Macron coincé
Le président aura-t-il d’autre choix que de laisser la gauche gouverner ?
Le gouvernement Barnier tombé, il reste un goût d’inquiétude et d’incertitude. Certes, il ne pouvait en être autrement. Trop illégitime, trop faible, trop injuste. Qui pouvait le soutenir ? À peine les députés de son propre camp. Aucun député du NFP – sauf deux – n’a manqué à l’appel. Donc advint ce qui devait.
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Et maintenant ? Bien sûr que les dix plaies d’Égypte ne vont pas s’abattre sur la France. Les taux d’emprunt n’ont pas flambé et ce qui ne marchait pas ne marche toujours pas ; pour le reste, ça continue. Et c’est précisément ce qui inquiète. Une majorité de Français l’exprime d’une façon ou d’une autre : notre pays tangue et il faut changer de politique.
Le peut-on dans les conditions actuelles ? Le président bloque. L’Assemblée nationale est divisée, chaque jour davantage. Les Français n’ont pas choisi clairement une politique, sauf leur rejet du RN. La seule solution est de retourner aux urnes sans enjamber le débat : la démocratie suppose de donner du temps. Notre pays a besoin de politique pour tenir debout, se mobiliser et surmonter les difficultés. Il faut donc organiser ce retour aux urnes, c’est-à-dire proposer un calendrier qui ne soit pas précipité, assumer une période de transition avant ces nouvelles consultations électorales décisives. Il faudra alors une gauche crédible c’est-à-dire avec de la force politique – et donc relativement unie pour convaincre sur ses grandes options.
Emmanuel Macron va sûrement s’entêter et la crise politique va s’aggraver, débouchant sur une élection présidentielle précipitée. Ce serait une nouvelle fois un rendez-vous manqué avec la démocratie.
Le temps n’est pas celui des invectives. Les insoumis ont raison de dire que dans un duo/duel avec les macronistes, les socialistes n’ont aucunement les moyens politiques de réformes progressistes. Sans toutes les forces du NFP – et a fortiori sans les insoumis –, le PS retournerait nécessairement aux défaites passées. Les socialistes ont raison de chercher une méthode jusqu’à ces nouvelles élections : ils proposent l’abandon du 49.3 et le renoncement à la motion de censure entre forces du front républicain. Ils annoncent ainsi vouloir appliquer les mesures du NFP qui peuvent rassembler une majorité de députés. Enfin, les écologistes ont raison de proposer les mesures incontournables pour les forces du Nouveau Front populaire. Dans la tension et la douleur, dans les contradictions d’analyses et d’intérêts politiques, tous expriment pourtant les conditions à réunir pour une issue positive à cette grave crise.
Emmanuel Macron a-t-il les moyens de la bloquer ? Techniquement oui : il a seul le pouvoir de nommer le premier ministre. Mais politiquement est-ce le cas ? Pas vraiment. Il entend rester à l’Élysée mais son obstination à sauver tout son bilan accélère le décompte du temps. Même la nomination de François Bayrou n’y changerait rien : trop peu, trop tard. Si le président ne veut pas être pris dans l’engrenage accéléré qui conduit à la crise de régime et à sa démission, il doit entendre la demande de changement. Il doit accepter que sa politique n’a pas convaincu et qu’elle va être remise en cause. Les macronistes sont eux aussi au pied du mur : s’ils continuent leur œuvre missionnaire au service de l’Élysée, ils sombreront. C’est écrit. Ont-ils d’autres choix que de laisser la gauche gouverner ? Ils auront alors tout le temps pour fourbir leurs arguments et trouver un candidat pour convaincre de les maintenir au pouvoir.
Tout ceci serait raisonnable, mais a peu de chances d’advenir. Emmanuel Macron va sûrement s’entêter et la crise politique va s’aggraver, débouchant sur une élection présidentielle précipitée. Ce serait une nouvelle fois un rendez-vous manqué avec la démocratie puisque le débat serait limité à moins de 30 jours, laissant de surcroît peu de chances à la gauche de s’organiser et de se rassembler. C’est doublement inquiétant.
Les Français ont exprimé un double rejet du RN et du NFP.
C’est faux ! Aux européennes et au 1er tour des législatives, les français ont rejeté la politique de Macron. Au second tour, les français ont clairement rejeté le RN avec le front républicain. Il faut tout l’aplomb et l’arrogance de Bardella et Le Pen pour affirmer qu’il faut respecter leurs 11 millions d’électeurs. D’abord c’est moins de 10 millions pour le RN auxquels ils ajoutent plus d’un million de Ciottistes. Mais on ne va pas chipoter…Ce qu’ils ne disent pas, c’est que plus de 20 millions d’électeurs n’ont pas voter pour l’extrême droite!!! Macron est dans le déni de ses défaites , Bardella et Le Pen sont dans le déni du rejet du RN par une large partie de la population.
C’est vrai et c’est un fait, quoi qu’on en pense. Si les Français avaient voulu d’un gouvernement NFP, ils auraient donné à cette coalition une majorité à l’Assemblée nationale. Or ils la lui ont refusée, ne lui accordant qu’une minorité, certes forte mais insuffisante pour ne pas être censurée par une majorité contre elle. Même avec ses 192 députés – 71 LFI, 66 PS, 38 écologistes et 17 du groupe Gauche démocrate et républicaine où siègent les communistes – le NFP, tel quel, ne peut pas gouverner. Il devra rester dans l’opposition ou éclater entre sa composante de gauche, le PS et les écologistes, et celle d’extrême-gauche, LFI et le PCF. C’est surtout l’extrême-gauche qui fait l’objet d’un rejet massif dans l’opinion. Le communisme est un repoussoir absolu et peu de gens apprécient les outrances démagogiques de Mélenchon.
Pour le RN c’est une situation comparable. Il dispose lui aussi d’une forte minorité. Avec ses alliés de l’UDR, il pèse bien 11 millions d’électeurs. Dans l’hémicycle son groupe, comptant 124 députés, est de loin le plus important de l’Assemblée nationale. Avec les 16 élus de l’UDR, cela fait 140 députés, c’est moins certes que les 192 du NFP mais l’ordre de grandeur est comparable. Ce n’est pas l’adoubement d’un côté et les gémonies de l’autre. Et le RN n’a pas passé d’alliance autre que l’UDR. En attendant, il ne peut pas, lui non plus, gouverner, à moins de s’accorder avec les autres formations de droite. Il y a là, à tout le moins, une réserve.
L’essence même du régime parlementaire étant de créer des alliances sans pestiférer personne, on voit que le jeu reste ouvert dans l’hémicycle. Il l’est aussi dans l’opinion, avec un équilibre des forces qui penche beaucoup plus à droite qu’à gauche.
Non ! Les Français ont exprimé un triplet rejet : le tient, celui de ta famille, celui de tes amis. Blague à part, ils veulent du changement « d’intérêt général ».
Je rédige ce commentaire après avoir regardé pour la première fois le debrief de la semaine qui m’a beaucoup plu et largement convaincu.
Un point me parait particulièrement important et lourd de graves conséquences délétères dans la situation actuelle.
La « tentation libertarienne » est un problème réel dans plusieurs pays occidentaux. Mais elle n’exclue en rien la « tentation illibérale » comme l’élection de Trump, de Milie et le pouvoir d’Orban le montrent.
En France le RN pourrait cristalliser cette dialectique :
– le FN a été autrefois sur une ligne ultra-libérale qu’il a cru bon de mettre en veilleuse pour élargir son influence sur la classe ouvrière et les employés.
– les Français sont effectivement inquiets et le recours à un pouvoir « fort » peut le séduire. Il y a hélas des précédents historiques : Badinguet, Petain, De Gaulle par 2 fois.
– surtout, les vrais maîtres du jeu sont, nous le savons, les classes dominantes, c’est à dire les dirigeants du Grand Capital. Macron est pratiquement hors jeu pour eux, Le Pen pourrait être une nouvelle « divine surprise »
Une situation non sans analogie s’est produite en 1969 et en 1974 quand la grande bourgeoisie a exigé des centristes de l’époque qu’ils soutiennent respectivement Pompidou contre Poher et Giscard contre Chaban.
De plus, les autres forces patronales (PME), la petite bourgeoisie commerçante et la puissante sous-classe des cadres supérieurs et autres Anywheres ne lui feraient certainement pas défaut. Les événements de 1848-1852 sont une illustration de l’alliance des droites quand la Sociale devient un risque réel.
C’est dire la nécessité vitale de l’Union des forces politiques et syndicales progressistes. De ce point de vue, les tentations maximalistes et aventuristes sont dangereuses.
Le rapport de forces actuel est ce qu’il est et pas celui qu’on voudrait…