Les marchés financiers ne servent pas l’intérêt général

On les présente comme des arbitres incontournables, parfois comme une menace permanente planant au-dessus des États. Les marchés financiers seraient le juge suprême de nos politiques publiques, conditionnant notre capacité à investir, à emprunter, à assurer des retraites décentes. Mais derrière ce mythe, il y a une réalité beaucoup plus triviale : les marchés financiers ne financent rien d’utile à la collectivité.
Comme le souligne l’économiste Jean-Marie Harribey (nous ne pouvons que trop vous recommander la lecture de son blog : https://blogs.alternatives-economiques.fr/harribey), « pour la production et la satisfaction des besoins collectifs, les marchés financiers ne servent strictement à rien ». Au contraire, ils organisent la destruction de richesses et fragilisent les institutions sociales, comme on le voit avec les fonds de pension qui minent l’esprit solidaire des retraites par répartition.
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En France, le discours officiel répète à l’envi que la dette nous rend dépendants des marchés : si nous ne sommes pas « sérieux », alors les investisseurs se détourneront de nous et les taux grimperont. François Bayrou, commissaire au plan, en a encore fait son refrain, alignant les chiffres pour mieux dramatiser la situation. Emmanuel Macron, lui, en a fait une arme politique, justifiant la réforme des retraites, la casse de l’assurance chômage ou la réduction des budgets publics au nom de la « responsabilité ».
Mais ce récit oublie une donnée essentielle : c’est parce que les traités européens interdisent aux États d’emprunter directement auprès de leur banque centrale qu’ils sont contraints de passer par les marchés. Ce n’est pas une fatalité économique, c’est une construction politique.
L’État n’est pas un ménage. Contrairement à une famille, il ne rembourse jamais l’intégralité de sa dette : chaque emprunt arrivé à échéance est renouvelé par un autre. Surtout, il lègue aux générations futures non pas seulement des dettes, mais un patrimoine (hôpitaux, écoles, infrastructures) qui pèse plus lourd que l’endettement lui-même. Pourtant, ce qu’on martèle, c’est l’image d’une France « en faillite » à cause de sa dette publique.
Ce discours n’est pas neutre. Il justifie, en France, des politiques d’austérité qui affaiblissent les services publics, désarment la puissance publique et nourrissent un sentiment de dépossession. Ce sentiment, l’extrême droite s’en empare en prétendant offrir des solutions « souverainistes », alors qu’elle ne fait que recycler la logique néolibérale sous un vernis nationaliste.
Le gouvernement Macron porte une lourde responsabilité dans cette dépossession. En agitant l’épouvantail de la dette, il fabrique du consentement à des politiques injustes, antisociales et profondément impopulaires. François Bayrou joue les prophètes de malheur, mais la mise en scène de la peur n’est qu’un outil de plus pour imposer une austérité qui n’a rien d’inévitable.
Pourtant, les solutions existent. La crise du covid l’a montré : quand la survie du système était en jeu, la Banque centrale européenne a massivement soutenu les États, brisant en quelques mois des dogmes présentés comme infranchissables. De la même manière, la création d’un pôle public bancaire, longtemps écartée comme une utopie gauchiste, apparaît désormais comme une nécessité pour reprendre la main sur l’argent collectif.
Comme le rappelle Harribey : « Ce n’est pas l’épargne qui finance les investissements, mais la décision collective de les réaliser ». Autrement dit, la clé est politique, pas comptable.
La question est donc moins économique que politique : qui décide de l’usage de notre argent ? Les marchés financiers, au service de la rentabilité des grands groupes ? Ou bien les citoyens, par l’intermédiaire d’institutions publiques capables de financer les investissements nécessaires à la transition écologique et sociale ?
En France, la gauche ne pourra retrouver de crédibilité qu’en affrontant ce cœur du pouvoir. Car il ne s’agit pas seulement de répondre aux marchés : il s’agit de redonner à la société le sentiment qu’elle décide à nouveau de son destin.
Ah bon ? Mais… la gauche c’était déjà ça, non ?
https://www.google.com/search?q=hollande+mon+ennemi+c%27est+la+finance&oq=hollande+mon+ennemi+c%27est+la+finance&gs_lcrp=EgZjaHJvbWUyBggAEEUYOTIICAEQABgWGB4yCggCEAAYChgWGB4yBwgDEAAY7wXSAQkxMzgxNmowajeoAgCwAgA&sourceid=chrome&ie=UTF-8#fpstate=ive&vld=cid:86c2a33b,vid:tPjlxP3_l90,st:0
Cet article est vraiment bien! Je ne connaissais pas l’économiste Jean-Marie Harribey auparavant, je vais me pencher sur ses travaux.
Ce n’est pas une nouveauté. Les marchés financiers n’ont jamais été et ne seront jamais au service de l’intérêt général et de la collectivité, c’est inscrit dans leur ADN. Les marchés financiers servent uniquement l’intérêt des actionnaires pas celui des États. La difficulté politique est, que face aux pouvoirs exorbitants des marchés et des actionnaires, il n’existe pas d’alternative politique crédible à ce jour. Le dévoiement du socialisme avec contrôle absolu de l’Etat ( type union soviétique, ou république populaire chinoise) a eu de telles conséquences sur le plan de la démocratie, des libertés individuelles et de l’émancipation humaine qu’il ne peut constituer un « modèle » envisageable. La sociale-démocratie qui pouvait constituer une organisation politique socialement acceptable s’est laissée corrompre par les marchés qui en définitive dictent leur loi et elle a échoué ( plusieurs exemples en Europe). Le nationalisme identitaire constitue un allié objectif des marchés financiers dès lors qu’il ne dérange pas les affaires et l’accumulation des profits et ne peut donc pas être une option, à l’image de Trump qui détruit, sous nos yeux, les règles internationales au profit d’une caste qui ne veut rien céder sur ses privilèges….C’est dans ce contexte, que les citoyens les plus lucides sur les nécessités d’une politique éco-citoyenne, sociale et solidaire, égalitaire et émancipatrice, pacifiste et coopérative, doivent se mobiliser et agir pour l’intérêt général et pour l’avenir de l’humanité. Pour ce faire, il sera indispensable de s’attaquer à la loi d’airain des marchés financiers.