Nouvelle-Calédonie : il est encore temps d’éviter le pire
Les affrontements en Nouvelle-Calédonie s’aggravent et prennent un tour dangereux, celui d’une possible guerre civile.
Emmanuel Macron vient de décréter l’état d’urgence, de sortir les chars et il expérimente les outils de répression contemporains. Déjà envisagé lors des émeutes à la suite de la mort de Nahel à l’été 2023, le gouvernement coupe TikTok, croyant empêcher les jeunes de se parler entre eux. La gravité de la situation, qui a déjà fait quatre morts, imposent des mesures fortes susceptibles de désamorcer la tension. Dire cela et ne rien dire, c’est la même chose. Quelles mesures fortes ?
Bien qu’utiles, les visios réunissant de part et d’autre de l’écran le Président avec les parties prenantes de Nouvelle-Calédonie, d’une part, et d’autre part les partis présents à l’Assemblée nationale, n’en font évidemment pas partie. Les accompagner d’ultimatum du type « mettez-vous d’accord en deux semaines sinon ce sera l’exécution du plan qui met le feu actuellement » est totalement contre-productif.
En revanche, il serait nécessaire de faire un pas en arrière par rapport à ce qui avait été vécu comme de l’autoritarisme en 2020 lorsqu’en période de covid – et malgré la demande des indépendantistes – avait été maintenu le troisième et dernier référendum d’indépendance. Faire également un grand pas en arrière par rapport à la provocation de maintenir le vote d’une réforme du corps électoral entraînant le recul des Kanak parmi les électeurs1. Ces actes forts, eux, peuvent faire redescendre la pression et rendre possible un dialogue.
En 1988, au plus fort et plus tragique de la crise, le gouvernement conduit par Michel Rocard avait trouvé les chemins. C’est possible, mais il faut cesser de vouloir imposer les vues de la métropole. Et oser la modestie, le changement de méthode de gouvernement : considérer que la société a sa place dans les décisions et qu’on ne peut la conduire à la schlag.
Et alors il sera temps d’inventer un nouveau système d’alliance territorial, de gouvernance et de citoyenneté qui élargissent les droits et fassent justice à l’histoire. L’indépendance en fait partie.
En outre, il faudrait aussi réfléchir à la banalisation de l’arsenal « antiterroriste », mis en place sous François Hollande, qui constitue de puissantes armes de répression à l’usage discrétionnaire d’un pouvoir pas toujours animé d’esprit de tempérance démocratique. Vous voyez ce que je veux dire ? Inquiétudes pour aujourd’hui et demain.
- Édifiant : écouter l’interview sur France inter du député Renaissance Nicolas Metzdorf, porteur de la loi modifiant le corps électoral. Buté et pyromane. ↩︎
Catherine Tricot use d’un langage ambigu, sur fond de violences qui menacent de s’étendre. De deux choses l’une :
– soit on considère, selon la logique racialiste, que les kanak sont les seuls habitants légitimes de la Nouvelle-Calédonie et qu’eux seuls doivent décider de leur destin. Celui-ci est nécessairement l’indépendance, fondée sur le droit des peuples à disposer eux-mêmes, ici le peuple kanak. Les calédoniens qui n’en font pas partie sont des étrangers sans droit de vote.
– soit on décide, selon la logique du vivre ensemble, que tous les Calédoniens ont un destin commun, tous, et qu’ils doivent le choisir librement par un référendum où tous voteront. C’est d’ailleurs ce qui s’est déjà passé, par trois fois. Quel que soit leur choix, l’autonomie dans le cadre de la France ou l’indépendance, il devra être respecté une fois pour toutes. Tous les Calédoniens ont le droit de vote. Le corps électoral ne peut pas être gelé indéfiniment.
De quelle logique se réclame Catherine Tricot ?
De quelle (in)culture et repères historiques se réclame Frédéric Normand ?
Et vous ?