Retraites : prêt à tout pour défendre la réforme, un éditorialiste de BFM s’inspire de… Pétain
Une pensée pour Ambroize Croizat. Une de plus…
Parfois, il vaut mieux rester dans son domaine de compétence, plutôt que de s’aventurer loin de sa zone de confort. C’est ce que n’a pas fait Emmanuel Lechypre, éditorialiste à BFMTV Business.
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Le voilà sur le plateau de BFM, mardi 7 février, face au patron de la CGT Philippe Martinez. Et l’expert entend déployer l’argument le plus simpliste – et le plus fallacieux ? – afin de justifier la réforme des retraites : celui de la démographie. Pour la faire courte, il y a de plus en plus de vieux donc, de facto, de plus en plus de retraités et ça, ça va forcément coûter plus cher, donc il faut travailler plus pour cotiser plus.
Et Emmanuel Lechypre de se lancer :
« Je vous lis ce qu’il y écrit dans la loi du 14 mars 1941, la loi sur la répartition, sur l’équilibre démographique […] : « Lorsque le nombre des retraités croît avec l’élévation de l’âge moyen de la population, le service massif des pensions impose un fardeau insupportable aux éléments productifs ». On se posait déjà la question de se dire… »
❗️🚨Not a fake : sur BFM, le régime de Vichy comme référence
Le journaliste Emmanuel Lechypre (@Manu_Lechypre) évoque un texte de 1941 pour défendre la réforme des retraites face à Philippe Martinez
Le plateau estomaqué !
Sa collègue @AureCasse : « Parce que 41 là, Emmanuel ! » pic.twitter.com/juSZTXsO0c— Charlies Ingalls Le Vrai 🤠🐑🐄🐔🐎🤓 (@CharliesIngalls) February 7, 2023
« Fardeau insupportable » versus « éléments productifs », mais rien ne choque Emmanuel Lechypre dans le vocabulaire employé. Hélas, son développement n’ira pas plus loin. Tout le monde sur le plateau a tiqué, dès le début de l’intervention, sur ce qui ne va pas. Pas du tout. Philippe Martinez s’étonne : « En 41… Vous avez le droit de prendre des références de Vichy… » Gros malaise en direct à la télé. Regards dépités de la journaliste Aurélie Casse, qui tente d’ouvrir une issue de secours : « Parce que 41 là, Emmanuel ! » Mais Emmanuel Lechypre ne compte pas laisser tomber sa remarque. Il lâche juste un petit « Je vérifierai ».
Vérifier quoi ?
Admettons qu’il faille être historien pour savoir qu’en 1941, la France est bien sous gouvernance du maréchal Pétain. En l’occurrence, Emmanuel Lechypre aurait pu s’étonner de quelques indices, quand il cite le journal officiel de « l’État français » du 15 mars 1941, où l’on peut lire le « rapport au maréchal de France, chef de l’État français », fait à « Vichy, le 14 mars 1941 ». Rapport signé par le secrétaire d’État au Travail René Belin. Que dire quand, plus loin dans ce document, on apprend que « sont étendues aux territoires relevant du secrétariat d’État aux colonies les dispositions du décret du 26 décembre 1940, pris pour l’application de la loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs ». On continue de vérifier ?
C’est quand même dommage, de choisir 1941 comme référence, parce qu’en 1945, dans ses « mesures à appliquer dès la libération du territoire », le CNR était pour le moins inspirant lorsqu’il évoquait « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ». Une tout autre référence… mais ce n’est pas la première fois que la Macronie fait se retourner Ambroise Croizat dans sa tombe.
Et sinon, pour revenir sur l’argument de la démographie, on peut toujours lire l’interview du démographe Hervé Le Bras, dans Le Monde, qui est sûrement plus pertinent qu’un pétainiste du siècle passé : « Quand on combine les deux volets, mortalité et immigration, en tenant compte de la situation réelle et non d’hypothèses ad hoc irréalistes, le problème du déficit des retraites disparaît quasiment, du moins à l’horizon 2030. »