Coupe du monde de football au Qatar : le boycott aura-t-il lieu ?

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Parce que c’est bien beau de tweeter avec le hashtag #BoycottQatar2022, mais ça ne suffira pas pour changer la face du monde.

« Sans nous ». La Une du 13 septembre du Quotidien de la Réunion est sans équivoque. « Au nom de ses valeurs, Le Quotidien boycotte la Coupe du monde 2022 », peut-on lire en sous-titre.

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Ce boycott de la coupe du monde, qui se tiendra au Qatar du 28 novembre au 18 décembre prochain, beaucoup de monde en parle, mais aucun débat public, citoyen, politique n’est réellement organisé. Il y a pourtant de quoi argumenter : entre l’enquête pour corruption dans l’attribution de l’événement au Qatar (où figurent les noms de Sarkozy et Platini), la question écologique (les stades sont climatisés) et, summum de l’ignominie, le fait que 6500 ouvriers seraient morts lors des travaux desdits stades, selon The Guardian (trois selon la version officielle), les survivants étant « simplement » traités comme des esclaves.

 

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La vérité, c’est qu’aucun mouvement tangible ne se met en place, et que les prises de position isolées, comme celle du Quotidien de la Réunion, se font même assez rares.

Début août 2022, l’ancien champion du monde allemand Philipp Lahm déclare qu’il n’a « pas envie de [s]e rendre là-bas en tant que supporter » : « Je préfère suivre le tournoi depuis chez moi. Les droits de l’homme devraient jouer un plus grand rôle dans l’attribution d’un tournoi. » D’aucuns appellent cela un boycott… boycott tout de même assez light, les droits de l’homme résistant, semble-t-il, au filtre de la télévision.

Fin août, c’est l’acteur français Vincent Lindon qui lâche, au micro de France Inter : « Je pense que c’est une histoire répugnante. […] On va aller faire le Mondial dans un pays qui, sur le papier, avait zéro chance de l’avoir : ni les spectateurs, ni les infrastructures, ni le climat… Et ils ont gagné ! C’est dire le nombre d’arrangements, de compromis ou de compromissions qu’il y a dû y avoir. »

L’ancienne star française Éric Cantona a aussi pris position, fidèle à lui-même, dans un long texte publié sur les réseaux sociaux :

« À contre cœur, j’ai pris ma décision […] Je ne regarderai pas un seul match de cette coupe du monde. Ça me coûte parce que depuis que je suis gosse c’est un évènement que j’adore, que j’attends et que je regarde avec passion ! Mais soyons honnêtes avec nous-mêmes ! Cette coupe du monde là n’à aucun sens ! Pire c’est une aberration ! […] Une aberration écologique, avec tous ces stades climatisés… quelle folie, quelle stupidité ! Mais surtout, surtout, une horreur humaine… combien de milliers de morts, pour construire ces stades, pour au final quoi, amuser la galerie deux mois… et tout le monde s’en fout… La caricature même de ce que l’homme est capable de porter en lui comme saloperie extrême ! Le seul sens de cet événement, on le sait tous, c’est le pognon. Il est plus fort que tout… business is business… le reste… J’ai pris ma décision ! Je ne regarderai pas ! Arfff je sais bien qu’ils s’en foutent et que ma petite personne ne changera pas la face du monde. Mais moi personnellement, je n’ai juste pas envie de participer à cette grande mascarade. Et faire gagner de l’argent à ceux qui ferment les yeux et se cachent derrière leur petit doigt en disant c’est pas de notre ressort on peut rien faire… États, fédérations, diffuseurs, annonceurs etc etc. Si tu peux faire, il suffit juste de prendre une décision simple. […] Mais tous ces gens là ne l’ont pas prise… encore une fois, le pognon est plus fort que tout. Donc moi je ne participerai pas à ça ! Que la France gagne, perde, rien à carrer ! Dans la vie, il y a des choses bien plus importantes que le foot ! […] En espérant que ça fasse réfléchir tous mes amis footeux comme moi 😉 Moins de téléspectateurs, moins de pognon qui rentre dans leurs poches, aussi bête que ça… »

Chez les politiques, quelques réactions d’Alexis Corbiere, Fabien Roussel ou encore David Cormand… François Hollande, lui, peut se pavaner« Est-ce que les chefs d’État et de gouvernement doivent aller au Qatar voir des matches dans des stades climatisés et après tout ce qui s’est produit ? Ma réponse serait non. » –, la chose est tellement aisée quand on n’est plus aux manettes.

Et du côté du gouvernement, justement, c’est silence radio. Seule la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a eu un petit mot pour expliquer que « le fait de boycotter la coupe du monde ne changera pas malheureusement les émissions de gaz à effet de serre de cet événement ». La ministre, très en forme en ce moment, tente même de justifier cette non-prise de risques par le fait que l’organisation de cette coupe du monde au Qatar a été décidée dans un autre contexte climatique. « Je préfère regarder devant moi », lance-t-elle. Pour rappel, la décision a été prise en 2010. Difficile alors d’évoquer un quelconque « autre contexte climatique »… À moins de nier tous les rapports du Giec, dont le premier date de 1990.

Voilà tout. Car, de toute façon, il n’y aura pas de véritable boycott : c’est trop tard pour les institutions, peu voire pas du tout envisageable pour les médias sportifs (et les autres seront au mieux embarrassés), et très improbable pour les sponsors. Restera le boycott diffus de la part des amateurs de foot, et plus sûrement le désaveu public, politique et médiatique que la compétition pourrait susciter. Pour la beauté du sport !

 

Loïc Le Clerc

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