Le colonialisme installe le racisme

Jean-Michel Apathie a été sanctionné pour avoir comparé le massacre d’Oradour-sur-Glane à ceux perpétrés par la France en Algérie. Une polémique qui en dit long sur nos œillères.
Le regard que l’on porte sur les arabes et les musulmans ne se séparent pas de l’histoire coloniale de la France. Sur cette histoire, bien des tabous ne sont pas levés, malgré des progrès de connaissance et de reconnaissances historiques – notamment sous l’impulsion d’Emmanuel Macron et sur les propositions de Benjamin Stora et d’une commission mixte franco-algérienne d’historiens. Un documentaire sur les essais d’armes chimiques dans le Sahara au cours des années 50-60 vient d’être déprogrammé par France Télévision. Le journaliste Jean-Michel Apathie a été sanctionné et a fini par quitter RTL parce qu’il a osé dire que la France colonisatrice s’est rendue coupable d’exactions qui, aujourd’hui, relèveraient a minima du crime de guerre, quand ce n’est pas du crime contre l’humanité.
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En 1844-1845, dans l’Algérie en voie de colonisation brutale, des centaines de civils, femmes et enfants compris, ont été massacrés, enfumés comme des animaux réputés nuisibles. Ces évènements sont fondamentaux pour comprendre ce qui fonde le racisme. On n’aurait pas traité ainsi les Algériens si on n’avait pas pensé, comme le dira Jules Ferry, qu’ils faisaient partie de ces « races inférieures » que les « races supérieures » ont le droit d’asservir pour qu’elles accèdent enfin aux lumières de la civilisation.
L’horreur absolue des « enfumades » de 1844-1845 n’est en aucun cas moins condamnable que la barbarie de soldats nazis à l’été 1944.
Comment ne pas mesurer les effets à long terme de la négation des valeurs humaines les plus fondamentales ? On aime se référer à Hannah Arendt et à ses études sur le totalitarisme. Mais on oublie que plus d’un quart de son livre Les Origines du totalitarisme est consacré à l’impérialisme et donc à la colonisation. Celle-ci a installé, au plus profond de nos représentations, le poison de la racialisation. Elle a contribué à la brutalisation des sociétés et ouvert la voie à ce que le 20ème siècle a porté de pire.
Jean-Michel Apathie a eu raison de la rappeler.