Retailleau et les « barbares » : la France ne sait pas faire la fête

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Entre un État qui gère tout par le prisme sécuritaire, l’absence d’organisation et des supporters très homogènes, le football français ne trouve pas de voie vers la célébration heureuse.

Les finales de la Ligue des champions à Paris se suivent et se ressemblent. Il y a eu l’énorme fiasco répressif de 2022 au Stade de France, voilà désormais l’incapacité d’organiser une victoire française. Score final de la rencontre PSG-Inter Milan : plus de 500 arrestations, des scènes de casse et de violence, des blessés et au moins une morte… Qui aurait pu prédire que la victoire du PSG en finale de coupe d’Europe finirait ainsi ? Pas l’État, visiblement.


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Imaginez un club français gagnant le trophée le plus prestigieux du football européen – il n’y a que Marseille qui l’avait accompli en 1993. L’euphorie serait forcément immense, mais les autorités n’ont pas voulu l’accompagner. Il aurait fallu préparer un peu partout des « fan zones », pour que tout le monde puisse se retrouver. Au lieu de ça, le tandem Beauvau/préfecture a barricadé Paris. Le résultat est sans surprise : alors que des dizaines de milliers de supporters du PSG convergeaient vers la capitale pour fêter le Saint des Saints, une part d’opportunistes ont cru bon de venir saccager. Une violence également dû à cette impréparation des autorités : on ne vient pas en famille, avec les enfants et les plus âgés. Paris était bondé, mais d’une seule composante : les hommes. C’est une part non négligeable du problème. Pis, la politique sécuritaire mise en place n’a fait qu’attiser la tension. On n’empêche pas la foule de venir exploser de joie avec des barricades et des cordons de CRS. On n’invite pas les gens à descendre faire la fête avec des mises en garde, par la voix du ministre de l’intérieur, contre les « exactions », insistant sur « la fermeté de la réponse sécuritaire ».

L’austère ministre de l’intérieur avait pour mission d’encadrer la fête, de la rendre possible, paisible et heureuse. Avec un tel maître de cérémonie, ça ne pouvait pas bien se passer.

Tout se passe comme s’il n’y avait qu’une seule façon de gérer la foule : la violence et l’intimidation. Cela vaut pour le football comme pour les manifestations. Bruno Retailleau se moque que ces centaines de milliers de Français soient heureux et désirent faire la fête, lui ne jure que par l’ordre, avec une obsession identitaire.

Dans un pays normal, Paris aurait été une fête. Ici, les forces de l’ordre ne font pas partie de la population. Quand le PSG gagne, les policiers sont réduits à se comporter comme des robots, sans âme ni passion. On a vu ces jeunes venir taper sur le capot d’une voiture de fonctionnaires, chantant leur bonheur. Ils n’ont eu pour réponse que de la lacrymo dans les yeux. On a vu ces personnes voulant envahir l’espace public de leur joie, ils n’ont eu comme réponse que de la violence et des interdictions.

Dans un pays normal, l’État encadre une telle célébration. Ici, il a fallu que le club bataille avec la préfecture pour avoir le droit de défiler, en cas de victoire, sur les Champs-Élysées. L’autorisation n’a été délivrée que 48h avant le match. Bruno Retailleau n’a évoqué l’événement parisien qu’en des termes durs et martiaux, comme si l’on se préparait à la victoire du FC Black-Block. Le défilé du bus des joueurs a été un moment sûrement vibrant pour les 100 000 personnes qui l’ont vécu, mais pour le ministre, une fête du football est un attroupement de « barbares […] venus commettre des délits et provoquer les forces de l’ordre ». On tremble de l’imaginer en poste en 1998, à l’heure du « black-blanc-beur »…

Tout se passe comme s’il n’y avait qu’une seule façon de gérer la foule : la violence et l’intimidation. Cela vaut pour le football comme pour les manifestations. Bruno Retailleau se moque que ces centaines de milliers de Français soient heureux et désirent faire la fête, lui ne jure que par l’ordre, avec une obsession identitaire. Quand il dit « les barbares », tout le monde entend les arabes et les noirs. Il n’a même plus besoin de le dire tellement il a matraqué son discours de division et de détestation pour les jeunes hommes des cités populaires. Et son acolyte de la justice, par peur de perdre une place dans la course à l’échalote présidentielle, est venu mettre son grain de sel : Gérald Darmanin trouve que les auteurs de violence qui ont été jugés en comparution immédiate – et dont les casiers sont vierges – ne sont pas assez sévèrement punis, qu’il faut arrêter avec le sursis et qu’il faut durcir les lois. Durcir, durcir, durcir. Ou quand la réponse politique se fait tout aussi mascu que le problème prétendument visé.

Une fête réservée, de part sa non-organisation, aux hommes, une poignée d’opportunistes qui profitent d’un rassemblement massif pour foutre la pagaille et piller et un ministre de l’intérieur bien décidé à mettre leurs actes en lumière, le résultat est minable : la France demeure dans l’incapacité d’accompagner des fêtes populaires spontanées. Chez nos voisins, la question ne se pose même pas. Ils étaient plus de 600 000 personnes à Barcelone pour fêter les titres du club de la capitale catalane : à peine une dizaine d’arrestations. Et du bonheur à l’état pur.

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