Saint-Valentin : l’amour n’est pas mort
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Les passions et les affres de l’amour, sous toutes leurs formes : c’est cela que l’on devrait célébrer tous les 14 février.
Il n’a jamais été clair si Marcel Proust croyait véritablement à l’amour ou plutôt s’il croyait à l’amour véritable. Au fond, il devait penser que l’amour était de ces choses dont on s’est toujours mépris sur l’objet : on imagine aimer un être de chair et d’esprit quand c’est le paysage, les odeurs alentour, les mets que l’on goûte, les musiques des à l’entour ou les fantasmes qu’on en retire qui font que l’on en tombe en pâmoison.
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C’est au nom de cette multiplicité des atours de l’amour, de ces circonvolutions qui le définissent mieux en creux qu’en absolu, que l’on est légitime à en faire évoluer constamment la définition. L’amour, ce n’est pas comme tendent à nous le dire nos contes et légendes, trop de nos histoires et représentations, un homme et une femme dont, comme pour Tristan et Iseult, les ronces relient les tombes. La vision monolithique du couple, imprégnée de culture chrétienne, subit les assauts précieux de toutes celles et tous ceux qui veulent interroger – quand ce n’est pas détruire – les normes instaurées et construites.
Mieux : de la possibilité du divorce au polyamour, la nécessité de l’engagement mutuel et éternel de deux individus est aussi remise en cause. Dans sa contractualisation à tout le moins. Pour autant, il est une constante qui remonte au moins aux mythes grecs : la jalousie. Tourment par excellence de l’être amoureux, elle génère autant de passions contradictoires que de douleurs aiguës. Chez Proust, on dirait même qu’elle est un paramètre de l’amour : sans elle, les relations ne seraient que des objets inertes et monotones dont la plénitude résiderait dans l’absence totale de mouvement.
Or, dans la Recherche, la jalousie est une potentialité, un rapport en puissance à une réalité que l’esprit des femmes et des hommes refaçonne à leur convenance et sans forcément que la vérité leur importe. La jalousie, en quelque sorte, sublime l’amour par l’invention – et elle en devient un moteur nécessaire. Évidemment, une telle affirmation va à l’encontre d’une doxa qui voudrait en faire l’un des sept pêchés capitaux. L’amour échappe, l’amour s’échappe. Même si certains le tentent, il ne peut être tout entier ancré dans la raison ou même, disons-le, dans le bonheur. Sinon, il serait aussi ennuyeux que son corollaire, le mariage.
La société actuelle, produit de son histoire, pose un cadre, propose des limites et instaure des tabous. Il ne s’agit pas de les remettre tous en question – et heureusement ! – mais se situer dans les limbes et les périphéries est toujours plus beau que tout regarder depuis un centre inerte. Lorsque l’on célèbre la Saint-Valentin, tous les 14 février, au-delà du caractère profondément mercantile de cette tradition très récente, la tendance est toujours à l’exaltation de ce centre. Si quelques-uns et unes, autrefois exclus, sont aujourd’hui largement intégrés dans ce centre faussement élargi par la communication débridée de superstructures oppressantes, ne nous laissons pas avoir : il existe toujours des ailleurs qui sont bien plus puissants et réjouissants.
Pablo Pillaud-Vivien