Travail, emploi, allocs et RSA : c’est le festival de la fake news !

screenshot_2022-09-15_10.31.16.png

Des chiffres imparablement faux de David Pujadas et Pascal Perri au confusionnisme de Fabien Roussel, notre chroniqueur éco Bernard Marx fait le ménage.

Comme nul ne l’ignore, le gouvernement d’Emmanuel Macron et le Medef sont engagés de concert dans une nouvelle bataille pour abaisser les droits des chômeurs et les indemnités de celles et ceux qui en perçoivent. Tout le monde est sur le pont, de l’économiste Stéphane Carcillo, chef de la division emploi-revenu de l’OCDE, à l’économiste de cabinet de conseil financier et de plateau TV Marc Touati, en passant par le journaliste de cabinet de conseil en stratégie low cost et de plateau TV Pascal Perri.

 

LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>>
Travail et allocations : petit rappel à l’attention de Fabien Roussel

 

J’en passe et des meilleurs. Ils sont venus, ils sont tous là pour le proclamer : la réalisation du plein emploi affiché comme le but du gouvernement ne se fera pas par l’augmentation de l’offre d’emplois – puisqu’elle serait déjà abondante –, mais par la baisse des allocations chômage et du RSA (qui nourrissent la préférence des Français pour le chômage). Non seulement ces derniers n’occupent pas les emplois offerts mais ils empêchent les entreprises et l’État d’augmenter encore leurs offres d’emplois en abaissant les coûts du travail.

Mais l’accumulation de désinformations, notamment par Pujadas et Perri, défie quand même toute la déontologie du journalisme. Cela mérite de s’y arrêter parce qu’à chaud ni Thomas Legrand, ni la députée NUPES-LFI Sarah Legrain, présents pour en débattre, n’ont eu le réflexe de les dénoncer pour ce qu’elles étaient : des fake news. Pujadas et Perri prétendent traiter le problème de l’emploi et de la politique de l’emploi en faisant la chasse aux chômeurs comme d’autres prétendent traiter les problèmes de la sécurité par la chasse aux immigrés et à leurs enfants.

Prenons dans l’ordre.

Fake news sur les emplois non pourvus

screenshot_2022-09-15_10.31.16.png

 

En réalité comme l’explique le député NUPES et sociologue Hadrien Clouet[[Son livre Emplois non pourvus : une offensive contre le salariat (éditions du Croquant) est en librairie à partir du 15 septembre.]] interviewé sur Mediapart : « Chaque fois qu’un employeur veut embaucher, il doit signer une déclaration unique d’embauche. On est au-dessus de 25 millions par an, soit 25 millions de tentatives de recrutement. Donc, même si on était à 500.000 emplois non pourvus, ça ne ferait même pas 2% ».

Des difficultés de recrutement peuvent exister. Mais l’économiste Olivier Bouba-Olga a raison de se dire « atterré » par le niveau du débat sur ce sujet :

Fake news sur les allocs qui rapportent plus que l’emploi

screenshot_2022-09-15_10.32.00.png

 

Doublement et grossièrement faux :

  • Côté SMIC, il faut ajouter la prime d’activité. Elle est par exemple de 227 euros par mois pour une salariée vivant seule, sans enfant, en région Île-de-France avec un salaire de 1329 euros. Mais le montant atteint 515 euros pour une personne seule avec un enfant gagnant le SMIC.
  • Côté allocs, un cumul éventuel RSA et allocation chômage (ARE) ne peut pas dépasser le montant forfaitaire du RSA. Soit, depuis le 1er juillet, 598,93 euros par mois pour une personne seule et sans ressources, 897,82 euros pour un couple sans enfant. Le montant de 1489 euros ne vaut que pour un couple au chômage avec trois enfants. Mais évidemment une famille avec trois enfants et avec un seul SMIC percevra une prime d’activité largement supérieure à 500 euros.

Autre exemple tout aussi grossièrement trafiqué :

screenshot_2022-09-15_10.32.25.png

 

Côtés revenus du travail, la prime d’activité pour un couple dans une telle situation salariale et sociale sera plus du double de celle indiquée. Et côté allocs, il n’y aura pas cumul de 688 euros de RSA et de 1824 euros d’allocation chômage. Le RSA sera de zéro. La différence entre la situation des deux familles, l’une au SMIC et l’autre au chômage sera en réalité de plus de 700 euros en faveur du couple en emploi et non de 44 euros en moins.

La confusion cultivée par Roussel

Cela ramène à la polémique lancée par Fabien Roussel opposant « la gauche qui défend le travail », c’est-à-dire lui, et « la gauche des allocations et des minimas sociaux », c’est-à-dire… qui au fait ?

À la Fête de l’Humanité, et dans une tribune publiée par Le Monde, le secrétaire national du « parti du travail » a tenu à préciser sa pensée. Selon lui, le défi de la gauche est de « travailler à une société qui garantit à chacun d’avoir un emploi, une formation et un salaire tout au long de sa vie ». Raison de plus pour ne pas semer le confusionnisme. Or Fabien Roussel a réitéré sur TF1 :

« Notre projet, a-t-il affirmé, c’est d’éradiquer le chômage et c’est pour cela que je veux mettre fin, oui, au système qui nourrit le chômage par les allocations chômage et le RSA. Il faut permettre à chacun de vivre de son travail. Car c’est le travail qui redonne de la dignité ».

À condition que le travail soit bien payé. Qu’il ait un sens. Que les conditions de travail soient bonnes. Que les salariés aient des droits renforcés sur l’organisation de leur travail et sur la gestion des entreprises. Que la formation tout au long de la vie assure des transitions qualifiantes pour tous. Je ne doute pas que cela soit aussi son ambition. Mais Fabien Roussel sème un redoutable confusionnisme en parlant, comme il le fait, du système qui nourrit le chômage par les allocations chômage et le RSA. « Carton vert » a, du reste, aussitôt commenté Pascal Perri.

Au PCF, c’est l’économiste Paul Boccara qui formulait, il y a 20 ans, le projet économique et politique d’un dépassement positif et graduel du marché du travail capitaliste par une sécurité d’emploi et de formation. Une proposition qui peut être plus ou moins rapprochée du projet de sécurité sociale professionnelle de la CGT, de l’ensemble des propositions de sécurisation des parcours professionnels de l’ensemble des syndicats ou des propositions de garantie publique d’emploi en dernier ressort. Mais loin de s’opposer aux allocations chômage et aux garanties de revenus, Paul Boccara soulignait au contraire que le système de sécurité d’emploi ou de formation concernerait notamment « un progrès décisif de l’indemnisation des chômeurs et de leur insertion dans l’emploi ; la généralisation de mises en formation avec conservation du salaire en vue de reclassement des licenciés; de nouveaux contrats sécurisés ; des conférences régionales et nationales de programmation de soutien des emplois et des formations, l’affiliation de chacun à service public d’emploi et de formation depuis la fin de la scolarité »[[Paul Boccara, Pour une nouvelle civilisation, éditions du croquant, mai 2016]]. Une bataille qu’on ne saurait mener dans la confusion.

 

Bernard Marx

Partager cet article

Actus récentes

Abonnez-vous
à notre NEWSLETTER
quotidienne et gratuite

Laissez un commentaire