Rupture

L’époque n’est pas celle des idées ressassées. Donald Trump a vassalisé l’Europe, le monde change vitesse grand V et la Macronie s’enfonce. La crise qui s’annonce est profonde. La gauche doit en prendre la mesure, faute de quoi elle décevra et préparera le lit au pire.
En polarisant tout sur le montant de la dette, François Bayrou joue un très mauvais tour aux forces politiques qui, peu ou prou, l’entourent. Cette approche offre un miroir profondément déformé de ce qui se joue dans les consciences et dans le réel. Cela ne permet absolument pas d’élaborer une réponse qui dénoue un tant soit peu la crise politique et les crises, plus globalement.
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Cette approche par le budget et le montant de la dette peut laisser croire que nous naviguons en eaux connues. Les acteurs politiques s’autorisent dès lors à reprendre leur jeu de rôle. Les haines recuites et les ambitions personnelles pathétiques s’exposent sans honte. Nicolas Sarkozy, qui mouline les deux, a offert, hier, son grand jeu. Détestant François Bayrou, en voulant à Emmanuel Macron, il n’encourage pas les députés LR à voter la confiance pour cette alliance des macronistes et des LR qu’il réclamait pourtant depuis 2022. Il en appelle désormais à la dissolution mais sans autre idée. Son propos trouve échos dans ceux de Laurent Wauquiez ou du président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand. Bruno Retailleau paraît bien isolé dans le soutien, mesuré, à ce gouvernement qui lui a offert son heure de gloire. Ce qui était né au cours d’une rencontre de fin de journée entre chefs de partis de droite, sans programme aucun, va donc s’éteindre : il n’y a plus de « socle commun ». Dislocation générale. Fin.
Donc Emmanuel Macron cherche une solution pour reconstruire son Légo tout cassé. Il se tourne désormais vers les socialistes. Sur LCI, Olivier Faure a affirmé ne pas vouloir de confusion. Récusant tout gouvernement d’union nationale, il promet de gouverner texte par texte, sans 49.3 et donc avec l’Assemblée nationale telle qu’elle est. Tout ceci est raisonnable et certainement une des solutions en l’état. Cela ressemble à l’exigence portée naguère de voir Lucie Castet nommée à Matignon. Mais c’est ainsi : après l’heure, c’est trop tard. Nous ne sommes plus en juillet 2024. Ce ne sont pas quelques milliards de plus dans la dette nationale qui ont changé la donne. C’est tout le reste. Ce reste qui pourtant détermine notre futur bien davantage que les pouillèmes de variation des taux d’intérêt sur les marchés financiers.
Une révolution mondiale est à l’œuvre, rapide. Et, nous, on compterait les milliards ? Le problème n’est pas tant d’appliquer « tout le programme, rien que le programme du NFP » que de prendre la mesure des temps nouveaux et d’y répondre. Il faut une proposition politique qui tente de se hisser à cette hauteur.
On a dans notre rétine les images d’allégeance des gars de la tech, multi-multi milliardaires, libertariens le plus souvent, venus s’incliner lors de la nomination de Donald Trump. On se souvient de l’humiliation infligée par J. D. Vance à Volodymyr Zelensky puis à tous les Européens lors de son passage à Munich, du soutien à la néo-nazi allemande de l’AfD et aux raciste violents anglais.
On sait désormais que, d’Europe puissance, il n’y a pas. Couchée devant les exigences commerciales américaines ; peureuse et obséquieuse devant Trump ; incapable de penser la fin du libre-échange et de s’opposer aux coups de butoirs américains contre une idée du multiléralisme. On voit le Sud s’affirmer, émerger politiquement et nous sommes partagés entre un soulagement – enfin l’Occident ne peut plus imposer sa loi – et consternés par cette brochette de dirigeants plus autoritaires et nationalistes les uns que les autres.
Notre France n’est pas en reste. Grotesque face à l’Algérie et dilatoire devant le génocide en cours à Gaza. On sait définitivement que le réchauffement climatique est là ; que le vivant et menacé. On a découvert cet été que 211 milliards sont donnés sans contrôle public aux entreprises. On sait que nos enfants ne vont pas bien et que les lendemains les hantent.
Tous ces événements ont eu lieu. Et, on sait, une révolution mondiale est à l’œuvre, rapide. Et, nous, on compterait les milliards ? Le problème n’est pas tant d’appliquer « tout le programme, rien que le programme du NFP » que de prendre la mesure des temps nouveaux et d’y répondre. Il faut une proposition politique qui tente de se hisser à cette hauteur. Qui ne violente pas la société mais qui ne la sous-estime pas non plus.
Il faut un grand débat politique, donc il faut du temps. Dissolution rapide, démission surprise : non. Les seules initiatives politiques qui vaillent doivent se fixer cet horizon, assurément révolutionnaire. La recherche du compromis avec l’Assemblée actuelle ne peut que déboucher sur de pauvres politiques. Aller au gouvernement ? Seulement si cela aide à parler, agir, décanter, ouvrir des chemins… au risque de ne durer qu’un temps resserré mais qui permettrait d’éclairer. Tout le reste ne serait que médiocrité, balayé et oublié. Une déception de plus nous mènerait plus loin vers le pire.