LA LETTRE DU 23 SEPTEMBRE
Qu’est-ce que le NFP attend pour proposer un « contre-gouvernement » ?
Avec la formation du gouvernement Barnier, une nouvelle page va s’ouvrir. Celle de l’affirmation de son illégitimité démocratique n’est pas tournée et la protestation se poursuivra avec la motion de censure déposée en préalable par la gauche. Mais, déjà, il faut penser à la suite.
Dès ce week-end, Marine Le Pen affirmait se préparer à être l’alternative de ce pouvoir. Les cadors de la droite aussi. Wauquiez, Attal, Philippe, en ne rentrant pas dans le gouvernement, gardent les mains libres et n’entendent pas être comptables du bilan de cet exécutif, pourtant soutenu par les formations qu’ils dirigent.
Et le Nouveau Front populaire ? Pour le moment, c’est encéphalogramme plat. Les idées pour le relancer n’ont pas manqué. Et si on refaisait un parlement populaire avec les partis et les intellectuels ? Et si on permettait les adhésions directes pour permettre de rassembler au-delà des partis ? Et si on créait des collectifs NFP à la base ? Et si on relançait un processus de primaire ? Etc. Ça cherche et ça turbine sans toutefois beaucoup de répondant. À noter que le 1er octobre prochain, plusieurs organisations syndicales, la CGT, la FSU, Solidaires et des organisations de jeunesse appellent à faire grève pour inciter le nouveau gouvernement à revenir sur la contre-réforme des retraites mais aussi pour exiger un autre budget.
Parmi les idées qui ont émergées, il y a celle avancée par Edwy Plenel : constituer un contre-gouvernement du NFP. Edwy Plenel s’inspire d’une tradition anglaise, celle du shadow cabinet. Outre-manche, l’opposition parlementaire, autour de son leader appelé à devenir le futur premier ministre en cas de victoire de son camp, désigne sur tous les sujets de politique publique une personne en charge de suivre l’action du gouvernement en place, d’organiser la réplique et de faire des contre-propositions.
Évidemment, cette idée ne résout pas tous les problèmes (en particulier pas celle d’une candidature unique pour la future présidentielle) et bien sûr la politique n’est pas qu’affaire de politique gouvernementale. Mais elle est une belle idée pour élargir le collectif autour de celle qui fait consensus : Lucie Castets. Cela dissiperait le doute sur la possibilité de gouverner ensemble malgré les différends politiques qui ont toujours parcouru la gauche. Ce point est décisif pour crédibiliser une proposition NFP lors des futures batailles électorales qui nous attendent. Le sursis est pendant.
Désigner des référents-ministrables sur les sujets qui importent au pays et à la gauche permettrait de mobiliser les acteurs dans leur diversité, les syndicats, les associations d’usagers, les ONG… et d’autres encore pour avoir une connaissance affinée des enjeux, des attentes des premiers concernés et formuler des propositions crédibles car largement portées.
Cette idée est intéressante. S’il y a mieux tant mieux. Les partis du NFP pourraient même nous consulter, nous, ses soutiens. On peut encore rêver.
Catherine Tricot
FEMME DU JOUR
Putman, archi-socialiste
Andrée Putman (1925-2013) fut la première femme architecte d’intérieur connue du grand public. Arte lui consacre un documentaire d’une rare intelligence. Il retrace la vie mais surtout le chemin de cette aristocrate musicienne, « socialiste » dans sa pratique dira sa fille. Comme de très nombreux créateurs, elle s’inspire des autres arts (les peintres Andy Warhol et Basquiat furent ses amis). Elle voit ce qui émerge et notamment la beauté des bâtiments industriels qui sont alors abandonnés. Avant-gardiste, elle installe la première son agence dans un espace décloisonné, un loft. Cultivée, elle réédite les meubles des créateurs des années 20-30 qu’elle sort de l’oubli : c’était l’époque où les designers inventent avec l’acier, le bois et le cuir un nouveau style d’objets et de vie. On retiendra ici que, dans les années 70, elle travaille pour Prisunic et redessine un nombre incalculable d’objets du quotidien. Avant Ikea, elle entend proposer « du beau au prix du laid ». Des années plus tard, elle fait une révolution conceptuelle : pour un grand hôtel new-yorkais, elle utilise des matériaux très ordinaires et bon marché, « généralement réservés aux HLM », comme elle le raconte. Et Putman les magnifie par la beauté, la simplicité des dessins et des mises en œuvre. Ce faisant, elle donne de la noblesse à ce quotidien populaire. Le style d’Andrée Putman fut souvent qualifié de « sobre et austère », elle le revendiquait « joyeux et serein ». Comme un programme « socialiste ».
C.T.
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Le dernier épisode du podcast AntiClash sur le thème « Sionisme vs antisionisme – une conversation juive ». Un dialogue entre Daniel Lartichaux-Ullmann de l’association Tsedek! et Alexandre Journo du collectif Golem. Les deux intervenants, tous deux juifs et de gauche, ont accepté de dépasser les clivages et les invectives pour aller au fond des choses en s’écoutant et en partageant leurs convictions et leurs expériences personnelles. Une discussion qui en appelle sans doute d’autres.
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