Retraites : un peu de maths pour décrypter l’entourloupe Barnier-Wauquiez
Notre chroniqueur éco Bernard Marx vous aide à y voir clair sur le « compromis » Wauquiez-Barnier en matière d’indexation des retraites.
Retraités, voici un petit exercice de mathématiques qui vous permettra de mieux comprendre comment Laurent Wauquiez, la droite sénatoriale et le gouvernement Barnier cherchent à vous entuber1 avec leur soi-disant compromis sur l’évolution des pensions de retraites. L’exercice pourra intéresser tout le monde, car il a une portée plus large
Énoncé du problème
Laurent Wauquiez, le président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée nationale (et collègue de parti de Michel Barnier) a annoncé avoir obtenu une modification positive de la mesure initiale prévue pour l’évolution des pensions de retraite. Le Sénat a adopté dans la nuit du 22 au 23 novembre un amendement au projet du gouvernement conforme à ce compromis.
TOUS LES JOURS, RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ACTU POLITIQUE DANS NOTRE NEWSLETTER
Il prévoit une revalorisation de l’ensemble des pensions de retraite de base à hauteur de la moitié de l’inflation au 1er janvier 2025. Et, au 1er juillet, une revalorisation de la pension de base au niveau de l’ensemble de l’inflation, pour les seuls retraités dont le montant total des pensions (base + complémentaire) est inférieur au Smic. Si les prix augmentaient plus que prévu au 1er semestre, pour ces retraités et pour eux seulement, le manque à gagner sur les six premiers mois de l’année sera alors compensé par un versement unique.
Précisons que le Sénat a également adopté d’autres amendements qui de toute évidence en rajoutent encore sur la politique budgétaire antisociale du gouvernement : L’un annule les diminutions d’exonérations de cotisations sociales employeur prévues par le gouvernement au niveau du Smic. Avec pour conséquence de poursuivre la smicardisation des salariés. L’autre crée 7 heures supplémentaires de travail gratuit.
Revenons à ce qui est présenté comme une amélioration du dispositif initialement prévu pour les retraités (une indexation totale sur l’inflation mais au 1er juillet 2025).
Selon le Code de la Sécurité sociale (article L161-231 et L161-25), « la revalorisation des pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui […] est effectuée sur la base d’un coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques ». En clair, si l’inflation 2025 calculée en moyenne annuelle hors tabac est de 2,1%, le code de la sécurité prescrit une revalorisation de 2,1% des pensions début 2026.
Compte tenu de cette règle, comparez le dispositif « de compromis » et le dispositif initial. Est-il ou non plus favorable pour les retraités ? Quel qualificatif lui donner ?
Réponse…
Le dispositif amendé serait plus favorable pour les retraités dont les pensions totales ne dépassent pas le Smic. Ils ne subiraient comme perte de pouvoir d’achat que celle due à la sous-estimation de l’inflation par l’indice des prix à la consommation, notamment pour les bas revenus. Selon des données de 2021, on peut estimer qu’environ un quart des retraités serait concerné. Et le montant de l’aménagement est effectivement estimé à nettement moins d’un milliard sur les quatre prévus.
Mais qu’en est-il pour les autres ?
Dans le projet initial leur pension passe du niveau 100 fin 2024 à 102,1 fin 2025 (revalorisation en juillet 2025). C’est sur cette base que le Code de la Sécurité sociale s’appliquerait pour 2026. La pension de retraite passe à 104,2 début 2026. Si l’inflation n’augmente pas en 2026, la perte de pouvoir d’achat sur 2025 et 2026 calculée par l’IPC est de 1%. Fin 2026, le pouvoir d’achat a été rétabli à son niveau initial.
Dans le dispositif Barnier-Wauquiez adopté par le Sénat, la pension fin 2025 sera au niveau 101,05 et non plus 102,1. Et c’est sur cette base que s’appliquera la revalorisation de 2026. Fin 2026, les pensions seraient au niveau 103,15 – et non 104,2. La perte de pouvoir d’achat sur les deux ans 2025 et 2026 sera supérieure à ce qu’elle aurait été avec le dispositif initialement prévu. Autrement dit, le dispositif ouvre encore plus fortement la voie à une politique continue de désindexation durable des retraites.
Ce compromis a tout d’une entourloupe pour la majorité des retraités. Mais bien des salariés du privé et du public sont eux aussi concernés par les effets durables de la non-indexation passée de leurs salaires sur les prix.
- Merci à Michael Zemmour pour avoir levé ce lièvre sur son compte Bluesky. ↩︎