Mettre les rancunes à la rivière

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Mettre les rancunes à la rivière. D’où vient cette formule qui m’a toujours plu ? Elle est souvent employée par Jean-Luc Mélenchon – peut-être en est-il l’auteur… En ces jours très incertains, un souffle de bienveillance au sein de la gauche serait bienvenu.

L’affaire est entendue : François Bayrou et son gouvernement vont tomber le lundi 8 septembre au terme d’un vote de défiance des députés, probablement très massif. Ensuite, le plus probable est qu’il y aura une dissolution de l’Assemblée nationale. Pourquoi ?


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D’abord parce que c’est légalement possible depuis le mois de juillet et, surtout, parce qu’il n’y a plus de socle commun. Il suffisait d’écouter Gabriel Attal, le chef des macronistes, s’exprimer ce matin sur France Inter : le soutien était minimal et il a attendu deux jours avant que cela sorte de sa gorge. On attendra encore un peu avant que le chouchou des sondages à droite apporte son soutien au premier ministre à la dérive. Édouard Philippe n’est pas pressé de s’abîmer dans des causes perdues ni d’endosser un soutien à ce budget qui rassemble contre lui. Ne disait-il pas en juin « On a un pays où il ne se passe pas grand-chose, pas de grand projet, pas de grand souffle » ? Bruno Retailleau, un autre cador de la droite, reste mutique. Hier encore, il dressait un portrait apocalyptique de la situation de la France à l’occasion d’une prise de parole devant les policiers parisiens. Mais il ne dit pas que le salut passe par le maintien de Bayrou à Matignon – et lui à Beauvau. Le premier ministre et son gouvernement vont faire les frais de la compétition à droite pour la prochaine présidentielle. Tous ces candidats vont devoir méditer sur la force du rejet dans le pays de cette politique à la fois médiocre et injuste, qu’ils soutiennent, pratiquent, proposent. 

Dans ces conditions, les chances de réussite d’un nouveau premier ministre issu de ces rangs-ci est proche de zéro. Il ou elle tombera assurément en décembre – au plus tard lors du vote du budget. Par sa place dans la Macronie, François Bayrou était un peu la carte ultime après la déconfiture politique et morale de Michel Barnier. Emmanuel Macron pourrait démissionner et provoquer une élection présidentielle. Mais tout à son bonheur d’agir sur la scène internationale, il ne le fera pas. Et d’ailleurs c’est tant mieux : qui peut croire qu’une campagne présidentielle de 35 jours permettrait les débats politiques dont la France a été largement privée depuis 2017 par la grâce du président qui s’y est refusé en 2022 et qui a dissout par surprise en 2024 ? 

Reste donc une nouvelle dissolution. Beau travail.

Le danger d’une victoire du RN n’a pas faibli. On peut même redouter les effets amplificateurs de l’ouragan trumpiste. Le président américain et ses émissaires donnent du ventre à toutes les extrêmes droites européennes. Elles se sentent épaulées et encouragées à briser toutes les structures démocratiques. Son accession au pouvoir ne peut être vue comme une parenthèse avant la déconfiture de 2027. C’est le pari d’Emmanuel Macron : il a tort et, se faisant, met notre pays et ses habitants en grand danger.

À gauche, on comprend bien que, pour l’essentiel, la compétition présidentielle détermine les stratégies des partis. Qui peut admettre que cela mérite de lâcher en rase campagne nos espoirs et d’occulter nos peurs ? Qui peut croire que la gauche sera en meilleure posture avec une déroute aux législatives du fait de ses divisions ?

La gauche doit donc raisonnablement anticiper cette dissolution qui peut advenir à tout instant. Et elle doit être une alternative solide. Ce n’est pas ici, à Regards, qu’on épiloguera sur le temps béni où la gauche était miraculeusement réconciliée. Nous ne l’avons jamais cru. Nous n’avons même jamais rêvé d’une grande formation la rassemblant toute entière, avec des candidatures uniques systématiquement, effaçant contradictions et désaccords, comme au temps d’Adam et Ève. La diversité de la gauche n’est pas un péché. En 2002, s’opposant à la fusion de toutes les droites dans une seule formation, l’UMP, un certain François Bayrou disait : « Si nous pensons tous la même chose, c’est que nous ne pensons plus rien ». En revanche, il est indéniable que c’est seulement dans son unité et la bonne gestion de ses accords et désaccords que la gauche peut ouvrir un chemin.

Qui peut croire que, sur le fond, la gauche est plus facturée aujourd’hui qu’il y a deux ans ? On se souvient que les députés du NFP ensemble étaient parvenus, il y a six mois, à faire adopter une sorte de contre budget à l’Assemblée… retoqué par la majorité de droite du sénat et par le gouvernement. 

À gauche, on comprend bien que, pour l’essentiel, la compétition présidentielle détermine les stratégies des partis. Qui peut admettre que cela mérite de lâcher en rase campagne nos espoirs et d’occulter nos peurs ? Qui peut croire que la gauche sera en meilleure posture avec une déroute aux législatives du fait de ses divisions ? Et que les insoumis réfléchissent. Combien perdront-ils de députés s’ils ont face à eux, dans chaque circonscription, une candidature de rassemblement de la gauche ? Revenir essoré à l’Assemblée ne vaudra pas légitimation de la course en solitaire qu’ils ont entrepris. Les communiste aussi devraient se ressaisir et cesser la stratégie de la chaise vide. Ce n’est vraiment plus de saison. Les socialistes ne sont pas en reste : ils disent sans argumenter que l’union n’est plus possible. Ha ! Mais pourquoi ? Ont-ils décidé de faire chemin arrière dans le trajet qui les écartaient du social-libéralisme hollandais ? Que les insoumis soient super-pénibles, qui peut le nier ? Mais ce n’est pas un fait nouveau.

Non, rien ne justifie que la gauche joue comme si elle avait l’éternité pour elle. Il est temps de mettre les rancunes à la rivière.

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7 commentaires

  1. Renaud Bernard le 29 août 2025 à 00:55

    C’est le bon sens même : union de la gauche et de l’extrême-gauche. A droite, on devrait s’en inspirer.

  2. Guillaume le 29 août 2025 à 09:46

    « Que les insoumis soient super-pénibles, qui peut le nier ? »

    Ça fait toujours plaisir de se faire insulter.
    Super pénible à propos de quoi ?
    À quel moment ?
    On ne saura pas.

  3. Berthelot Jacques le 29 août 2025 à 11:04

    Oui mettre les rancunes à la rivière pour gagner avec un projet de rupture .
    Mais quand on lit l’entretien de Boris Vallaud dans Libération on ne peut qu’être inquiet il déclare :  » vu les désaccords importants avec LFI un accord programmatique tel qu’on a pu le connaitre l’année dernière ne parait pas concevable « . A la poubelle les propositions de la NUPES et du NFP.
    Vallaud ne précise rien : c’est quoi ces  » désaccords importants  » : les mesures pour le partage des richesses , contre les inégalités , contre les discriminations , pour agir contre le réchauffement climatique , pour la biodiversité, pour l’agriculture paysanne , pour la solidatité avec le peuple Palestinien ….
    Cette volonté de considérer que LFI n’est pas à gauche et l’exclure offre un bel avenir au RN , venant d’un parti qui il n’y a pas si longtemps faisait confiance au gouvernement Bayrou grâce aux  » avancées  » qu’il avait obtenu, tiens au fait lesquelles si on en reparlait ?

  4. Frédo le 29 août 2025 à 11:28

    Moi, je peux le nier !

  5. Yi-Nan HSU le 29 août 2025 à 11:36

    Avant, je ne savais pas qu’il y avait tant de partis en France. Aujourd’hui, j’ai beaucoup appris. Merci! Avant, je ne connaissais que Le Pen, parce que les médias chinois parlaient toujours d’elle et disaient clairement qu’elle dirigeait un parti d’extrême droite, très populaire chez les jeunes!

  6. Pierre Hedouin le 31 août 2025 à 18:10

    On est peut être pénibles , je ne vais pas le nier – pénibles pour qui ? Pour ceux qui tournicotent , qui emberlificotent ? pour ceux qui se sont vus califes à la place du calife ? En tout cas nous pesons un quart de l électorat de gauche et nous avons, un candidat .
    Perso , j ai besoin de JLM , j ai besoin d un candidat qui fasse le poids , qui aie de l imagination et une culture politique que peu de gens peuvent lui contester . J ai besoin de sa détermination et de son enthousiasme car il y a 50 ans que j entends les mmes discours , les mmes résonnements alambiqués et que rien n a bougé ! au contraire . « L Avenir en Commun » vous paraît il un si mauvais programme que les gauches ne puissent s ‘y retrouver et le soutenir ? Mélanchon n est peut être pas irremplaçable mais il est le seul actuellement à s imposer , à mes yeux , face aux imposteurs d en face ! face aux droites et aux drauches .

  7. Carlos _H le 5 septembre 2025 à 10:04

    Alors comme ça on en est encore là?!
    Après cette merde pas possible qu’à foutu le PS depuis les dernières législatives au sein du NFP, le mépris clairement affiché (et semble t’il partagé par d’autres) envers l’un de ses partenaires politiques majeurs, LFI, il y en a encore pour considérer qu’une union « de la gauche » est une fois de plus nécessaire pour gagner ?! Commencez déjà par me prouver que le PS est réellement un parti gauche plutôt qu’un parti centriste qui surfe sur une image héritée d’un autre temps…. Pour ma part, je suis pour une rupture nette avec l’existant et le seul programme conséquent et sérieux pour entamer cela est porté par La France Insoumise… Du moins, jusqu’à ce que « Regards » ne se décide à faire un comparatif en la matière: quel projet est soutenu par quel parti politique. Peut être aurai-je des surprises (j’y crois même pas en le disant)! Ça aussi ce serait un changement, commencer à discuter « programme » alors que que tout le monde est persuadé que seul le casting compte! Écoutez, si vous en doutez, tous les électeurs de « gauche » ont compris (certes ce fut long) ce qu’était une « gauche de gouvernement », c’est une gauche… ben qui gouverne a droite ! Le PS c’est cette « gauche » là, celle qui n’en a que le nom…
    Bref, ça suffit l’union… Quoiqu’il en soit, et quelque soit la propension des gens à aller voter (je doute qu’elle soit forte pour s’agissant des classes populaires surtout depuis que Macron nous a montré qu’on pouvait s’assoir sur le résultat d’une élection sans qu’on évoque la fin de la democratie), j »ai plus confiance dorénavant en ce qui se passera dans la rue pour changer les choses, à commencer par le 10 septembre, que des arrangements miteux entre partis.

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