qui empêche son développement. Cela rappelle que, n’en déplaise à ses actionnaires et sa direction, ce qui fait la force de LVMH – comme de toute entreprise –, c’est d’abord la valeur ajoutée de ses excellents travailleurs et de leur savoir-faire. Et ça ne se trouve pas sous le sabot d’un âne.

P.P.-V.

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« De Staline à Poutine : tirer les ficelles de l’histoire nationale », sur France Culture. L’excellent historien Nicolas Werth, spécialiste de l’URSS et des crimes du régime soviétique, revient sur son engagement pour la mémoire des victimes du stalinisme freiné par la politique de contrefaçon mémorielle orchestrée par Vladimir Poutine. Comment résister à cette falsification de l’histoire par le Kremlin ?

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