Paris 2024, ce qui va foirer : les expulsions d’étudiants et de SDF
POST-MACRON. Qu’est-ce qui nous attend à Paris, en 2024 ? C’est ce qu’on va tenter d’anticiper lors de cette mini-série. Et on commence avec un premier épisode : déblayer le terrain.
Atlanta 96, Sydney 2000, Athènes 2004, Pékin 2008, Londres 2012, Rio 2016, Tokyo 2020… Tous les quatre ans, une mégapole se fade l’organisation des Jeux. Et chaque édition vient avec son lot de polémiques, de scandales et s’en va en laissant derrière elle un sentiment plus ou moins amer, du chaos économique à la corruption, en passant par l’impréparation des villes ou la construction d’infrastructures démesurées pour quelques jours d’usage.
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Mais avant toute chose, il faut faire le ménage. Tout a commencé en douceur. En mars, dans Le Monde, on lit ce qui suit : « Inciter les Franciliens au télétravail ou à quitter la région. « L’idée n’est pas de leur faire peur, assure Laurent Probst, [directeur général d’Ile-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice des transports en Île-de-France, ndlr] mais de leur dire d’éviter certains endroits à certaines heures. » Une chose est certaine : pour que tout se passe bien, il faudra que la demande habituelle de transports baisse. Donc faire en sorte que les Franciliens télétravaillent, décalent leurs horaires, ou partent en vacances. »
Tiens, on n’y avait pas pensé spontanément. C’est vrai que les JO devraient rameuter jusqu’à 500 000 personnes par jour dans nos bonnes vieilles rames de métro – elles en transportent habituellement plus de 4 millions quotidiennement.
Ah, on imagine déjà la joie de prendre la ligne 13 pour se rendre sur le site olympique !
Ainsi donc, il faudrait faire de la place dans les transports à l’été 2024. Télétravailler, ou carrément quitter la région. Décaler nos horaires ou partir en vacances. Comme si nous étions tous des jeunes cadres dynamiques au service de la start-up nation. Mais après tout c’est vrai, pourquoi est-ce qu’on s’emm**** chaque jour que les dieux font pour aller au travail alors qu’on pourrait être à la plage avec un ordi ?
Hélas, comme mentionné plus haut, tout ceci n’était que le commencement « en douceur ». Car tout ce beau monde qui s’entasse dans un réseau RATP flambant neuf (ironie), il faut bien le loger. Et là, c’est un peu le même raisonnement, comme on pouvait lire encore sur Le Monde, en mai cette fois-ci : « Les étudiants locataires dans des résidences du Crous en région Île-de-France ont été informés qu’ils devront mettre à disposition leurs logements durant les mois de juillet et août 2024 pour l’accueil des volontaires et des partenaires mobilisés à l’occasion des Jeux ».
Formidable.
Et côté Crous, on assume tranquillement :
Les #JO2024 constituent un évènement exceptionnel pour notre pays. Les Crous, comme l’ensemble des acteurs publics, seront au rendez-vous pour assurer leur réussite
— Les Crous (@Cnous_LesCrous) May 11, 2023
On parle des JO ou de la Troisième guerre mondiale ? Ils vont avoir la légion d’honneur pour avoir mis des étudiants à la porte ?
Censé nous rassurer, le Crous explique que « les étudiants souhaitant rester en Ile-de-France durant la période pourront être relogés ». Pourquoi alors, s’il y a un autre logement pour y mettre l’étudiant X, ne pas le laisser chez lui et loger la personne Y qui vient juste pour les JO dans cet autre logement ?
Ne répondez pas à cette question. En réalité, il faut juste évacuer la zone. Étudiant au Crous ou pas. En effet, quelques jours plus tard, on apprend que le gouvernement souhaite « inciter »[[Les journalistes qui reprennent cet élément de langage sordide, ça va chez vous ?]] les sans-abri à quitter la région parisienne. Et il y a même un ordre de priorité parmi les SDF : les migrants d’abord.
La classe.
Qu’on s’entende bien, quand le gouvernement veut vous inciter à faire quelque chose, ça n’est pas avec une tape sur l’épaule et un café-crème offert. Les migrants de Calais et d’ailleurs pourraient en témoigner – lisez ceci, cela, ça ou encore cet article-ci –, mais tout le monde s’en fout.
Une évacuation dans les règles de l’art olympique donc : à l’arrache. Avec tous les problèmes locaux que cela sous-tend, car in fine ce sont les autorités et élus de terrain qui vont se coltiner la bagatelle. À Pékin et à Rio déjà, les gouvernements avaient procédé à ce genre d’expulsions massives. Il ne faudrait surtout pas entacher la photo-souvenir.
Emmanuel Macron avait promis « d’ici la fin de l’année » 2017 qu’il n’y aurait plus de femmes et d’hommes dans les rues – c’était avant de découvrir que son pouvoir magique était de multiplier les billets de banque des milliardaires ; Emmanuel Macron avait utilisé la misère des sans-abri pour un coup de com’ juste après avoir baisser les aides au logement…
Emmanuel Macron fera ce qu’il fait depuis le début pour que ces JO soient marqués de son sceau jupitérien. Ego or not ego ?
Les JO sont, pour la classe dirigeante, l’occasion de faire fructifier les deux choses qui ont de la valeur à leurs yeux : l’argent et la notoriété. Le sport n’est qu’un prétexte. Difficile, dans ce contexte, de penser des « JO de gauche ». Le Brésil de Lula/Rousseff est un exemple terrible de corruption, de violence et de mise à la marge des populations. Tenter de faire oublier ces conséquences en arguant la fierté, la joie et la communion engendrées par le sport est une manipulation perfide.
Les Jeux, événement populaire s’il en est, se feront en 2024 une fois de plus sur le dos des plus faibles, des plus mal-lotis. Ces évacuations ne sont que le premier coup de balai. Les constructions d’infrastructures par des sans-papiers, les ventes de billets sans queue ni tête et à des tarifs exorbitants, le réseau de transports pas franchement prêt pour l’événement, la folie sécuritaire qui se prépare… La suite sur regards.fr, d’ici quelques jours.