Regards croisés sur les meetings de Roussel et Mélenchon

ap_regard_gennevilliers_mai_3parutions_490x350_ok-3-2.png

Nous nous sommes rendu aux deux rassemblements et une chose est certaine : les militants rencontrés croient en leur capacité à faire gagner la gauche.

Il y a dix jour de cela, les 1800 places du Cirque d’Hiver étaient occupées par de nombreux militants communistes au meeting proposé par Fabien Roussel. L’organisation annonce 5000 personnes au total, avec les militants amassés à l’extérieur.

 

LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>>
Mélenchon-Roussel : aujourd’hui prépare demain

 

Le discours portait sur la paix. « Stop à la guerre », a fait clamer plusieurs fois Fabien Roussel. « Par les temps de guerres qui court, il faut savoir que le parti a toujours été pacifiste, parce que l’humain d’abord. Nous sommes les seuls à dire « non à la guerre », en se positionnant clairement pour ne pas envoyer d’armes en Ukraine », nous confie Michel engagé depuis 40 ans dans le parti. « J’étais pour une candidature unique de la gauche, mais plus la campagne avance, plus je vois bien qu’il existe trop de divergences avec la France insoumise, le Parti socialiste ou Europe Écologie-Les Verts. Je voterai pour Fabien Roussel sans états d’âmes. » Selon Emmanuelle, militante de toujours, « on a un super candidat du PCF qui nous redonne de l’enthousiasme à militer pour un changement radical. Cette proposition de sécurité-emploi-formation fait notre originalité, on la trouve nulle par ailleurs. Le mix énergétique aussi, nous ne pouvons pas nous passer du nucléaire, d’abord car c’est une énergie décarbonée, et aujourd’hui des ingénieurs travaillent sur la sécurisation des centrales et des déchets. Ils n’ont pas assez de moyen, il faut donc investir dans la recherche. Toutes les énergies renouvelables sont également indispensables. »

Même au meeting de Roussel, on pense au vote utile

Selon le responsable de la Nouvelle Gauche Socialiste, Liêm Hoang-Ngoc : « Fabien Roussel est le seul candidat permettant de rassembler ce qui reste de la gauche républicaine, une gauche attachée au socialisme et à l’universalisme. » Pour lui la gauche officielle – il fait référence selon ses mots « à la gauche bobo, la gauche wokiste, intersectionnaliste, une gauche des minorités qui n’est pas la gauche des classes salariales » – est incapable de proposer cela : « Nous avons testé Mélenchon, et on s’est rendu compte que LFI est un mouvement gazeux, qui n’est pas sérieux sur le fond, en adoptant des postures tacticiennes tous les quatre matins. À la tête des insoumis, il y a quelqu’un qui est incapable de tenir des accords politiques et de discuter collectivement avec des partenaires. Même s’ils font un bon score, cela va bloquer la reconstruction de la gauche. Il faut qu’on travaille à une recomposition d’une gauche au sein de laquelle, le pôle marxiste et universaliste regagne du terrain. »

Au fond de la salle, Louise et Emma sont venues observer le rassemblement. Étudiantes en sciences politiques, elles travaillent sur la campagne : « Nous remarquons beaucoup d’énergie, il parle d’actualité, son point de vue sur la guerre en Ukraine nous intéresse. Après, nous voterons en fonction des sondages, pour le candidat le mieux placé à gauche, même s’il correspond pas totalement à nos convictions – et peut-être que derrière, un gouvernement d’union se mettra en place. C’est plaisant de voir que Fabien Roussel s’adresse directement aux classes populaires, par rapport au PS ou aux écolos qui s’adressent d’avantages à des classes bourgeoises. Finalement, on aurait bien aimé un grand rassemblement de la gauche, il n’y a pas eu de dynamique derrière la primaire populaire alors que l’idée était intéressante. Dans l’histoire, il y a déjà eu des alliances entre le PCF et la SFIO, donc nous nous attendions à ce que les egos soient mis de côté. Il y a des valeurs contre l’extreme droite à défendre. »

Hier, dans les rues de Paris, pour la grande marche de l’union populaire, le célèbre chant des gilets jaunes était de sortie : « On est là, on est là… même si Macron ne veut pas, nous on est là… » Dans la foule, beaucoup de militants étaient de ceux qui occupaient les ronds-points en 2019. « C’est certain qu’il y a un lien entre le mouvement insoumis et celui des gilets jaunes, même s’ils demeurent très composites »,nous confie, au milieu d’une foule de journalistes, Jean-Luc Mélenchon. L’objectif est clair : transformer le chef de file de la France insoumise en un candidat rassembleur de la gauche et des mouvements sociaux. « C’est le chant du peuple, il est donc naturellement très bien porté par l’Union populaire », témoigne une militante. Pour elle, le mouvement s’élargit de plus en plus. Elle voit des gens n’ayant jamais voté se reconnaitre dans les propositions portées, l’augmentation du SMIC à 1400 euros net en tête. « On va gagner ! », scande la foule au son d’une fanfare.

La possibilité de la victoire de Mélenchon dans la tête de ses supporters

Et ce dimanche, des personnes diverses socialement sont venues avec une terrible envie d’y croire. Pour Ameline, « deux choses l’une, vu que le plus probable est que Macron gagne, alors autant que Mélenchon soit le plus fort possible. Cela nous permettrait de déplacer le curseur vers des sujets qui sont importants pour nous. » Denis, fils de peintre en bâtiment, déclare appartenir à la classe populaire . Il nous dit être écoeuré par le niveau d’inégalités dans notre société. « En 1945, le pays était ruiné et pourtant, nous avons réussi à inventer la Sécurité sociale. N’allez pas me dire qu’aujourd’hui, avec un PIB de 2400 milliard d’euros en constante augmentation, nous ne pouvons rien faire », s’agace-t-il. À noter que le PIB augmente forcément lorsque le nombre d’habitants augmente. Néanmoins, lorsque l’on regarde l’évolution du PIB par tête, la croissance est bien continue à l’exception des crises de 2008 et de 2020.

Si la mobilisation était aussi diverse, c’est grâce à une capacité d’auto-organisation notable du mouvement. Gwennaelle, cheffe de file dans le deuxième circonscription de la Meuse, avait mobilisé les troupes dès 6h du matin pour le déplacement en car. Le meeting était davantage celui de diverses mouvements ayant convergé place de la République, que le rendez vous d’un microcosme parisien. Pierre, 79 ans, est venu de Thionville : « Je suis arrière grand-père et je veux un avenir pour mes petits-enfants. J’aimerais voir plus de jeunes. Je pense qu’ils ont du mal à envisager un avenir. C’est pour cela que je suis là : je suis là pour eux. »

Dans les meetings, une gauche qui a la niaque

Pour cette marche, tout était dans le symbole. Jean-Luc Mélenchon s’est placé en futur leader de la République : « Vive la France et surtout vive la République », répète-t-il à chaque fin de discours. Nous avons également croisé de nombreux militants déguisés en tortue, signe de ce désir de second tour : « C’est devenu un symbole populaire, les gens s’en emparent. Aujourd’hui, c’est clair : il y a un projet de pillage social du pays. Mais nous avons un contre-projet à proposer. Il nous reste 21 jours et nous sommes confiants sur le fait que nos idées infusent peu à peu », atteste le député européen et directeur de campagne Manuel Bompard.

Pour le député LFI Alexis Corbière, la République repose sur l’école : « Quand je vois ce projet d’autonomie des établissements, dans une logique concurrentiel de publication des résultats, je sais que cela va être une catastrophe pour les classes populaires ». Mais c’est notre discussion avec la députée européenne LFI Manon Aubry qui donne le la : « Il va y avoir un double phénomène dans les trois semaines à venir : celui de ne pas vouloir que Le Pen accède au second tour et celui de s’opposer à Macron. Nous répondons à ces deux volontés : c’est cela notre force. »

Que ce soit au meeting de Roussel ou à celui de Mélenchon, une conclusion s’impose : une certaine gauche retrouve de sa fougue. Elle porte derrière elle des militants à nouveau motivés par l’enjeu. Et maintenant que l’on connait le programme d’Emmanuel Macron, ces mobilisations ont le mérite de faire naître de l’espoir pour ceux qui ne veulent voir les droits sociaux encore s’amenuiser. Rendez-vous le 10 avril prochain.

 

Clément Gros

 

ap_regard_gennevilliers_mai_3parutions_490x350_ok-3-2.png

Partager cet article

Actus récentes

Abonnez-vous
à notre NEWSLETTER
quotidienne et gratuite

Laissez un commentaire