TRIBUNE. Nos députés veulent-ils tuer la biologie ?

AN

Coup de gueule de notre chroniqueur Éric Le Bourg, chercheur retraité en biologie du vieillissement, à propos des amendements des députés sur l’expérimentation animale.

Les débats parlementaires sur le budget 2025 vont s’achever et une décision sera prise : acceptation d’une façon ou d’une autre, ou rejet.

Des députés RN et socialiste ainsi que le groupe LFI ont fait voter des amendements sur l’expérimentation animale qui aboutiraient à la fin de l’enseignement et de la recherche en biologie animale en France s’ils étaient mis en œuvre dans le futur. Ils ne le seront pas dans le budget 2025 puisque l’amendement LFI décrit plus bas n’a pas été présenté au Sénat et que l’amendement des députés RN et PS, présenté aux sénateurs par le RN, des centristes et Yannick Jadot n’a pas été retenu par le Sénat.

Dire que ces amendements aboutiraient à la fin de l’enseignement et de la recherche en biologie animale en France semble tellement fou que le scepticisme semble de rigueur : et pourtant…

L’Assemblée nationale a d’abord adopté un amendement LFI porté par Aymeric Caron qui instaure une taxe de 50 € pour l’utilisation de TOUT animal et qui stipule : « Article 302 bis ZR – I. – Tout établissement qui utilise des animaux vivants aux fins d’expérimentation dans des procédures de recherches scientifiques ou éducatives s’acquitte d’une taxe au profit de l’État. II. – Le fait générateur de cette taxe est constitué par l’utilisation d’un animal, quel qu’il soit, dans le cadre d’une procédure. III. – Le montant de cette taxe est de 50 euros par animal utilisé dans le cadre d’une procédure. Le montant est doublé pour chaque utilisation du même animal. » Si cet amendement était mis en œuvre un jour, ce qui semble possible puisqu’il a déjà été voté par l’Assemblée nationale cette année (« L’amendement no 2458 est adopté »), tout enseignement ou recherche utilisant un animal « quel qu’il soit » serait dans les faits interdit car quel laboratoire du CNRS ou de l’INSERM, quelle école vétérinaire, quelle université, quel lycée pourrait se permettre de dépenser 50 euros par animal utilisé, même si celui-ci est une mouche, un ver, une grenouille, une souris ? Aucun. Donc, demain, il n’y aurait plus de biologie en France : c’est aussi simple que cela.

Ensuite, des députés RN et PS ont déposé un amendement identique « travaillé avec OneVoice », une association lutant contre l’expérimentation animale et s’affolant du « nombre inconnu d’invertébrés utilisés, exploités et tués chaque année dans les laboratoires français ». Cet amendement instaurerait une autre taxe d’un euro par animal, mais pas pour tous les animaux, car s’inscrivant dans les articles de loi sur l’expérimentation animale concernant les vertébrés et les « céphalopodes vivants » et excluant par exemple les écoles vétérinaires. Aymeric Caron et LFI avaient là aussi proposé une taxe de 50 euros, concernant tous les animaux, mais cet amendement est tombé du fait de l’adoption du précédent : « Pour l’adoption 139 Contre 9 ».

Ce second amendement à un euro qui a été adopté par l’Assemblée est justifié par la nécessité de faire de la recherche sur les méthodes alternatives à l’expérimentation animale, comme si les études in vitro, sur des cellules cultivées, comme celles de l’américaine Henriette Lacks morte à 31 ans d’un cancer et dont les cellules cancéreuses, dites HeLa, se divisent sans discontinuer depuis 1951, allaient suffire. Toutes les simulations informatiques ou études in vitro ne remplaceront jamais une expérimentation in vivo, de même que la conduite d’avion sur simulateur ne remplace pas pour les apprentis pilotes la conduite réelle d’un avion. 

En résumé, sous prétexte de lutter contre l’expérimentation animale, la mise en œuvre de ces amendements serait la fin en France de l’enseignement et de la recherche en biologie animale, de la médecine vétérinaire, de la recherche pré-clinique, et finalement de la recherche médicale et de l’enseignement de la médecine. Lutter contre la souffrance animale, comme dans certains abattoirs ou élevages clandestins, est une chose respectable, mais interdire de fait l’expérimentation animale et donc remettre en question toute possibilité de faire de la biologie en est une autre. On a l’impression que nos députés, quelle que soit leur appartenance, n’ont pas réfléchi aux conséquences incalculables de leurs propositions. S’ils y ont vraiment réfléchi et que ces amendements reflètent leurs présupposés idéologiques, en faisant fi des conséquences pour la société entière, alors il faut rappeler que quand des idéologues prennent des décisions concernant la science et son enseignement, la catastrophe est assurée. Le précédent qui vient à l’esprit est la destruction de la génétique au temps de Lyssenko en URSS, par simple idéologie, avec le retard qui en découla pour la science soviétique.

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