Une « directive stages » des plus précaires

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Une directive européenne entend améliorer les conditions de travail des stagiaires et lutter contre les faux stages. Mais en l’état, elle ne protégera pas les plus précaires. Par Anthony Smith, député européen LFI.

La Commission européenne a présenté au Parlement et au Conseil de l’Union européenne en mars 2024 une proposition de « directive stages » portant sur l’amélioration des conditions de travail des stagiaires, le contrôle de ces conditions ainsi que la lutte contre les « faux stages ».

Alors que les experts du groupe de travail du Conseil de l’UE reprendront le 31 janvier prochain leurs travaux sur cette directive (et que la présidence polonaise de l’Union n’envisage d’inscrire un potentiel accord des 27 que lors du Conseil européen consacré à l’emploi de juin 2025) force est de constater que la proposition initiale de directive n’est pas à la hauteur des attentes sur ce sujet.

En effet les jeunes européens restent massivement discriminés en terme d’accès au travail. Ils connaissent par exemple un taux de chômage deux fois supérieur au taux de chômage global. Ils sont aussi plus souvent victimes d’accidents du travail et de conditions de travail dégradées, du fait notamment de leur « position » plus fragile face au patronat qui souvent les exploite sans vergogne.

Les stages, dont plus de 3 millions sont réalisés chaque année en Europe, sont censés permettre aux jeunes d’acquérir une expérience pratique et professionnelle pour faciliter leur entrée sur le « marché du travail » avec de bons emplois et de bonnes conditions de travail. Voici pour la théorie.

La pratique, elle, reste malheureusement très éloignée de la théorie. Et loin de rapprocher les deux, la proposition de directive fait le choix d’exclure d’emblée des centaines de milliers de stagiaires en Europe de son champ d’application. Ainsi ses dispositions ne s’appliqueraient que pour les seuls stagiaires en situation de « relation de travail » définit par la Loi ou la convention collective de chaque Etat.

Exit donc les stagiaires les plus vulnérables : ceux qui ne sont pas rémunérés !

En France par exemple les PMSMP (périodes de mise en situation en milieu professionnel) de France travail ou des missions locales pourraient ne pas se voir appliquer les dispositions de la directive. Pourtant ces périodes de stage sont bien souvent détournées par des patrons voyous pour obtenir une main d’oeuvre gratuite qui dans les faits réalise une tâche régulière correspondant à un poste permanent dans l’entreprise qui occupe le stagiaire.

A l’inverse la directive devrait commencer par interdire les stages non rémunérés. Elle devrait également, comme le réclame la Confédération Européenne des Syndicats, inclure « toutes les formes de stages où les stagiaires doivent de facto effectuer des tâches telles que celles d’autres travailleurs » et leur appliquer les dispositions des différents droits du travail et des conventions collectives des Etats membres.

Rien non plus ou si peu sur l’accompagnement (ici appelé « mentorat ») des stagiaires et la qualification des « mentors ». Rien encore sur la formation renforcée à la sécurité des stagiaires qui pourtant, redisons le, sont exposés à des risques majorés d’accidents du travail. Rien toujours sur la limitation du nombre de stagiaires occupés en même temps ou sur une même période de référence au sein des entreprises. Et surtout absolument rien sur les nouveaux moyens (en terme tant d’effectifs que de prérogatives) dont les services publics de l’Inspection du travail en Europe devraient disposer.

Mais même face à l’indigence de cette proposition de directive, le patronat européen représenté par BusinessEurope demande aujourd’hui à la Commission de la retirer car elle serait contraire aux impératifs de « compétitivité » !

A l’instar du MEDEF en France, on aura compris ce que signifie pour les capitalistes et les exploiteurs la « compétitivité » en ce premier quart de XXIème siècle : toujours plus d’exploitation au travail à commencer par les plus jeunes. L’exact opposé du projet que nous portons au Parlement européen avec mes camarades au sein du groupe de La Gauche / The Left.

Anthony Smith, député européen LFI

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