TRIBUNE. Face au dictateur égyptien, en finir avec la compromission

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Le forum de lutte mondiale contre le terrorisme, dont est membre l’Union européenne, s’apprête à confier l’organisation de son prochain forum international à l’Egypte du Maréchal Al Sissi. En s’appuyant sur l’actualité ukrainienne, Mounir Satouri, député européen EELV et directeur de la campagne de Yannick Jadot, déplore cette compromission des dirigeants européens, Emmanuel Macron en tête, vis-à-vis du dictateur égyptien.

Nous pouvons d’ores et déjà retenir une grande leçon de la guerre en Ukraine: toute complaisance vis-à-vis des régimes autoritaires est inutile. Dictateurs et autocrates ne comprennent que le rapport de force. Avec eux, et si le dialogue est toujours nécessaire, les mains tendues avec trop de naïveté reviennent brutalement à la face des démocrates. 

 

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Les dirigeants de l’Union européenne feraient bien de s’en souvenir, alors qu’ils s’apprêtent en coulisse à confier, à la fin du mois de mars, à l’Égypte la coprésidence du Forum mondial de lutte contre le terrorisme à leurs côtés. Associer une grande puissance arabe dans ce domaine peut sembler être une bonne intention. Mais cela reviendrait à donner un blanc-seing à un pays qui instrumentalise ce combat légitime pour bafouer les droits humains. Quelles bonnes pratiques l’Égypte aurait-elle à partager en la matière, elle qui a détourné l’Opération française Sirli de la lutte contre le terrorisme pour abattre de simples contrebandiers ?

Depuis 2014 et l’accession au pouvoir du maréchal Abdel Fatah al-Sissi par un coup d’État  militaire, l’Égypte n’a fait que s’enfoncer dans une crise des droits humains. On compte 60.000 prisonniers politiques dans le pays, soit l’équivalent d’une ville comme Lorient ou Montauban. Des innocents, y compris des défenseurs des droits humains, des journalistes et des avocats, qui sont souvent incarcérés arbitrairement sur la base de fausses accusations de terrorisme, pratique devenue un mode de répression systémique pour le régime égyptien.

Des incarcérations arbitraires

Parmi eux, figure Alaa Abdel Fattah, icône de la révolution de 2011 et tombeur du régime de Moubarak. Après avoir passé plusieurs années en prison depuis 2013, ce bloggeur démocrate a été inscrit sur la liste terroriste par les autorités égyptiennes en 2020. Il vient d’être condamné à 5 ans de prisons aux côtés de son avocat Mohamed Al-Baqer et d’un autre bloggeur, Mohamed « Oxygen » Ibrahim.

Les étudiants sont particulièrement visés par ces fausses accusations, comme Ahmed Samir Santawy, étudiant à Vienne, spécialiste des droits sexuels, kidnappé, torturé et condamné sans preuve pour des accusations liées au terrorisme.

Patrick Zaki, étudiant à Bologne interpellé en février 2020 au Caire alors qu’il rendait visite à sa famille, a quant à lui été libéré en décembre 2021, après une formidable mobilisation de son pays d’accueil. Il faut dire que l’Italie demeure traumatisée depuis 2016 par le meurtre barbare de l’étudiant Giulio Regeni par les forces de sécurité égyptienne, alors qu’il travaillait sa thèse sur les syndicats en Égypte.

La compromission d’Emmanuel Macron

En France, l’indignation face à cette dérive dictatoriale tarde à se faire entendre. Alors qu’il préside le Conseil de l’Union européenne, Emmanuel Macron est prêt à s’asseoir sur les valeurs humanistes françaises pour pactiser avec le maréchal. Rappelons que ce dernier est un des principaux acheteurs d’armes françaises. Un véritable pacte militaro-industriel, qui permet à peine au gouvernement français d’obtenir ne serait-ce que des libérations symboliques, comme celle de l’activiste Ramy Shaath, marié à une française. Derrière ces rares bonnes nouvelles, la situation se dégrade en Égypte sur le front des libertés, alors que les dirigeants européens continuent de dérouler le tapis rouge au dictateur égyptien.

La coprésidence par l’Union européenne du Forum mondial de lutte contre le terrorisme en partenariat avec l’Égypte serait un nouveau degré de compromission, en particulier venant de l’Union elle-même. Une manière de conforter le mensonge sur lequel s’appuie le régime pour réprimer toutes celles et ceux qui élèvent la voix. Une véritable gifle envoyée aux dizaines de milliers de personnes emprisonnées, tuées et torturées pour faire vivre les droits humains dans ce pays creuset des civilisations, souvent surnommé avec fierté Oum El Dounia, « la mère du monde ».

 

Mounir Satouri, député au Parlement européen (EELV), membre de la commission Sécurité et défense, directeur de campagne de Yannick Jadot

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