Taha Bouhafs : une histoire dramatique
Le journaliste Taha Bouhafs ne sera pas candidat aux législatives. Et ce n’est pas sous pression de l’extrême droite, mais à cause de plusieurs accusations pour harcèlement et violences sexuelles.
Cela faisait des jours que la pression montait à l’encontre de Taha Bouhafs, pressenti pour être investi candidat aux législatives par la NUPES à Vénissieux. Des pressions sous forme d’attaques répétées, incessantes même. Avec, le plus souvent, un dénominateur commun : un racisme plus ou moins décomplexé. Et cela venait de toutes parts : de l’extrême droite à la droite en passant par une partie de la gauche. Des critiques qui venaient même de l’intérieur de la NUPES, notamment après que Fabien Roussel a demandé à la France insoumise de « revoir la candidature » de Taha Bouhafs. Le secrétaire national du PCF s’interrogeait sur la pertinence d’une candidature d’un homme condamné en première instance pour injures raciales en septembre 2021. Taha Bouhafs avait, en juin 2020, qualifié la syndicaliste policière Linda Kebbab d’« arabe de service ». Le procès est aujourd’hui en appel.
Voilà comment le journaliste de 25 ans, potentiel candidat aux législatives dans la 14ème circonscription du Rhône, en serait arrivé à retirer sa candidature.
Mardi 10 mai, dans un communiqué, Taha Bouhafs expliquait :
« Tous les jours, une nouvelle calomnie, une nouvelle insulte, une nouvelle menace de mort, une nouvelle accusation. Je n’ai même pas eu l’autorisation de répondre, ne serait-ce que pour défendre ma dignité. Je crois bien avoir acquis la certitude qu’aux yeux de beaucoup, je n’ai pas le droit d’exister politiquement. […] J’ai été soutenu, pas assez pour tenir, mais assez pour être reconnaissant. »
Seulement, en coulisses, c’est une toute autre partition qui se joue.
La veille, lundi 9 mai, Taha Bouhafs est convoqué par la commission antisexisme de la France insoumise. Au moins trois femmes l’accusent de harcèlement et de violences sexuelles, selon les informations de BFMTV et Mediapart. De quoi écarter le jeune homme de la campagne des législatives. Les personnes en question ne souhaiteraient pas porter plainte contre Taha Bouhafs pour empêcher tout risque de récupération politique – d’où qu’elle vienne.
Depuis ces révélations, la France insoumise a réagi dans un communiqué : « Après cette confrontation et avant même la fin de notre procédure interne, Taha Bouhafs a fait le choix de renoncer de lui même à l’investiture pour les élections législatives. Suite à ce retrait, le travail du comité de suivi se poursuit pour accompagner et orienter vers les structures adaptées les femmes qui ont parlé. Il se tient à disposition pour recevoir les éventuels témoignages d’autres femmes. »
Une affaire dramatique à plus d’un titre
Les accusations à l’encontre de Taha Bouhafs pourraient avoir de lourdes conséquences. D’abord pour la France insoumise et pour la gauche dans son ensemble car le journaliste était issu d’une nouvelle génération, celle qui a vu passer #MeToo et qui a su condamné un lourd héritage dissimulé de domination, de violences sexistes et sexuelles.
Mais il aura aussi des conséquences pour les habitants et les habitantes des quartiers populaires pour lesquels Taha Bouhafs était devenu un symbole important. Une vraie colère s’était exprimée dans ces quartiers et qui avait trouvé un débouché dans le vote Mélenchon. Or ce sont eux-mêmes qui s’estiment désormais peu représentés par les investitures aux législatives.
Enfin il y a un autre enjeu : celui de dépersonnaliser les luttes. Elles ne peuvent se résumer à une seule incarnation. Elles doivent être collectives. Et ce d’autant plus que même les nouvelles générations semblent, hélas, avoir du mal à ne pas suivre les pas de leurs prédécesseurs en matière de racisme comme en matière de violences sexistes et sexuelles.