Narcotrafic : notre fléau à tous

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Face au narcotrafic, ni l’approche strictement répressive ni l’approche compulsionnelle ne peuvent suffire. Il faut prendre la question pour ce qu’elle est : un signe puissant de la crise sociale et morale de notre société.

Il y a une semaine, Mehdi était assassiné pour intimider son frère, Amine Kessaci, militant écologiste anti-narcotrafic. Le ministre de l’intérieur l’affirme : « Un palier a été franchi ». Dans les conversations, à l’Association des maires de France, le narcotrafic supplante la crise des services publics. La violence des réseaux criminels frappe partout et les habitants des quartiers populaires en paient le prix fort.


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Face à cette spirale de violence, deux modèles s’affrontent. D’un côté, celui de la répression, de la militarisation et de la surenchère pénale qui a été testé mais qui ne fonctionne nulle part : les trafiquants amassent des fortunes, les organisations criminelles défient l’État et détruisent des vies, le trafic s’étend. Ni l’offre ni la demande n’en sont réduites. De l’autre, celui de la prévention et de la réduction des risques, fondées sur la santé, l’éducation, le logement, l’urbanisme et le travail social… qui marque aujourd’hui le pas.

Notre réflexion ne peut se cantonner aux substances illicites. Notre pays est parmi les premiers consommateurs au monde d’antidépresseurs, de somnifères, de cannabis, du protoxyde d’azote. Les ados s’alcoolisent, la santé mentale des jeunes est fragilisée. C’est une société qui souffre. Certes, il n’y a pas de société sans usage de substances récréatives. Mais dans la plupart des pays occidentaux, nous avons dépassé ce besoin humain d’évasion : nous sommes dans un système d’anesthésie collective. Cela ne veut pas dire qu’en attendant que tout aille mieux, rien ne puisse être fait. Pour faire reculer le trafic, fondamentalement, il faut offrir des perspectives et, dès maintenant, donner des moyens aux acteurs de terrain.

Nous ne sommes pas extérieurs à ce fléau. Ni à ceux qui dealent, ni à ceux qui consomment. Ce sont nos enfants, nos voisins, nous. Imaginer qu’il y aurait d’un côté les honnêtes gens et de l’autre un monde criminel est une fiction dangereuse.

Il faut rappeler une vérité et la regarder en face : nous ne sommes pas extérieurs à ce fléau. Ni à ceux qui dealent, ni à ceux qui consomment. Ce sont nos enfants, nos voisins, nous. Imaginer qu’il y aurait d’un côté les honnêtes gens et de l’autre un monde criminel est une fiction dangereuse. Elle sert le confort moral mais empêche toute solution profonde. Celle-ci exige de la fermeté mais aussi de retisser une société qui s’effiloche.

Il n’est pas scandaleux de reconnaître que tout le monde a besoin de sécurité au sens concret, quotidien et vital, comme l’a rappelé la vice-présidente de la LDH Évelyne Sire-Marin dans le dernier numéro de la revue Droits et libertés. Le Conseil constitutionnel a tranché : la sécurité est un « objectif de valeur constitutionnelle ». Le Code de la sécurité intérieure va plus loin : « La sécurité est un droit fondamental ». Ceux qui vivent près des points de deal, qui voient leurs halls d’immeuble confisqués, qui accompagnent leurs enfants en baissant la tête devant des armes de guerre, ne peuvent continuer de le subir. La sécurité fait partie des conditions d’une vie digne. Il n’y a aucun lien naturel et mécanique entre cette reconnaissance et son instrumentalisation politique. Le sécuritaire, c’est la version dévoyée de la sécurité.

Amine Kessaci milite pour un avenir où les habitants seront plus forts que les réseaux – pas pour des opérations coups de poing et des blindés. Les déplacements éclairs de ministres sont inutiles : des politiques de long terme sont attendues. Voir la police déloger ceux qui occupent un hall est un soulagement. Mais l’acharnement sur les petits dealers ne remplacera jamais les moyens nécessaires pour enquêter, démanteler les réseaux et attraper les gros bonnets. Il faut de la présence pour dissuader et pour vivre avec. Il faut des enquêtes coordonnées à l’échelle internationale et des moyens dans toute la chaîne judiciaire. On est loin de tout cela.

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